À qui profite le tourisme?
La Croatie a connu sa meilleure saison touristique depuis 16 ans et les autorités croates en sont très fières. Mais un journaliste constate qu’en bout de ligne les retombées touristiques ne se reflètent pas sur les données économiques de l’État. À qui profite le tourisme? De la Croatie aux régions québécoises en passant par le tourisme durable…
Masse et manne vont-elles de pair?
Nouvelle coqueluche méditerranéenne, la Croatie a reçu, en 2004, près de 8 millions de touristes internationaux et enrichi ses coffres de 7 milliards $US, selon les chiffres préliminaires de l’Organisation mondiale du tourisme.
Cependant, un journaliste croate d’un quotidien indépendant soulève certaines questions. Selon celui-ci, on évalue la participation du secteur touristique à 20% du total du produit annuel brut et, pourtant… les comptes publics sont toujours dans le rouge, la croissance stagne et le chômage ne diminue guère, même de façon saisonnière. Ce journaliste dénonce, entres autres, la vente des infrastructures touristiques les plus attrayantes aux propriétaires étrangers et les pressions négatives qu’engendre le tourisme de masse sur le milieu.
La Croatie est citée comme un exemple de succès à travers le monde et le tourisme comme la panacée économique de ce pays. Vue de l’intérieur, la situation semble tout autre. Bien qu’il soit difficile d’évaluer l’exactitude de son propos, ce journaliste dénonce cependant plusieurs situations maintes fois soulevées.
De la masse à la manne au tourisme durable
Par ici les touristes! On bataille fort pour les attirer, pour augmenter les chiffres qui jettent de la poudre aux yeux et pour se targuer d’être la première destination mondiale, nationale ou régionale. Sauf qu’aucun gourou statisticien n’a encore réussi à déterminer les facteurs ou les variables permettant de comptabiliser les retombées positives et négatives du tourisme pour établir le bilan de l’apport de cette industrie dans une région.
Doit-on privilégier la quantité sous prétexte de faire sonner les coffres sans se préoccuper des impacts économiques et environnementaux réels? Avec le virage «vert» qui prévaut dans la politique québécoise, la réponse est NON!
L’arrivée d’investisseurs étrangers au sein d’une destination est souvent perçue comme une manne en raison de ses divers impacts:
- apport de capitaux;
- notoriété;
- effet de levier économique;
- développement d’une offre satellite;
- création d’emplois et développement de l’expertise;
- amélioration des infrastructures de service;
- accès à un puissant réseau de distribution;
- utilisation de nouvelles technologies;
- etc.
Malgré ces nombreux effets positifs, il faut mettre aussi dans la balance la contrepartie qui vient assombrir les données économiques et qui, trop souvent, est éludée. À ce chapitre, citons:
- retour des revenus au siège social des investisseurs étrangers sous diverses formes – frais de gestion, marketing, etc.;
- exercice des activités dans une économie fermée où de telles pratiques stimulent très peu l’économie locale et où les destinations ne récoltent qu’une faible part du gâteau – centres de villégiatures qui gardent les visiteurs captifs; ententes de collaboration passées entre multinationales; voyagistes qui, par leur stratégie d’intégration verticale, retournent une part importante des dépenses de leurs clients dans leur tiroir-caisse;
- puissance de négociation des acteurs face aux fournisseurs à destination;
- exercice d’un contrôle sur le marché;
- banalisation du produit;
- exploitation des travailleurs – maintien dans des emplois de niveau inférieur;
- etc.
En outre, l’augmentation sans cesse croissante des flux touristiques exerce une pression considérable sur l’ensemble des milieux:
- choc des cultures;
- pression indue sur le milieu naturel;
- perturbation de la population locale – embouteillages, bruit, etc.;
- etc.
Le tourisme durable peut apporter des solutions à certains problèmes ou en atténuer les conséquences négatives. Mais, avant tout, la destination doit se demander quel type de tourisme elle désire développer.
Développer un tourisme durable veut aussi dire «ne pas se laisser guider seulement par les impératifs économiques»
Mais encore là, il n’y a pas de formule magique! «Équilibre et harmonie» doivent devenir les leitmotivs si l’on veut concilier vision à long terme, avantages économiques et protection des milieux. Dans ce contexte, il convient d’accueillir les entreprises dont les stratégies correspondent aux objectifs de développement de la destination.
Le développement du projet récréotouristique du Groupe Le Massif dans la région de Charlevoix promet de s’inscrire dans une démarche de développement durable et de protection de l’environnement et il table sur cet élément distinctif pour se démarquer. Leur communiqué de presse du 14 septembre 2005 contient des éléments qui souscrivent aux préceptes du tourisme durable, tels que:
- appui du monde politique et du milieu des affaires régional;
- concertation avec la communauté locale – séances d’information et consultations publiques;
- utilisation restreinte de l’automobile et développement de moyens alternatifs s’intégrant à l’expérience touristique;
- lieu d’apprentissages et de découvertes;
- vitrine écologique au coeur du projet;
- aménagement responsable du territoire et protection des paysages;
- authenticité;
- hébergement à faible densité;
- développement plus sauvage de la montagne;
- création d’emplois permanents de qualité dans la région ainsi que d’une richesse collective;
- prise en compte de la capacité d’accueil du milieu, de l’intégrité des écosystèmes existants, de la variété des utilisateurs et des communautés locales;
- utilisation de méthodes de construction et d’exploitation sensibles à la fragilité des milieux naturel, culturel et humain.
Voici un projet d’envergure qui se veut «à petite échelle». À surveiller!
Miser sur le tourisme durable s’avère une stratégie gagnante, mais aussi… un défi pour la destination.
Sources:
– Communiqué de presse. «Groupe Le Massif présente son projet récréotouristique à la population de Charlevoix», CNW Telbec [www.cnw.ca], 14 septembre 2005.
– Jakovljevic Ivo. «Tourisme en Croatie: la grande arnaque», traduit par Ursula Burger Oesch, Novi List, 8 septembre 2005.
– Organisation mondiale du tourisme. «Le tourisme à l’heure des alliances, des fusions et des acquisitions», rapport réalisé par la Chaire de Tourisme de l’UQAM, 2002, 168 p.
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