Une concurrence qui mine la performance du Québec et du Canada
Règle générale, les statistiques touristiques sont abordées sous l’angle des arrivées. Ainsi, on mesure la performance d’une destination d’après le nombre de visiteurs qu’elle reçoit. Lorsqu’on compare le taux de croissance des départs internationaux de certains marchés avec les arrivées touristiques de ces mêmes marchés vers le Québec et le Canada, on obtient un tout autre regard. Le Canada est en perte de vitesse et la vivacité de la concurrence se fait durement sentir.
Une concurrence qui mine la performance
Globalement, l’industrie touristique internationale se porte bien, mais la concurrence est plus vive que jamais. En ce sens, certaines destinations tirent davantage leur épingle du jeu alors que d’autres, qui ne faisaient pas partie du paysage touristique il y a quelques années, font leur apparition dans le radar et grignotent lentement mais sûrement des parts de marché. (Lire aussi: Quand on dit que la concurrence s’intensifie.)
En 1990, la part touristique mondiale des arrivées internationales du Canada se chiffrait à 3,8%. En 1998, elle est passée à 3,1%, alors qu’en 2004 elle n’atteignait plus que 2,5%. Cela illustre bien les effets de la concurrence et du désir des touristes de découvrir de nouveaux horizons. (Lire aussi: Les stars au firmament des destinations.)
Afin de mieux évaluer les conséquences de la concurrence sur les performances relatives du Québec et du Canada, nous avons comparé le taux de croissance des départs vers l’étranger des principaux marchés émetteurs de 1998 par rapport à 2005 avec le taux de croissance du nombre d’arrivées au Canada et au Québec pour ces mêmes marchés et la même période (graphique 1). Précisons que pour les fins de l’exercice, une année de référence (1998) a été utilisée et il est possible qu’elle représente une année atypique pour certains marchés. C’est le cas notamment de la clientèle japonaise qui s’était déplacée en très grand nombre au Québec en 1998. Les conclusions à en tirer doivent ainsi être effectuées avec prudence et analysées globalement. Néanmoins, les résultats s’avèrent fort révélateurs.
Regardons maintenant en détail la façon dont les parts de marché de ces sept principaux pays émetteurs se sont érodées lorsqu’on compare 1998 à 2005.
Allemagne
L’Allemagne demeure le marché émetteur le plus important de la planète, mais il est en perte de vitesse. Les dépenses touristiques internationales des Allemands ont atteint 71 milliards USD en 2004. Depuis 1998, le nombre de départs vers l’étranger ne s’est apprécié que de 10%. Pendant ce temps, les arrivées touristiques des Allemands au Canada et au Québec reculaient respectivement de 14% et de 19%. Précisons que seulement 6% des voyages des Allemands ont été effectués à l’extérieur de l’Europe en 2005.
On observe actuellement beaucoup d’optimisme en ce qui a trait à l’économie allemande. Un récent sondage révèle que 60 millions de voyages de plus de cinq jours ont été planifiés pour 2006. La nature demeure un élément attractif majeur pour ce marché. Les Allemands accordent beaucoup d’importance à la sécurité et rejettent les destinations récemment victimes de catastrophes. L’Australie est considérée comme un concurrent important par la Commission canadienne du tourisme.
États-Unis
Dans un récent article du Réseau de veille, nous soulignions le fait que les Américains ont massivement recommencé à voyager à l’étranger alors que, parallèlement, le Canada ne cesse d’enregistrer des résultats décevants. (Lire aussi: Touristes américains: où sont-ils passés?)
Tout comme pour le marché allemand, les départs à l’étranger des Américains ont augmenté de 10% depuis 1998. Les gains réalisés par le Canada et le Québec en 1998, 1999 et 2000 ont été sérieusement amputés dans les années qui ont suivi les événements du 11 septembre 2001. Le taux de croissance de la clientèle américaine au Québec se solde par une augmentation de 5% de 1998 à 2005, comparativement à 3% pour l’ensemble du pays.
France
L’importance des visiteurs français ne fait aucun doute puisque ce marché domine le tourisme d’outre-mer vers le Québec. En 2004, les Français comptaient pour plus de 28% des touristes d’outre-mer voyageant au Québec pour des motifs d’agrément et pour 31% de ceux qui venaient visiter des parents ou des amis. Bien que 79% des Français qui visitent le Canada viennent au Québec, les dernières années se sont avérées difficiles. Les Français affichent la plus forte progression (+43%) des départs internationaux parmi les clientèles étudiées, mais le Québec enregistre pourtant une importante baisse de 20% depuis 1998.
Selon Barbara di Stefano, directrice générale de Destination Québec à Paris, le fractionnement des séjours constitue une tendance lourde du marché français, en raison de l’offre des compagnies aériennes à rabais et des ventes de dernière minute qui rendent abordables de nombreuses destinations. Le facteur prix demeure primordial dans leur choix de vacances, ce qui favorise notamment les destinations de l’Afrique du Nord.
Italie
Depuis 2001, l’Italie éprouve des difficultés économiques et perd du terrain, tant au chapitre des arrivées que des départs internationaux. Ce marché a glissé de la 8e à la 11e position en termes d’importance pour le Québec depuis 1998. Cette léthargie s’est traduite par une chute de 22% du nombre d’arrivées, comparativement à une baisse de 7% du nombre de départs internationaux. On ne s’attend pas à ce que la situation s’améliore puisque l’année 2005 s’est avérée très difficile sur le plan économique, pesant lourdement sur le portefeuille des familles italiennes.
Japon
Le Japon demeure un marché touristique émetteur d’importance, en dépit du marasme économique dans lequel il est plongé depuis une dizaine d’années. En fait, même si les visites des Japonais sont en chute libre au Canada depuis 1996 (lire aussi: Quel avenir pour le marché japonais?), globalement, ce marché à repris de la vigueur et affiche un solde positif impressionnant de 39% de ses départs vers l’étranger de 1998 à 2005.
Quand on regarde les données concernant le Québec, il faut savoir que la moitié des Japonais y entrent par le biais d’une autre province canadienne. L’absence de vols directs vers le Japon n’avantage pas le Québec. Aussi, ce dernier a-t-il enregistré une diminution de 58% du nombre de visites de cette clientèle de 1998 à 2005. L’ensemble du Canada a toutefois moins souffert avec une baisse d’environ 12%.
Mexique
Nouvel Eldorado du tourisme, plusieurs destinations misent beaucoup sur l’émergence du tourisme mexicain. Désormais, environ deux millions de Mexicains voyagent en avion chaque année vers des destinations étrangères. Depuis 1998, le taux de départ s’est accru de 39%. La performance du Québec se situe légèrement sous la moyenne avec une croissance des arrivées de 25%. Le Canada, pour sa part, tire bien son épingle du jeu alors que les visites ont explosé de 69%. Selon une analyse de marché réalisée par la Commission canadienne du tourisme, le Mexique se classe au cinquième rang en termes de potentiel touristique pour le Canada.
Royaume-Uni
Finalement, le Royaume-Uni s’avère l’un des marchés qui est resté le plus fidèle au Canada et le nombre de visites est demeuré relativement stable au cours des dernières années. Depuis 1998, le nombre de départs des Britanniques est en hausse de 30%, alors que le Canada et le Québec enregistraient des augmentations respectives de 21% et de 16%. Le ski alpin constitue l’un des facteurs de succès. Cette activité jouit d’une excellente popularité depuis au moins 10 à 15 ans et attire un nombre considérable de Britanniques avides de bonnes conditions d’enneigement.
Une réflexion collective
Évidemment, après avoir analysé tous ces constats, il est guère évident de trouver des solutions pour mieux performer. Il faut toutefois savoir que plusieurs destinations voient dans le tourisme une industrie d’une importance majeure pour leur économie et n’hésitent pas à consentir les efforts nécessaires pour conserver ou accroître leur positionnement concurrentiel sur l’échiquier international.
L’industrie touristique souffre actuellement d’un déficit d’affection et de reconnaissance auprès des médias et du public québécois. Pendant ce temps, une destination comme l’Australie prend les grands moyens pour briller parmi les meilleurs et multiplie les partenariats afin de déployer des actions promotionnelles majeures grâce à un budget annuel de 140 millions CAD. La bonne nouvelle c’est qu’il n’est jamais trop tard pour agir.
Sources:
– Commission canadienne du tourisme. «Rapports trimestriels du marché», 2006.
– European Travel Commission. «European Tourism Insights 2005», avril 2006.
– IPK International. «German Travel Trends», 2006.
– Maison de la France. «Courrier d’Italie», avril 2006.
– Ministère du Tourisme du Québec. «Stratégie de marketing touristique 2000-2005 – Marchés des autres pays que les États-Unis», 2000.
– Ministère du Tourisme du Québec. «Profils de marché», Direction générale du marketing, 2006.
– Organisation mondiale du tourisme. «Compendium of Tourism Statistics», 2001.
– Organisation mondiale du tourisme. «Annuaire des statistiques du tourisme», 2002.
– Secretaria de Turismo. «Data Tur Certeza Estratégica», 2006.
– Statistique Canada. «Enquête sur les voyages internationaux», 2006.
– Tourism Australia. «Action Plan for Japanese Tourism», janvier 2006.
– Transport Travel and Tourism of UK. «Travel and Tourism 2003 to 2006», 1er trimestre 2006.
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