Tourisme médical: opportunités et controverses
Alors que les Américains vivent plus longtemps que jamais auparavant, ils font face à des coûts médicaux exorbitants et à une couverture d’assurance inadéquate. De plus en plus de citoyens américains et canadiens effectuent des voyages en Asie et en Amérique latine pour recevoir des traitements; ceux-ci vont du blanchiment des dents à la chirurgie esthétique, en passant par le remplacement d’une hanche. Quelle est l’ampleur de ce phénomène? Le Canada peut-il devenir une destination de tourisme médical?
État de la situation aux États-Unis
Selon le dernier recensement, 47 millions d’Américains n’ont pas d’assurance maladie et 120 millions ne sont pas complètement assurés. L’inflation des coûts en santé aux États-Unis a complètement outrepassé la croissance économique, faisant du système américain le plus dispendieux de la planète. On estime que la moitié de la population du pays risquerait d’être financièrement dévastée advenant le cas d’une opération majeure. En se faisant soigner à l’étranger, le patient peut économiser jusqu’à 85% du tarif américain. Même en ajoutant le prix d’un billet d’avion, l’écart est convaincant. Toutefois, de nombreux Américains ne peuvent s’offrir le voyage.
Même si ce type de déplacement existe depuis longtemps, la différence actuelle réside dans la masse critique de personnes qui envisagent de tels voyages. La classe moyenne se prépare à faire le saut. Une étude récente de la firme de consultation Deloitte prévoit que les Américains ayant reçu un traitement médical à l’étranger en 2006, soit 750 000 personnes, seront plus nombreux en 2010 (6 millions), et encore plus en 2012 (10 millions).
Les joueurs
Les joueurs majeurs dans ce créneau sont l’Inde, la Thaïlande, Singapour et la Malaisie. En Amérique latine, le Mexique, le Costa Rica, le Brésil et l’Argentine sont les destinations privilégiées. La compétition est déjà féroce. Environ 500 000 touristes médicaux américains se rendent en Asie chaque année, et certains pays comme l’Inde enregistrent un taux de croissance de l’ordre de 30% annuellement. La Thaïlande, quant à elle, a reçu plus de 1,5 million de patients étrangers en 2006, dont quelque 30 000 Canadiens. Une part importante des touristes viennent du Moyen-Orient. Dubaï se lance d’ailleurs dans la course et si l’on se fie à ses projets touristiques, on n’y fait pas les choses à moitié…
Dans ces pays, on a bâti de mégahôpitaux ultramodernes et sophistiqués, dont les halls ressemblent davantage à des hôtels. De plus, ces hôpitaux sont dotés de nombreux restaurants, boutiques et services. Des investissements majeurs sont prévus au cours des prochaines années pour les agrandir et les améliorer ou pour en construire de nouveaux.
Le Bumrungrag, en Thaïlande, est l’un de ces hôpitaux adaptés à la clientèle internationale. On y offre de nombreux services, dont une agence de voyages dédiée au prolongement des séjours et à l’extension des visas des patients qui nécessiteraient un rétablissement plus long que prévu ou qui, une fois sur place, auraient envie de poursuivre leur séjour. Au Bumrungrag, comme dans d’autres centres hospitaliers du genre, un accent tout particulier est mis sur le service à la clientèle et l’encadrement des patients. Le ratio d’infirmiers par patient est beaucoup plus élevé qu’en Occident et les médecins ont le temps de visiter leur patient chaque jour. Grande différence.
Les autres intervenants impliqués
Outre ces nouvelles destinations qui se positionnement clairement sur le marché du tourisme médical, de plus en plus d’agences organisent ce type de voyage. Pour ces dernières, il s’agit de mettre sur pied un forfait où chaque détail compte, en plus de bien conseiller le client sur le choix d’un hôpital en fonction de l’intervention dont il a besoin. Les compagnies d’assurance commencent aussi à offrir des plans couvrant des frais médicaux et de déplacement pour un traitement à l’étranger, comme c’est le cas de la Blue Cross aux États-Unis. Une entreprise américaine offre même à ses employés la possibilité de recevoir des traitements médicaux à Singapour plutôt qu’en Amérique.
Le Québec est-il de la partie?
Au Québec, on trouve la plus forte concentration de cliniques de radiologie, de chirurgie, d’ophtalmologie, de médecine générale, etc., du Canada. Si l’on désire payer les soins de sa poche, les choix foisonnent. Des centaines de patients venant d’un bout à l’autre du pays ont visité les nombreuses cliniques privées du Québec parce qu’ils font face à des restrictions dans leur province. La loi ontarienne est très stricte: les médecins ne peuvent se désaffilier du régime public et un Ontarien surpris à payer pour un service assuré par le régime public est passible d’une amende de 10 000 CAD. La situation est semblable dans les Prairies et les provinces de l’Atlantique alors qu’en Colombie-Britannique la loi se montre plus flexible. Le Québec demeure toutefois le leader de la médecine privée, malgré le fait que l’existence d’un système de santé à deux vitesses soulève plusieurs débats sociaux.
D’ailleurs, la clinique montréalaise Omnium-Santé faisait récemment la manchette pour son association avec l’hôtel Hyatt Regency. Ils proposent un forfait offrant un bilan de santé complet et s’adressant avant tout à la clientèle américaine et les touristes québécois à Montréal.
En matière de coûts, même si le Canada ne peut concurrencer les tarifs de l’Asie ou de l’Amérique latine, il semble que les soins y soient souvent deux fois moins chers qu’aux États-Unis. Ces coûts moins élevés, notre proximité ainsi que le fait qu’aucun visa n’est nécessaire permettent au Canada de se positionner en tant qu’alternative auprès de la clientèle américaine.
Mais le Canada est aussi un marché émetteur et environ 15 agences de voyages sont spécialisées dans le tourisme médical. Pour les Canadiens, c’est avant tout le délai d’attente qui motive un déplacement.
Débats et occasions d’affaires
Le tourisme médical soulève des débats à propos des systèmes de santé. Alors que certains craignent qu’il légitime l’existence de systèmes à deux vitesses, d’autres voient le tourisme médical comme un catalyseur, forçant les gouvernements et les hôpitaux à modifier leurs façons de faire. Il y a aussi certaines limites, dont le fait que plusieurs interventions ne peuvent être réalisées à l’étranger de façon sûre ou encore qu’il peut exister des zones grises quant aux aspects légaux en cas d’erreur médicale. Enfin, tous les éventuels clients du tourisme médical ne sont pas encore convaincus de la qualité des soins pouvant être reçus à l’étranger et bien que ce ne soit pas le cas du Canada qui a bonne réputation, il s’agit d’un grand défi pour les hôpitaux étrangers.
Cela dit, ce marché relativement nouveau est là pour de bon. Dans une perspective purement touristique, il s’agit de nouveaux flux de voyageurs et le futur du tourisme médical semble en excellente santé!
Sources:
– The Economist. «Globalisation and health: Importing competition» et «Globalisation and health care: Operating profit», The Economist, 16 août 2008.
– Rogers, Mark. «Medical Tourism: Agents have a potential gold mine in booking U.S. citizens into hospitals abroad», TravelAgentCentral, 15 août 2008.
– AME Info. «UAE sets sights on medical tourism industry», United Arab Emirates, 31 août 2008.
– Lindsay, Greg. «Why Americans Are Going Abroad for Health Care», Fast Company.com, 11 avril 2008.
– Trudel, Jonathan. «Santé: bonjour le privé!», L’actualité, 15 avril 2008.
– Deland, Maxime. «Forfait médecin et hôtel», Le Journal de Montréal, 29 juin 2008.
– PROFIT magazine. «Medical tourism: Sun, sand and stitches», Canadian Business Online, mai 2008.
– Legault, Benoit. «Thaïlande – Bangkok, panacée du tourisme médical», Le Devoir, édition du 25 et 26 novembre 2006.
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Excellent article Mme. Levasseur
J’initie une recherche sur le tourisme médical au Canada et principalement au Québec. Pouvez-vous me fournir le nome des 15 compagnies qui opèrent dans ce secteur au Canada. Avez-vous plus d’information dans ce dossier ?
Merci
Giorgio Vecco
giorgio.vecco@videotron.ca