CouchSurfing: profil d’une communauté virtuelle de voyage
Le secteur de l’hébergement connaît présentement une phase intense de diversification. Les hôtels du monde entier continuent de se distinguer en redéfinissant leur genre et en incorporant des thèmes particuliers à leurs établissements. Le même processus de diversification se manifeste dans le secteur des communautés virtuelles de voyage telles que CouchSurfing.
CouchSurfing est une cybercommunauté qui «a pour but de relier entre eux les gens et les lieux au niveau international, de créer des échanges culturels, de promouvoir la conscience collective et la tolérance ainsi que de faciliter la compréhension entre les différentes cultures». Elle vise à faire vivre des expériences authentiques aux visiteurs, qui logent chez d’autres membres de CouchSurfing, peu importe la destination. Bien que de nombreux voyageurs se joignent à la communauté parce qu’ils veulent épargner sur l’hébergement, les hôtes et leurs invités bénéficient de bon nombre d’avantages sur place.
CouchSurfing: la pratique
Grâce à un site interactif de type Web 2.0, CouchSurfing permet à n’importe qui dans le monde d’y adhérer gratuitement. Chaque membre possède sa page personnelle avec son profil, condition préalable à l’adhésion. Elle précise le degré voulu d’échange avec le reste de la communauté, en indiquant si le membre veut «offrir son canapé» pour que son invité puisse y dormir ou seulement «aller prendre un thé ou un café». La page personnelle montre aussi la participation d’un membre au fil du temps. Elle contient une liste d’amis qui décrit les liens l’unissant à ceux qui y figurent. Ainsi, en cliquant sur le profil d’un membre, on peut savoir qui cette personne a hébergé et quand, où elle a voyagé et chez qui elle est restée. Selon la destination, surtout s’il s’agit d’une grande ville, la communauté peut organiser une variété d’activités sociales, telles que fêtes et réunions, où les membres qui n’ont pas fait connaissance par le biais de la messagerie électronique ou du site Web de la communauté peuvent le faire en personne.
En pratique, lorsqu’un voyageur arrive à destination, il communique avec un des membres pour savoir s’il peut dormir sur son «canapé». Utilisé symboliquement, ce mot représente tout espace privé fourni par un couchsurfer pour une nuit. Bien que variable, la durée moyenne d’une visite par adresse est probablement de 2 ou 3 nuits, mais un voyage d’une semaine ou plus se déroule chez différents hôtes et parfois dans des auberges de jeunesse les nuits où aucun hôte n’est disponible.
Le site Web de CouchSurfing est devenu accessible au grand public en janvier 2004 et, en janvier 2008, il comptait déjà plus de 400 000 membres, faisant de ce réseau le plus vaste en son genre dans le monde. Selon les statistiques du site, les couchsurfers sont surtout originaires des pays industrialisés occidentaux, dont l’Europe (qui en constitue approximativement la moitié) et l’Amérique du Nord (environ 30%) (graphiques 1 et 2). Les États-Unis comptent de loin le plus grand nombre de cyberhôtes, représentant à peu près un quart de tous les cyberhôtes du monde entier. Le couchsurfing est surtout pratiqué par les hommes, les femmes comptant pour environ 40% de tous les membres (graphique 3). Les couchsurfers sont jeunes: 70% d’entre eux ont de 18 à 29 ans, l’âge moyen étant de 26 ans (graphique 4).
Graphique 1
Source: CouchSurfing, 2008.
Graphique 2
Source: CouchSurfing, 2008.
Étant donné que les couchsurfers logent chez d’autres membres, ils sont exclus des statistiques officielles d’hébergement. Pourtant, ils participent de façon importante aux activités économiques locales. Ils contribuent également aux recettes touristiques officielles d’une destination en visitant ses attraits touristiques, en prenant part à une variété d’activités culturelles et en fréquentant des bars et des restaurants, tout comme les autres touristes. Ils se différencient surtout par le fait qu’ils sont en quête d’une expérience authentique et qu’ils visiteront, grâce à leur hôte, des endroits qui ne figurent pas sur les cartes touristiques officielles.
Graphique 3
Source: CouchSurfing, 2008.
Graphique 4
Source: CouchSurfing, 2008.
CouchSurfing s’efforce de bâtir des liens dans le monde afin de susciter et de renforcer la compréhension (inter)culturelle; ses membres recherchent des expériences profondes liées à la découverte, où le tourisme peut servir de véhicule ou d’outil pour changer les choses. Ils tiennent également à tisser des liens profonds avec des étrangers. Basée sur un sondage auprès de 3000 cyberhôtes, une étude a montré que ces derniers (56,21%) désiraient surtout en apprendre davantage sur eux-mêmes et le monde qui les entoure (graphique 5). Les expériences mémorables que favorise CouchSurfing sont d’un tout autre ordre.
Organisation et gestion
CouchSurfing est géré presque entièrement par des bénévoles, mais il existe une structure organisationnelle où certains d’entre eux détiennent davantage de responsabilités en fonction de leur contribution. On compte environ 700 ambassadeurs répartis dans le monde qui partagent des responsabilités organisationnelles à l’échelle municipale ou nationale, telles que la maintenance du site Web et l’organisation de rassemblements et d’activités qui attirent les membres locaux et de nombreux membres visiteurs. À Montréal, les couchsurfers organisent fréquemment de grandes réunions qui coïncident avec des festivals internationaux et d’autres événements majeurs. Celles-ci peuvent varier en fonction de la durée, du lieu, de l’envergure et des membres qui les composent. En janvier 2008, Montréal possédait la communauté de couchsurfers locaux la plus vaste au monde, après Paris.
En tant qu’organisme, CouchSurfing prend de multiples mesures de sécurité, mais cette responsabilité incombe d’abord aux membres. Il offre une série de conseils pratiques sur la façon de se comporter en logeant chez d’autres membres et sur les problèmes qui pourraient survenir.
Graphique 5
Source: Bialski, 2007.
L’avenir
Le couchsurfing constitue un produit du tourisme moderne, dans cette ère de la mobilité, qui regroupe les adeptes d’Internet et les membres de réseaux mondiaux. C’est une forme de tourisme qui écarte les voyageurs des lieux touristiques traditionnels. Bien que leurs modes de déplacement soient semblables à ceux des touristes «ordinaires», les membres ont tendance à être plus respectueux de la communauté qui les accueille et de son environnement. Les principaux attraits et les lieux touristiques cèdent le pas aux échanges sociaux, qui peuvent se retrouver au cœur de l’expérience du visiteur. Néanmoins, le fait même de chercher un espace privé ordinaire dans un lieu donné et de vouloir y établir des liens avec ses résidents signifie que n’importe quel endroit dans le monde peut devenir un refuge pour les couchsurfers.
Étant donné la voie prise par les télécommunications dans le monde et l’expansion globale du secteur touristique, des communautés telles que CouchSurfing continueront d’exister et de croître. Par conséquent, la création de sous-produits pourrait augmenter, donnant lieu à des communautés plus petites, plus spécialisées et répondant mieux aux besoins d’utilisateurs en quête d’expériences toujours différentes.
Sources:
– Bialski, P. Intimate Tourism. Friendship in a State of Mobility – The Case of the Online Hospitality Network, thèse de maîtrise, Institut de sociologie, Département de psychologie sociale, Université de Varsovie, Pologne, 2007, 85 p.
– Péloquin, C. Facebook, la nouvelle coqueluche du Web 2.0. L’analyse a été écrite pour le Globe-Veilleur du Réseau de veille en tourisme de l’École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal, le 6 septembre 2007.
– Péloquin, C. En quoi Facebook exerce-t-il un impact sur l’industrie touristique? L’analyse a été écrite pour le Globe-Veilleur du Réseau de veille en tourisme de l’École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal, le 21 septembre 2007.
Sur le Web:
– CouchSurfing (consulté le 23 janvier 2008).
– Hospitality Club (consulté le 23 janvier 2008).
– Global Freeloaders (consulté le 23 janvier 2008).
– Organisation mondiale du tourisme des Nations Unies (consulté le 23 janvier 2008).
– Servas International (consulté le 23 janvier 2008).
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