Un autre tourisme est-il possible?
Marie-Andrée Delisle, directrice d’une entreprise spécialisée en développement touristique, et Louis Jolin, professeur en tourisme à l’UQAM, se sont posé la question: «Un autre tourisme est-il possible?», ce qui a donné lieu à la publication d’un livre du même titre. Le tourisme passe lui aussi dans le collimateur de la responsabilité sociale, de la protection des droits humains et de l’environnement et l’on dénonce de plus en plus ses impacts négatifs. Et si un «autre tourisme» c’était de contrer les effets négatifs du tourisme et d’en maximiser les effets positifs? C’est un ouvrage qui aide à mieux comprendre le tourisme et l’univers dans lequel il évolue.
Cette publication interpelle tant les acteurs du développement touristique que les voyageurs eux-mêmes et les communautés locales qui les accueillent. Elle traite des questions éthiques touchant le tourisme, propose un «autre tourisme», explique, dans un contexte de développement durable, les contraintes à surmonter et, finalement, propose de bonnes pratiques touristiques.
Une question éthique
L’activité économique est souvent exempte de «principes» et est plutôt régie par la loi du profit et l’enrichissement des actionnaires. Toutefois, les pressions venant des différentes valeurs des dirigeants, des employés, des clients, de la communauté et de certains lobbys imposent à l’entreprise de faire un choix éthique. C’est dans cet esprit que l’économie sociale a émergé, voulant aller au-delà du rendement financier et voulant servir ses membres et la collectivité. L’éthique du tourisme se base sur des principes, des règles de conduite qui servent à guider les acteurs (organisations, entreprises, voyageurs et communautés visitées) dans leurs actions et à susciter les bonnes pratiques.
Les activités touristiques doivent:
- être conduites en harmonie avec les spécificités et les traditions des régions et des pays d’accueil, et dans l’observation de leurs lois, de leurs us et coutumes;
- permettre la survie, l’épanouissement et la mise en valeur de la culture locale et non provoquer sa standardisation et son appauvrissement;
- faciliter l’accès du visiteur sans formalité exagérée ni discrimination.
Les entreprises touristiques doivent:
- fournir une information objective au voyageur, assurer une prestation de qualité et la confidentialité des renseignements personnels;
- instaurer des relations de confiance avec leurs collaborateurs et promouvoir des comportements éthiques auprès d’eux;
- respecter leurs employés et offrir des conditions d’emploi équitables (formation, rémunération, horaire, avantages sociaux, etc.);
- assumer leurs responsabilités sociales (obligations légales, respect de l’environnement, création d’emplois locaux, intégration harmonieuse dans les milieux physique et social, études d’impacts, transparence, dialogue avec la population locale, amélioration de la qualité de vie, etc.).
Les touristes doivent :
- éviter tout comportement pouvant choquer ou blesser les populations locales.
Les communautés d’accueil doivent :
- respecter les touristes qui les visitent et comprendre leurs modes de vie, leurs besoins et leurs attentes.
Un monde de contradictions
Diverses enquêtes révèlent que le touriste est sensible aux facteurs sociaux et environnementaux, mais qu’il ne s’engage pas encore fermement à changer les choses:
- il est sensible aux problèmes environnementaux, mais ne veut pas s’encombrer de contraintes à l’étranger si les autorités locales ne l’exigent pas;
- il rejette la responsabilité de certaines situations en alléguant qu’elles peuvent être contrôlées par les gouvernements en place ou accuse les multinationales (ex. dégradation des côtes, tourisme sexuel, pauvreté, etc.);
- il a entendu parler du tourisme responsable, mais il ne le met pas nécessairement en pratique;
- il recycle, il fait des dons à des organismes de charité ou encore il veut connaître les conséquences sociales, culturelles et environnementales de son voyage, mais il se préoccupe peu des politiques environnementales dans le choix d’une entreprise touristique;
- il est peu disposé à payer davantage pour des vacances éthiques;
- il est rarement prêt à modifier ses plans de voyage pour favoriser une approche responsable;
- il appuie les certifications et les labels, mais il est rare qu’il soit en mesure de les reconnaître ou de comprendre leur portée.
Du côté de la communauté d’accueil, on trouve la même ambivalence:
- elle veut la manne, elle veut bénéficier des retombées économiques des touristes, mais elle juge néfastes leurs influences;
- elle dénonce les ravages du tourisme de masse, mais elle en profite souvent pour exploiter les touristes et les arnaquer;
- elle devrait accueillir les visiteurs avec convivialité et jouer son rôle d’hôte, mais elle dénonce son état de servilité envers eux.
L’équilibre passe donc par l’éthique de la responsabilisation.
Un «autre tourisme»
Le tourisme revêt plusieurs formes allant du tourisme de masse au tourisme alternatif. À un bout du spectre se situe le tourisme enclavé où le visiteur évolue à l’intérieur d’un complexe touristique sans contacts avec la population locale outre les employés; à l’autre, le tourisme intégré où le voyageur vit avec et au rythme de la communauté visitée.
Un chapitre complet est consacré à définir ces formes de tourisme (responsable, social, équitable, culturel, etc.) qui font tantôt référence à des valeurs, à des façons de voyager ou à des façons de développer et font ressortir une dimension des pratiques touristiques comme la dimension politique de l’action, la redistribution des bénéfices, le droit aux vacances et l’accessibilité au tourisme, la solidarité avec la population visitée ou encore la responsabilité de son comportement.
Au-delà de la sémantique…, si un «autre tourisme», voulait dire contrer les effets négatifs du tourisme, en maximiser les effets positifs et adopter de bonnes pratiques?
Ce volet sera abordé dans un prochain texte: «Vers l’instauration d’un ‘autre tourisme’».
- Source:
– Delisle, Marie-Andrée et Louis Jolin. «Un autre tourisme est-il possible?», Presses de l’Université du Québec, 2007, 144 pages.
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Merci Mme Laliberté pour cet article, et bravo aux deux auteurs!
Oui, un autre tourisme est possible!
Cependant, pour en arriver à une telle conclusion, il est important de faire état du passé, afin qu’il ne soit point garant de l’avenir (remarquons ici l’utilisation du mot « avenir ». Une mince distinction s’impose entre l’Avenir et le Futur. L’avenir, nous le tenons dans nos mains, nous pouvons le modifier dès maintenant, en prenant des actions concrètes. Le futur lui, ne sera que la résultante, l’extrant, la suite du présent. Faisons en sorte que nos actions modèlent notre futur!).
Retour sur le passé :
Analysons objectivement la majorité des projets hôteliers et touristiques considérés comme projet-porteurs pour leur région. La manière dont ils ont été développés depuis des décennies (Tremblant, les « tout inclut », le Casino de Charlevoix, l’étalement des domaines touristiques sur la côte espagnole, les îles asiatiques), amène à considérer leur intégration dans leur milieu. Elle s’est faite, en grande majorité, irresponsablement et hâtivement, avec comme seul objectif, le profit à tout prix. Souvent sans aucune consultation publique ni aucun rapport d’expertise environnementale, ces projets sont mis de l’avant, avec les résultats que nous pouvons maintenant observer.
Sans entrer dans la démagogie politique gauche-droite (social vs création de richesse) ni les différenciations lucides-solidaires (développement vs immobilisme), notre industrie est également très polluante. Elle s’intègre dans chaque communauté, modifiant son paysage, le mode de vie des habitants locaux et la biodiversité.
Conscient des impacts positifs (investissements, création d’emplois, positionnement particulier et visibilité à l’international) de ces endroits-clé, les promoteurs se doivent également et impérativement de respecter le milieu dans lequel ils viendront s’installer.
Vers un « alter-tourisme »:
Comme l’a mentionné le biologiste et vulgarisateur scientifique québécois Claude Villeneuve, spécialiste mondial de la question environnementale, dans l’édition du 20 août 2007 du Devoir, « La première difficulté est d’accepter de remettre en cause nos certitudes et de passer par-dessus l’efficacité apparente des processus. La ligne droite n’est pas toujours le meilleur chemin entre deux points lorsque l’on se soucie des impacts à long terme d’un projet. C’est qu’il faut, en effet, aussi se mettre à l’écoute des populations directement concernées. On s’évitera ainsi bien des problèmes, dit-il. On se fera même parfois souffler des solutions si l’on prend le temps de consulter ceux qui auront à vivre avec les conséquences de nos décisions et qui, à défaut d’avoir le titre d’experts, ont une connaissance intime des gens et des lieux où l’on s’apprête à intervenir. ».
Voilà pourquoi il est important de faire du tourisme autrement.
Tenons compte des populations.
De leur mode de vie.
Des répercussions de nos actions quotidiennes sur leur micro-environnement.
Une proposition pour le Baccalauréat en gestion du tourisme et de l’hôtellerie :
Il serait important d’ajouter un volet «Développement durable» au programme, afin de sensibiliser les nouveaux diplômés à l’importance des actions posés par l’industrie (écologie, gestion des déchets, approvisionnement local et durable, réinvestissements dans l’économie locale), en prenant des exemples bien précis.
Cet «altermondialisme du tourisme» est d’ailleurs, une tendance lourde, bien ancrée pour y rester.
Soyons conscient dès maintenant que nous pouvons faire les choses autrement.
Notre futur n’en sera que meilleur!
Qui peut être contre la vertue?
Et comme a dit Victor Hugo : « L’utopie d’aujourd’hui sera la réalité de demain ».
Merci.
Jean-Thomas Henderson