Structures de gouvernance et financement du tourisme
Dans notre dossier sur la gouvernance, nous avons constaté que le gouvernement et, plus exactement la taxe sur les chambres d’hôtel, constitue pour la majorité des pays étudiés la principale source de financement. Malgré les difficultés rencontrées par plusieurs destinations touristiques pour faire accepter cette taxe, l’Alberta et la Ville de Vancouver ont réussi – avec le soutien de l’industrie – à élargir cette taxation à l’ensemble de l’industrie touristique sous la forme d’une taxe sur le tourisme.
À Vancouver, cette nouvelle forme de taxation, réclamée par Tourisme Vancouver – une association regroupant plus de 1000 intervenants privés – vise à procurer des fonds additionnels pour réaliser les actions marketing de la destination. La législation mentionne que cette taxe «volontaire» devra être perçue par toutes les entreprises touristiques. On dit d’elle qu’il s’agit d’une taxe volontaire, car elle sera adoptée par un secteur touristique uniquement si les membres de ce secteur se prononcent démocratiquement en sa faveur. Les mécanismes de consultation prévus pour chaque secteur demeurent à négocier avec Tourisme Vancouver.
À l’été 2004, le gouvernement albertain annonçait l’abolition de la taxe de 5% sur l’hébergement pour la remplacer au 1er avril 2005 par une taxe de 4% sur le tourisme. Cette nouvelle taxe s’appliquera à tous les secteurs de l’industrie touristique qui y auront adhéré de façon volontaire et démocratique, un peu comme dans le cas de Vancouver.
Voici maintenant, en mots et en chiffres, un survol des principales sources de financement de quelques-unes des destinations étudiées.
En Colombie-Britannique
Les revenus provenant de la taxe sur les chambres d’hôtel constituent la principale source de financement, alors que les sommes provenant des programmes de partenariat avec l’industrie ne cessent de décroître depuis les trois dernières années. Les prévisions pour les trois ans à venir ne montrent pas d’amélioration dans les revenus provenant des programmes – 24 500$, 25 700$, 26 900$ – et seulement de très légères augmentations en ce qui a trait aux revenus attribuables à la taxe sur les chambres – 7837$, 8205$, 8546$.
Tableau 1 – Tourism British Colombia Budget d’exploitation des cinq dernières années
Source: Tourism British Columbia. «Annual Report 2003-2004».
En Alberta
De 1999 à 2003, le budget de marketing et de développement touristique n’a cessé de croître, passant de 16,4 M$ à 23,2 M$, soit une augmentation de près de 41% en quatre ans. À la suite d’une légère diminution de son budget en 2003-2004 (-4,3%), l’Alberta prévoit de substantielles augmentations de revenus avec l’implantation de sa nouvelle taxe de 4% sur le tourisme. Les fonds ainsi recueillis – on prévoit des revenus de 42,4 M$ pour 2005-2006 et de 48 M$ pour 2006-2007 – serviront en entier à la promotion et au développement du tourisme.
Le tableau suivant présente la répartition budgétaire de Travel Alberta pour l’année 2004-2005. On y remarque que la promotion de la destination sur les marchés étrangers occupe la plus large part du budget.
Tableau 2 – Travel Alberta Répartition budgétaire pour 2004-2005
Source: Travel Alberta. «Strategic Tourism Marketing Plan 2004-2007».
En Ontario
Le Programme de tourisme
Le Programme de tourisme vise la revitalisation de l’industrie touristique de l’Ontario grâce à la mise en place d’une stratégie touristique. Ses activités consistent notamment:
- à offrir à l’industrie des services d’information et d’analyse stratégiques;
- à encourager les partenariats pour accroître la compétitivité et améliorer la qualité des services;
- à travailler avec les intervenants de l’industrie et d’autres ministères pour trouver des débouchés touristiques et en faire la promotion;
- à exploiter les centres d’information touristique;
- à administrer les attractions touristiques appartenant à l’Ontario.
Le budget du ministère du Tourisme et des Loisirs prévoit un investissement de 106,7 millions $ en 2004-2005 pour son programme de tourisme, soit 40 millions de plus qu’en 2003-2004. De ce montant, 71 millions échoient à la Société de partenariat ontarien de marketing touristique et 3,7 millions au développement des investissements touristiques.
Voici les données préparées par le gouvernement ontarien pour son programme du tourisme.
Tableau 3 – Ministère du Tourisme et des Loisirs de l’Ontario, dépenses réelles et prévisions
Source: Ministère du Tourisme et des Loisirs de l’Ontario. «Budget des dépenses 2004-2005».
Au Québec
Au cours des trois derniers exercices financiers, les dépenses de Tourisme Québec s’élevaient en moyenne à 102,4 M$, la promotion et la commercialisation monopolisant la plus grande part des dépenses, soit 39% pour l’exercice 2002-2003. Quant à lui, le développement des produits représente 36% des dépenses de Tourisme Québec et les frais d’exploitation et d’administration s’élèvent à 26% en moyenne. Le tableau suivant présente les différentes catégories de dépenses de Tourisme Québec pour les trois dernières années.
Tableau 4 – Tourisme Québec
Fonds de partenariat touristique: principales dépenses entre 2000 et 2003
Source: Couture, Maurice.
«Vers une nouvelle politique touristique du Québec.
Portrait, tendances et pratiques en matière de gouvernance en tourisme:
les enjeux et défis pour un modèle adapté au Québec».
En France
Les crédits accordés au titre du tourisme pour 2004 sont en diminution pour la première fois depuis 1998, s’établissant à 74,1 millions d’euros, soit une baisse de plus de 5% par rapport à 2003. De plus, selon certains observateurs, ce sont surtout les crédits d’intervention (programmes) qui tendent à baisser alors que les dépenses de fonctionnement de l’administration nationale continuent de croître.
Le budget du ministère délégué au Tourisme de la France permet de financer trois grandes catégories d’actions:
- assurer la promotion de l’image touristique de la France à la fois en France et à l’étranger;
- élaborer la réglementation du secteur et sa normalisation et adapter la qualité de l’offre touristique;
- encourager le départ en vacances de tous les publics, et notamment des handicapés et des personnes démunies. En 2004, cette action mobilisait 6% des crédits du ministère délégué au Tourisme (hors dépenses de personnel) comparativement à plus de 12% l’année précédente.
Maison de la France, l’organisme chargé de la promotion de la France à l’étranger, reçoit 34 millions d’euros de financement de l’État et autant de la part des professionnels qui s’associent à ses campagnes. Malgré tout, le budget «communication» de la France reste très inférieur à celui de l’Espagne, deuxième destination dans le classement mondial, qui a consacré 95 millions d’euros pour inciter les touristes à séjourner sur son territoire.
Tableau 5 – Ministère délégué au Tourisme de la France Dépenses en 2004
Source: Direction du Tourisme. «Le budget du tourisme 2004».
En Australie
Afin de réaliser sa nouvelle politique du tourisme publiée en 2003, le gouvernement australien accroîtra le financement de l’industrie touristique de 235 M$, soit 52,2 millions par année, s’échelonnant du premier trimestre 2004 au 30 juin 2008. Déjà, au cours de l’année fiscale 2003-2004, l’Australian Tourist Commission recevait un budget additionnel de 12 M$, dont 10 millions pour mettre sur pied sa nouvelle campagne de marketing international. Le budget des prochaines années se structure de la façon suivante:
Tableau 6 – Australian Tourist Commission
Budget de 2003-2004 à 2007-2008
Source: Tourism Australia. «Tourism Funding profile».
Aux États-Unis
En février 2003, Georges Bush signait l’Omnibus Appropriation Act for Fiscal Year 2003 dans lequel le gouvernement allouait 50 millions $US pour la réalisation d’une campagne promotionnelle s’adressant aux touristes en provenance des cinq marchés prioritaires pour les États-Unis, soit le Canada, le Mexique, le Royaume-Uni, le Japon et l’Allemagne. Le gouvernement vise également l’implication financière des organisations régionales de tourisme, dont les membres représentent divers secteurs de l’industrie, incluant les offices de tourisme des États, les bureaux de congrès et les intervenants privés.
Tableau 7 – États-Unis Budget prévu des offices de tourisme en 2002-2003
Source: Travel Industry Association of America. «2002-2003 Survey of U.S. State & Territory Tourism Office Budgets».
Au Royaume-Uni
Le budget total du Royaume-Uni a augmenté de 9,5% en 2003 par rapport à 2002, comme nous le constatons dans la figure 1. La promotion internationale équivaut à 65% du total de la subvention gouvernementale, alors que le marketing domestique en représente un peu plus du quart (26,2%). Les agences de développement régional dépensent en moyenne annuellement 14 millions de livres pour le développement et la promotion du tourisme et les autorités locales en déboursent 116 millions.
Figure 1 – VisitBritain
Évolution des revenus touristiques en 2002-2003 et 2003-2004
Source: VisitBritain. «Annual Report 2003-2004».
Nouvelle-Zélande
Au fil des ans, la contribution financière du gouvernement néo-zélandais au tourisme n’a cessé de décroître. Ainsi, entre 2000 et 2004, les subventions gouvernementales ont diminué en moyenne de 5,6%. Malgré cela, au cours de la dernière année, Tourism New Zealand a considérablement accru son budget de publicité afin d’orchestrer sa toute nouvelle campagne publicitaire, 100% Pure New Zealand, qui soulignons-le, a gagné de nombreux prix, entre autres:
- deux médailles d’or de la Hospitality Sales and Marketing Association International, une association sise aux États-Unis
- le Grand Award for Marketing remis par la Pacific Asia Travel Association (PATA)
Ces dépenses publicitaires ont effectivement enregistré une croissance de 40,6% en 2004 par rapport à l’année précédente, alors que celles liées à l’ensemble des autres activités marketing telles que la participation à des événements, les relations publiques, la formation des intervenants, etc., ont subi une baisse de 24,8% au cours de la même période.
Tableau 8 – Tourism New Zealand Sommaire du budget: 2000 à 2004
Source: Tourism New Zealand. «Annual Report 2003-2004».
Les subventions gouvernementales comprennent un budget de base de 54 382 millions $ pour 2004 de même que des montants additionnels pour des activités spécifiques, soit:
Quelques conclusions
Les modalités de financement des organismes nationaux, régionaux et locaux sont peu diversifiées. Malgré une ferme volonté gouvernementale d’investir dans l’industrie touristique, le financement ne va souvent pas de pair, comme ont pu le remarquer les intervenants touristiques français qui ont subi une diminution des investissements pour l’année 2004, et ce, malgré une toute nouvelle politique du tourisme.
D’autre part, dans un contexte économique mondial particulièrement difficile pour le tourisme depuis les dernières années – guerre en Irak, menaces terroristes, SRAS, vache folle – la capacité à investir des entreprises touristiques ne va certainement pas en s’accroissant. On doit se demander si les gouvernements sont prêts à investir encore plus en tourisme tout en laissant de plus en plus de place aux initiatives privées et régionales ou locales.
Avec l’avènement de cette prometteuse taxe sur le tourisme, plutôt qu’uniquement sur l’hébergement, le gouvernement albertain et l’administration de Vancouver espèrent disposer de sommes suffisantes pour mener à bien leurs diverses activités de marketing. Cependant, le processus «démocratique» et «volontaire» d’adhésion à cette nouvelle taxe sur le tourisme semble très loin de faire l’unanimité dans les divers secteurs de l’industrie touristique. De plus, aucune modalité de fonctionnement n’a pu être négociée jusqu’à maintenant.
On peut dès lors se questionner sur la viabilité de cette forme de taxation. Sera-t-elle vouée à l’échec avant même d’avoir réellement vu le jour? Rappelons qu’au Québec, les modalités de fonctionnement liées à la taxe sur l’hébergement n’avaient également pas été établies, pas plus que l’emploi qu’on ferait des sommes amassées. Tout cela ayant comme conséquence que, dix ans plus tard, la taxe n’est toujours pas adoptée dans la moitié des régions touristiques.
L’ensemble des partenaires de l’industrie touristique doivent donc faire preuve d’imagination pour «étirer» leurs dollars. Ce que l’on pourrait traduire par: «Comment faire plus avec moins?» D’où la nécessité, on y revient sans cesse, d’actions concertées, de partage des tâches et des responsabilités, de partenariats, d’évaluation, etc.
Le succès appartient aux destinations qui possèdent une vision et des objectifs clairs, partagés par tous leurs partenaires et qui sauront faire fructifier leurs investissements, quels qu’ils soient, en démontrant un leadership et une originalité exceptionnels.
Voir aussi:
– Qu’est-ce que la gouvernance?
– Les mécanismes généraux de coordination et de concertation avec l’industrie
– La coordination entre le gouvernement et l’industrie touristique
– Les structures de gouvernance à l’étranger: définitions, rôles et responsabilités
– Centraliser ou décentraliser, voilà la question
Sources:
– Couture, Maurice. «Vers une nouvelle politique touristique du Québec. Portrait, tendances et pratiques en matière de gouvernance en tourisme: les enjeux et défis pour un modèle adapté au Québec», juin 2004.
– Ministère délégué au Tourisme de la France. Direction du Tourisme. «Le budget du tourisme 2004». [http://www.tourisme.gouv.fr/fr/z1/ministere_delegue/budg_tourisme/]
– Ministère du Tourisme et des Loisirs de l’Ontario. «Budget des dépenses 2004-2005».
– Tourism Australia. «Tourism Funding profile».
[http://www.tourismaustralia.com/content/About%20Us/twp_fundingprofile.pdf]
– Tourism British Columbia. «Annual Report 2003-2004».
– Tourism New Zealand. «Tourism New Zealand Annual Report 2003-2004.
[http://www.tourisminfo.govt.nz/tourism_info/publications/annual-report/annual-report_home.cfm]
– Travel Alberta. «Strategic Tourism Marketing Plan 2004-2007».
– Travel Industry Association of America. «2002-2003, Survey of U.S. State and Territory Tourism Offices Budgets», mai 2003.
– VisitBritain. «Annual Report 2003-2004».
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