Intentions de vacances et concrétisation, deux réalités
On observe une prolifération de sondages visant à connaître les intentions de vacances de la population, qui s’ajoutent aux nombreux outils à la disposition des gestionnaires. Malheureusement, davantage de sondages n’équivalent pas nécessairement à une vision plus précise de l’avenir. En fait, un regard rétrospectif permet de constater d’importants écarts entre les intentions de vacances manifestées par les Canadiens et les résultats réels.
Il est pratique courante pour les intervenants touristiques de s’inspirer des prévisions de la demande pour établir des stratégies d’affaires. Régulièrement, des sondages sont menés auprès de la population afin de connaître leurs futures intentions de voyages et d’anticiper les flux touristiques à court terme. On regarde presque toujours vers l’avant, mais qu’en est-il derrière? Rarement avons-nous l’occasion de confronter les scénarios d’intentions de vacances avec leur concrétisation tangible.
Pour effectuer cette analyse, nous avons retracé les intentions de vacances des Canadiens au cours des cinq dernières années. Dans l’objectif d’une démarche fiable et homogène, nous avons compilé les résultats d’un seul sondage, celui que publie le Conference Board du Canada deux fois par année. Les enquêtes, réalisées à des périodes fixes dans l’année, observent la même méthodologie et peuvent être comparées.
Aux fins de l’exercice, nous avons jugé préférable de mettre en parallèle les taux de croissance des intentions de vacances et ceux des réalisations (soit les réels départs en vacances). Les nombres absolus sont difficilement conciliables puisque les vacances font normalement référence à des séjours de plus de trois jours, alors que les données sur les réalisations sont tirées des enquêtes de Statistique Canada, qui portent sur tout séjour d’une nuit et plus, avec l’agrément comme but de voyage.
Efficacité des sondages, mythe ou réalité?
Faut-il remettre en question la fiabilité des projections? L’analyse du graphique 1 indique que les prévisions se sont avérées diamétralement opposées aux tendances réelles, en ce qui concerne le nombre de départs pour les vacances des Canadiens.
L’écart moyen de croissance annuelle entre les intentions et les réalisations pour les cinq années étudiées se situe à 17%, ce qui constitue un écart considérable. Sur la période étudiée, jamais l’écart entre la prévision et la réalité ne fut moins de 10%.
Évidemment, plusieurs facteurs, dont certains de nature imprévisible, influencent grandement les résultats d’une saison touristique. On n’a qu’à penser à la crise du SRAS qui a pénalisé fortement le tourisme au Canada.
Un regard rétrospectif nous permet de mieux comprendre les raisons de chacun des décalages.
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En 1999, l’économie roulait à plein régime et la bourse atteignait des sommets vertigineux. Les résultats ont surpassé les attentes de 10%.
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En 2000, on assistait à l’éclatement de la bulle spéculative des titres technologiques et l’économie montrait des signes de ralentissement. On constate un écart de 14% qui indique que davantage de Canadiens sont restés chez eux.
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En 2001, l’industrie touristique a vécu un scénario catastrophe avec les événements du 11 septembre. Mais, comme la plupart des vacances avaient été prises avant la date des attentats, on observe néanmoins un écart positif de 14%. Quant aux prévisions, elles ont sous-estimé la vigueur économique des trois premiers trimestres de 2001.
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En 2002, l’effet «après 11 septembre» se fait lourdement sentir dans les intentions de départs, qui atteignent un creux sans précédent. Dans les faits, toutefois, les Canadiens reprennent leurs habitudes plus rapidement que prévu et surpassent de 15% les projections.
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En 2003, l’effet du SRAS, avec en toile de fond la guerre en Iraq, a joué un rôle majeur comme facteur d’influence pour de nombreux Canadiens au moment de leur prise de décision. Les sondages n’avaient pu prendre en compte l’ampleur des effets de la crise, d’où l’écart négatif de 21%.
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En 2004, les prévisions reviennent dans le rouge alors que l’industrie demeure inquiète quant aux résultats de la fin de l’année.
Un désir n’est pas une action!
Sans tenir compte des facteurs imprévisibles, on remarque un écart important entre le nombre absolu de départs par rapport à celui des intentions. On constate que, règle générale, quelque 60% des Canadiens réalisent concrètement les projets de vacances qu’ils prévoyaient effectuer six mois plus tôt.
Selon le Conference Board, quelque 20 millions de Canadiens ont manifesté le désir de partir en voyage au cours de l’année 2004. Il s’agit d’une baisse de 8% par rapport aux intentions de 2003.
Si l’on peut raisonnablement anticiper le contexte économique, d’autres facteurs tels que les conditions climatiques, le taux de change et les événements perturbateurs sont difficiles à prévoir et influencent fortement la prise de décision des consommateurs.
Pour le gestionnaire, les prévisions d’intentions de vacances figurent parmi les variables d’une équation complexe composée notamment d’éléments tout à fait imprévisibles. Les sondages d’intentions peuvent s’avérer annonciateurs d’une tendance annuelle, mais ne sauraient se substituer à l’instinct du dirigeant et servir de pilier décisionnel.
Sources:
– Conference Board du Canada. Travel Exclusive, 1997-2004.
– Statistique Canada. «Enquête sur les voyages des Canadiens», 1999-2003.
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