Je me certifie, tu te labellises, il s’accrédite… ils sont classifiés
Bienvenue dans la jungle des labels et des programmes de certification! On peut s’en donner à coeur joie, ce n’est pas le choix qui manque. Gage de qualité, gage de succès, instrument marketing? Les voyageurs s’y retrouvent-ils ou s’en soucient-ils vraiment? Beaucoup de questions et quelques éléments de réponse.
Tous veulent s’enorgueillir d’un signe de reconnaissance ou de distinction
Parmi les grands à l’échelle internationale: les sites reconnus «Patrimoine mondial de l’Unesco». Récemment, l’Union européenne entendait se doter d’un label s’inspirant de ce modèle dans le but de développer le tourisme culturel et patrimonial, de lui donner un poids et une valeur pédagogiques.
En Europe, les écolabels de toutes sortes foisonnent. Tourism Australia a instauré un programme de certification en écotourisme. Le secteur du tourisme d’aventure et d’écotourisme au Québec possède un programme de qualité géré par le Bureau de normalisation du Québec.
Le ministère du Tourisme du Québec relance son programme Démarche Qualité Tourisme.
Sous l’égide de l’Organisation mondiale du tourisme et financé par des fonds canadiens et québécois, le Centre mondial d’Excellence des Destinations, basé à Montréal, vient de voir le jour. Il en est à élaborer ses critères de mesure de l’excellence d’une destination.
Aux États-Unis, cinq hôtels s’enorgueillissent de leur certification obtenue du US Green Building Council.
Le Word Travel & Tourism Council (WTTC) décerne annuellement son Tourism for Tomorrow Award et étudie présentement la possibilité d’établir une accréditation répondant à des standards de développement durable. À l’échelle québécoise, les récipiendaires des Grands prix du tourisme affichent fièrement leur prix dans leurs campagnes promotionnelles.
Même s’il s’agit principalement d’un regroupement de commercialisation, n’adhère pas qui veut à la chaîne hôtelière Relais & Châteaux, synonyme de prestige auprès de la clientèle touristique.
Et la liste pourrait s’allonger. Classifications, certifications, labels sociaux, labels de qualité, labels d’origine, écolabels, prix importants, bannières de prestige… lorsqu’il s’agit d’obtenir une reconnaissance,ce n’est pas le choix qui manque!
Inutile de dire qu’avec la sensibilisation croissante de la clientèle à l’égard de l’environnement et des impacts négatifs qu’engendre le tourisme, la remise en question des pratiques touristiques devient inéluctable. La certification constitue une façon de montrer son engagement, d’offrir une garantie. Dès lors, les principes de développement durable prennent de plus en plus de place dans l’établissement des critères, de même que dans la création de nouveaux labels.
Les avantages pour l’entreprise
S’engager dans un programme de certification ou dans une démarche qualité n’est pas de tout repos. Cela exige beaucoup de temps et peut même entraîner la révision complète des processus de travail.
Dans un contexte où la clientèle est exigeante et où elle n’a bien souvent que l’embarras du choix, de plus en plus d’entreprises misent sur un sceau de qualité, de reconnaissance ou de distinction pour:
- améliorer ses services et la qualité de son produit,
- assurer une garantie au consommateur et lui donner confiance,
- se démarquer de la concurrence,
- accroître sa visibilité et sa notoriété,
- accéder à de nouveaux marchés,
- améliorer ses façons de faire et augmenter sa productivité,
- et même, dans une certaine mesure, réduire les impacts négatifs du tourisme.
Rien n’est parfait au royaume de la certification
Les «étoiles» dans l’industrie hôtelière représentent sans doute le système de classification le plus connu des voyageurs. Mais qui les attribue? Le voyagiste, l’hôtel lui-même, des organismes reconnus qui ont des critères bien différents d’une région à l’autre et même l’internaute avec l’avènement Web 2.0. (Lire aussi: Web 2.0, vous n’avez pas fini d’en entendre parler!).
Combien de fois a-t-on dénoncé l’inégalité des évaluations entre les régions et le manque d’homogénéité entre les différents programmes qui confondent le voyageur? En fait, plusieurs organismes souhaitent établir des certifications à l’échelle mondiale, mais cela relève-t-il de l’utopie?
- Comment des normes internationales peuvent-elles prendre en compte les réalités régionales?
- Comment tourisme de masse et tourisme de niche peuvent-ils répondre aux mêmes standards?
- Comment une communauté peut-elle exercer sa voix dans le processus décisionnel?
- Comment une petite entreprise peut-elle avoir les moyens techniques, financiers et humains de s’engager dans des processus lourds et coûteux?
Ces mêmes questions se posent aussi à l’échelle nationale. Certifier signifie: assurer qu’une chose est vraie, donner la garantie de… Mais de quoi au juste? Plusieurs entreprises, ayant compris l’avantage marketing que cela procure, vont jusqu’à s’«autoproclamer», sans même détenir une certification, ce qui est souvent le cas des produits «éco» de toutes sortes.
Sondages aux résultats ambigus et débat «idéauxlogique»
On se demande si…
- …un «sceau» quelconque influence vraiment le choix du consommateur;
- …le voyageur se soucie des critères d’évaluation lorsqu’il opte pour une entreprise certifiée ou s’il accorde simplement sa pleine confiance au «sceau»;
- …le voyageur est en mesure de déterminer quels critères différencient un hôtel 4 étoiles d’un hôtel 2 étoiles et s’il sait que les systèmes d’évaluation ne sont pas identiques d’un pays à l’autre.
Voici quelques résultats de sondages qui apportent des réponses ou soulèvent des contradictions.
- Les programmes «verts» ont définitivement la cote!
Un sondage de l’Association des hôtels du Canada révèle que 60% des Canadiens considèrent l’adhésion à un programme environnemental comme un facteur important dans leur choix d’hôtel. Au Québec, ce taux atteint 72% et représente le pourcentage le plus élevé des provinces canadiennes. Plusieurs autres sondages indiquent la popularité des programmes environnementaux, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde.
- S’il y a une étiquette «verte», c’est que ça doit être bon!
Des enquêtes indiquent qu’il y a encore un haut taux de confusion et un manque de compréhension face aux écolabels. Le consommateur appuie les certifications et les labels, mais il est rare qu’il soit en mesure de les reconnaître ou de comprendre leur portée.
- Quand le voyageur est en vacances, les beaux principes le sont aussi!
D’un côté, il y a un sondage d’Orbitz qui rapporte que 63% des gens paieraient davantage pour rester dans un hôtel «vert» et que 67% accordent de l’importance à l’«eco-friendliness» d’une destination. De l’autre, un sondage de Starwood souligne que la plupart des Américains laissent leurs bonnes habitudes environnementales à la porte de l’hôtel, car 70% des gens qui voyagent fréquemment affirment ne pas gaspiller l’eau à la maison alors qu’à l’hôtel ce pourcentage baisse à 18. D’un côté, le respect de l’environnement fait maintenant partie des représentations contemporaines et, de l’autre, on associe les vacances à liberté et absence de contraintes et, par conséquent, les beaux principes et les bonnes habitudes prennent eux aussi le chemin des vacances.
On observe l’ouverture et l’engagement du consommateur envers les conditions environnementales. Cependant, l’attitude positive du touriste envers les écolabels n’est pas garante d’un comportement environnemental responsable.
«Les certifications ont le potentiel de contribuer de manière modeste à relever un défi de taille, celui de changer les pratiques des organisations et les habitudes de consommation des touristes.» (Marie-France Turcotte – voir source ci-dessous.) Alors, le débat est-il de savoir si le voyageur achète un produit sous prétexte qu’il est certifié ou s’il faut se responsabiliser en tant que voyageur, qu’entreprise et qu’acteurs sociaux? Les deux assurément.
Avec la croissance des certifications, on finira probablement par se poser la même question que pour les canaux de distribution: à laquelle doit-on adhérer pour améliorer son positionnement dans le merveilleux monde de la concurrence, pour obtenir davantage de visibilité et devenir l’heureux élu du consommateur? Stratèges, à vos marques!
Sources:
– Boyd, Christopher. «Green Hotels Are Cleaning Up – Embracing an Eco-friendly Philosophy Resonates with Tourists», The Orlando Sentinel, 9 juillet 2007.
– Breaking Travel News. «Survey: US Travelers Stress Eco-friendly Travel», 12 avril 2007.
– Delisle, Marie-Andrée et Louis Jolin. «Un autre tourisme est-il possible?», Presses de l’Université du Québec, 2007, 144 pages.
– ehotelier.com. «Survey: Most Americans Drop their Green Habits when They Check-in to Hotels», 10 juillet 2007.
– Le Figaro.fr. «Vers une liste du «Patrimoine de l’Europe»», 22 mai 2006.
– Hotel News Resource. «As Hotels Focus on Environmentally Friendly Programs, Awareness among Hotel Guests Lags», 24 juillet, 2007.
– Hotel News Resource. «Leaving Home often Means Leaving Green Routines behind according to New Survey from Element Hotels», 10 juillet 2007.
– HSMAI. «Asian Hospitality Leaders at HSMAI Rountable Call for Standardization of Ratings System for Asian Hotels», 17 juillet 2007.
– Karantzavelou, Vicky. «Six out of 10 Canadians Want To Stay at Green Hotels», [www.traveldailynew.com], 10 juin 2005.
– Parnières, Émilie. «Le tourisme responsable: Convergence de deux démarches de labellisation», Veille info tourisme, mai 2005.
– Salerno, Neil. «Stars & Diamonds – Do They really Matter any more?», Hotel News Resource, 31 janvier 2007.
– Turcotte, Marie-France. L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce – Labels et certifications d’écotourisme et de tourisme. Le contexte et la portée», Presses de l’Université du Québec, 2006, p. 348-369.
– World Travel & Tourism Council. «Big Companies Must Show how Green They Are», 24 novembre 2006.
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Bravo madame Laliberté pour votre analyse de la gestion de la qualité dans l’industrie touristique. On constate qu’une organisation doit faire des choix stratégiques pour se positionner en accord avec ses valeurs.