Benchmarking – Réflexions de l’Australie face aux défis du tourisme intérieur
Désir de voyager à l’étranger, baisse du sentiment d’appartenance à la nation chez les jeunes, mauvaise perception du produit: voilà des exemples de défis liés au tourisme intérieur auxquels sont confrontés les acteurs de l’industrie du tourisme en Australie. Aux prises avec un tourisme national qui stagne, les autorités touristiques ont décidé de prendre les choses en main en lançant un vaste processus de consultation dans le milieu. Voici quelques faits marquant de cette démarche qui se veut porteuse d’enseignements pour d’autres destinations qui vivent la même réalité.
Facteurs hors de contrôle
Parmi les nombreux facteurs qui exercent une influence sur la force du tourisme intérieur, plusieurs échappent au contrôle des autorités touristiques et n’ont pas été pris en compte dans l’élaboration des scénarios. On constate rapidement que, même à l’opposé de la planète, la plupart des défis ressemblent étrangement aux nôtres. Voici les principaux enjeux auxquels fait face l’industrie touristique australienne:
- émergence de nouvelles destinations concurrentes en Asie,
- resserrement des contrôles de sécurité aux douanes,
- taux de change défavorable du dollar australien,
- prix de l’essence élevé favorisant le transport aérien comme substitut à l’automobile,
- offre insuffisante de l’hébergement,
- industrie s’adaptant lentement aux changements climatiques et aux préoccupations environnementales.
Dans cet exercice de réflexion, d’autres types de facteurs qui auront un impact négatif sur le tourisme australien ont été testés selon un scénario pessimiste. On s’attend à ce que ces tendances se concrétisent si l’industrie ne fait rien pour s’adapter, spécialement vis-à-vis la demande changeante des consommateurs pour des expériences plus inspirantes.
L’enjeu de la démographie et d’une génération «perdue»
Comme c’est le cas dans la plupart des pays occidentaux, la population australienne vieillit. D’ici 2050, environ le quart de cette dernière aura plus de 65 ans. L’un des importants enjeux consiste justement à préparer la relève avec les générations à venir. Une attention particulière a été portée à la génération Z, constituée des jeunes nés après 1991. N’ayant pas connu le monde sans Internet ou sans les jeux vidéo, ils sont entourés d’une kyrielle de biens de consommation.
L’étude du comportement de voyage chez les Z se limite aux vacances familiales. La préoccupation à l’endroit de ce groupe d’âge tient du fait que les familles voyagent moins souvent, faisant en sorte que ces jeunes n’acquièrent pas l’habitude des voyages, particulièrement ceux dans leur propre pays. Il est important d’accorder une attention spéciale aux Z, car ils ne se seront pas dotés d’une solide «mémoire de voyage» forgée à la suite d’expériences vécues à l’occasion de voyages nationaux. À l’instar de ce que l’on observe auprès de la génération Y, les Z qui développeront leur goût aux voyages seront plus portés que les générations précédentes à favoriser les destinations internationales.
Des défis en rafale
Les observations dégagées par la démarche australienne proviennent d’opinions et constituent une base de recherche plus qualitative que factuelle. Voici quelques enjeux identifiés auxquels se rattachent parfois des pistes de solution:
- L’industrie touristique n’est pas alignée derrière une vision commune et partagée de ce que devrait être le tourisme national. Il manque un support financier du gouvernement qui servirait à renforcer le message et à inciter les Australiens à voyager chez eux.
- Le pays a besoin d’une image de marque forte et cohérente du tourisme intérieur.
- Par son désir de plaire avant tout à la clientèle internationale, l’industrie touristique a parfois eu une influence négative sur la perception du tourisme au pays.
- L’Australie ne peut offrir la même diversité d’expériences culturelles à ses résidents que les autres destinations internationales. Mais une redéfinition de l’image de marque, arrimée au type d’expérience recherché par les Australiens, s’avère nécessaire. Il faut promouvoir la diversité du pays et lutter contre la perception que cette offre est homogène, sans contraste culturel.
- La population tend à utiliser les vacances pour des voyages à l’international et à ne voyager à l’intérieur du pays que pour des courts séjours.
- La tendance aux courts séjours et aux décisions spontanées demandera à l’industrie de s’ajuster avec des produits et une promotion flexibles, pouvant être constitués rapidement. Ces offres doivent être en mesure de répondre aux exigences des consommateurs à la recherche d’une satisfaction instantanée.
- La part du budget de loisirs accordée aux voyages intérieurs continuera de décliner, particulièrement chez les jeunes submergés par les produits technologiques. Les intervenants touristiques doivent, collectivement, développer une offre intelligente, captivante et surtout inspirante pour donner le goût de voyager.
- La nécessité d’éduquer les générations de futurs touristes en vue de leur fournir des raisons valables de voyager et l’importance de donner un sens à la découverte du pays sont vues comme des facteurs critiques à la relance du tourisme intérieur. Cela passe par l’instauration d’une fierté nationale chez les jeunes et par de meilleurs enseignements liés au patrimoine et à la géographie.
- La consommation «sans frais» de l’environnement naturel est trop répandue. L’industrie doit trouver des façons innovantes de greffer un volet économique à ces expériences, de manière à tirer profit de l’ensemble des visiteurs et à appuyer de nouveaux projets de développement.
- On constate un besoin criant d’investissements dans les infrastructures régionales pour soutenir la demande, tant actuelle que potentielle. Toutefois, le retour sur l’investissement en région est perçu comme risqué. On se questionne alors sur l’opportunité de concentrer les investissements sur les grandes villes et ensuite d’adopter une vision créative pour favoriser l’essor touristique des régions.
- Dans l’ensemble, la qualité des produits et des services destinés au marché intérieur doit être revue, l’offre renouvelée.
- Pour parvenir à développer un tourisme innovateur et inspirant, l’industrie a besoin des meilleurs talents disponibles, souvent difficiles à attirer ou à retenir au sein du secteur. Il faut mettre en place un programme de développement professionnel et créer les conditions nécessaires pour rendre la profession attrayante.
- L’équilibre entre la compétition et la collaboration des différents acteurs au sein de l’industrie est loin d’être optimal. Il est essentiel d’élaborer des stratégies nationales de collaboration qui transcenderont les régions et les provinces.
- L’industrie doit compter sur un cadre financier apte à fournir des incitatifs aux voyagistes pour une promotion active du tourisme du pays.
Vers un plan d’action national
D’importants investissements et un engagement envers la formation s’avéreront nécessaires pour élever une plus grande partie des produits australiens destinés au marché local au calibre du tourisme international. Les entreprises qui ne parviendront pas à améliorer la qualité de leur offre peineront, avec le temps, à demeurer viables.
À la lumière de l’ensemble des témoignages recueillis et des tendances qui se dessinent, les autorités australiennes s’attendent à une future structure de l’industrie composée d’un nombre moindre d’intervenants générant sensiblement le même niveau de dépenses touristiques. Le processus de consultation a finalement aussi clairement identifié l’urgent besoin que le pays se dote d’un plan d’action national sur le tourisme intérieur qui canalisera tant les efforts des autorités gouvernementales que ceux de tous les acteurs de l’industrie.
On le voit bien, les préoccupations observées en Australie ne sont pas si loin de nos propres défis. Saluons l’avant-gardisme de Tourism Australia de s’attaquer ainsi avec vigueur et vision aux perspectives du tourisme intérieur, facette souvent négligée par les organisations touristiques.
Source:
-Tourism Research Australia. «Through the Looking Glass: The Future of Domestic Tourism in Australia», Tourism Australia [www.tra.australia.com], février 2008.
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