Les touristes à la recherche d’authenticité, mais que veulent-ils au juste?
La quête d’authenticité s’inscrit comme une tendance lourde dans la demande touristique car les voyageurs recherchent «une expérience à part, de celles qui font le monde si divers et vivant». Québec n’est pas Venise, les Inuits se distinguent des Aborigènes d’Australie et la cabane à sucre n’a rien à voir avec la traditionnelle raclette dans un chalet suisse. Avec le mouvement du tourisme durable, l’authenticité occupe le devant de la scène, mais elle suscite aussi de multiples questions.
Tout comme l’écotourisme, le concept d’expérience et le tourisme d’apprentissage, la notion d’authenticité laisse le champ libre à de multiples interprétations… selon le point de vue du touriste ou la récupération du terme par le voyagiste et le stratège du marketing.
De la théorie…
L’authenticité représente ce qui est conforme à la vérité, à l’original. Ses antonymes, fausseté et imitation, permettent de mieux cerner sa signification.
L’authenticité en tourisme, c’est:
- la quête d’un monde différent
- ce qui représente l’expression identitaire d’une population, d’un peuple
- ce qui gravite autour des coutumes et des traditions _ faire connaître ses différences et offrir une vitrine sur sa culture, son patrimoine, son histoire, sur ce qui modèle l’identité d’une destination
- ce qui permet de contrer la mondialisation et la standardisation qui en découle _ aujourd’hui, les plages, les palmiers et les hôtels se ressemblent
- quand la découverte nous amène là où le modernisme n’a pas encore envahi un coin de pays et modifié les façons de faire et de vivre
- ce qui rime aussi avec valeur ajoutée et qualité de l’expérience
En outre, pour faire le lien entre authenticité et tourisme durable, il n’y a qu’un pas. C’est un concept qui s’inscrit «de façon naturelle» dans un tel mouvement.
La quête de l’authenticité reflète un besoin du touriste urbain occidental. Ce dernier recherche en effet le contraste avec la vie quotidienne, la différence, la nouveauté, l’évasion. Il veut vivre de nouvelles expériences et avoir la sensation d’être là où se situe le vrai, l’original, de pouvoir dire «qu’il y était». À titre d’exemple, même si le voyageur japonais peut se procurer aisément le vêtement d’un grand couturier parisien à Tokyo, le fait de l’avoir acheté à Paris où le couturier a pignon sur rue revêt une tout autre signification.
L’authenticité peut se mesurer selon l’échelle de valeurs du touriste lui-même, lorsqu’il revient à la maison avec l’impression d’avoir été dépaysé ou de mieux comprendre le coin de pays qu’il a visité et son évolution ou encore d’avoir établi un contact avec la population locale.
… à la pratique
La richesse d’une destination réside dans son caractère authentique. Pas besoin des pyramides d’Égypte; chaque collectivité possède une histoire et une culture uniques. Il s’agit d’en faire la mise en scène pour le bénéfice du touriste, par exemple:
- l’introduction de la cabane à sucre ou de la pêche sur la glace dans un circuit de visites
- une simple randonnée en forêt qui, guidée par un autochtone, prend une tout autre connotation
- une soirée où l’on raconte les contes et légendes de la région
- les économusées qui mettent en valeur les métiers et les savoir-faire traditionnels
- le tourisme autochtone avec ses manifestations culturelles, sa cuisine et son artisanat
- les couleurs automnales et un bon repas cuisiné avec des produits régionaux
- des souvenirs fabriqués par des artisans locaux et la possibilité de les rencontrer
- la découverte de la migration des oies blanches ou l’observation des baleines
- simplement le voyageur qui, au détour d’une randonnée, tombe sur une fête locale et côtoie la population.
… à l’ambiguïté
Viviane Hamon, consultante et chargée de cours à l’Institut Universitaire Professionnalisé (IUP) Métiers de la montagne (Gap, dép. des Hautes-Alpes), cite, dans la revue Espaces, l’exemple de la culture de la lavande dans un village de Haute-Provence où toute la production est mécanisée et où le gaz propane remplace la paille dans la distillation du produit, alors que l’image touristique renvoie à celle de gens en costume provençal coupant la lavande à la faucille. Lors de la Fête de la lavande, on ressort un vieil alambic en cuivre et des charrettes, les gens se costument et vendent leurs produits. L’authenticité recherchée par le touriste fait fi de l’activité économique et même du cycle naturel des saisons; il recherche en novembre une distillerie active, alors qu’elles ont toutes déjà terminé leurs activités.
Peut-on s’insurger contre une telle pratique et crier à la fausse représentation?
De même, en ce qui a trait aux souvenirs, on se demande si le fait que l’artisan adapte souvent sa production aux goûts des touristes doive être considéré comme un processus normal ou si l’on doit y voir une menace à l’authenticité du produit.
La fabrication artificielle d’une offre touristique où l’on invente un monde ou encore où l’on reproduit certains attraits d’une autre destination s’oppose à l’authenticité. Pourquoi alors Walt Disney World et Las Vegas sont-ils si populaires et surpassent-ils même le nombre de touristes qu’un pays tout entier peut accueillir? Pourquoi plusieurs destinations, comme Dubaï, se lancent-elles dans la surenchère et la démesure? Ces mondes «fabriqués» constituent un autre type de représentation d’une tendance actuelle.
Qui détient la capacité légitime de définir l’authenticité d’un produit? Le voyagiste modèle l’offre à partir de la demande et le stratège reprend les arguments publicitaires qui répondent aux attentes du touriste.
Lors de son allocution au premier Sommet mondial du tourisme en 1999 à Chamonix, Étienne Pauchant, alors chargé du marketing et du développement à IPK International, résumait l’importance de l’authenticité dans le tourisme durable en quelques mots: l’authenticité ou le tourisme «bien fait».
Sources:
– Etienne PAUCHANT. «La part de l’authenticité dans le tourisme durable», 1er Sommet mondial du tourisme, Chamonix, décembre 1999.
– Hamon, Viviane. «Authenticité, tourisme durable et marketing», Espaces 228, juillet-août 2005, p. 42-56.
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