Foule au musée! Stratégies pour une expérience mémorable (Compte rendu de conférence)
La dernière conférence du CECA, le Comité pour l’éducation et l’action culturelle de l’ICOM (Conseil international des musées), s’est tenue à Montréal du 29 septembre au 3 octobre 2008 et avait pour thème «Tourisme culturel: tendances et stratégies». Un panel, composé de gestionnaires de grands musées, a abordé la question de la gestion de la foule. Non seulement leur intervention a été fort intéressante, mais leurs exemples peuvent être suivis par différents types d’attraits touristiques. Voici les stratégies du Museum of Modern Art, du Musée du Louvre, du Musée canadien des civilisations et du Musée national des beaux-arts du Québec… pour des expériences mémorables.
Catherine Guillou, directrice des Publics, Musée du Louvre, Paris
Le Musée du Louvre connaît bien la foule. Avec plus de 8,2 millions de visiteurs en 2007, il s’agit du musée le plus achalandé au monde, avec une bonne avance sur le British Museum (5,4 millions) et le Tate Modern Museum (5,2 millions). Le public français représente 31% des visiteurs; les 69% restants sont des touristes internationaux provenant principalement des États-Unis, de l’Italie, de l’Espagne, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la Chine, du Japon, de la Russie, du Canada et de l’Australie. C’est tout un défi pour un tel établissement d’offrir une expérience unique à chaque visiteur.
Le Louvre aborde la foule en termes d’«hyperfréquentation», expliquait Mme Guillou. Cette appellation ne la limite pas à ses aspects négatifs que sont la désorganisation, les mouvements de foule ou la panique ; elle permet plutôt de réfléchir sur ce qui anime une foule, sur ce qu’elle ressent, sur ce qu’elle provoque, sur les liens qui la créent. La foule a un effet contradictoire sur le public. Elle peut entraîner des stratégies d’évitement, des visites écourtées ou passives, de la déception, de la fatigue ou de la frustration ; pourtant, elle détient un grand pouvoir d’attraction.
Voici les principales stratégies de gestion de l’hyperfréquentation du Louvre, selon Mme Guillou:
- professionnaliser les équipes et anticiper les crises;
- développer une forte coordination entre les services;
- connaître ses publics, faire de la prospective sur l’évolution du tourisme mondial ainsi que sur les pratiques et les comportements culturels;
- développer encore plus fortement une culture de l’hospitalité: chaque visiteur est unique;
- accepter, sans culpabilité, qu’une partie de la gestion de la fréquentation doit être assumée par les visiteurs (information préalable, prévente par Internet préparation à la visite);
- créer une ambiance conviviale ainsi que les conditions de la civilité;
- ajuster régulièrement horaires, tarifs, accès, services et offres.
En matière de civilité, le Louvre a tout récemment mis en place une campagne d’affichage originale où les règlements sont présentés aux visiteurs d’une façon fort sympathique.
Michèle Canto, directrice Marketing et Affaires commerciales, Musée canadien des civilisations, Ottawa
Le Musée canadien des civilisations reçoit en moyenne 1,3 million de visiteurs par année et gère le Musée canadien de la guerre qui accueille 475 000 personnes annuellement. Ensemble, ils représentent les musées les plus visités au Canada. Les groupes constituent 30% de la clientèle, et les «locaux», 50%. Non seulement l’achalandage est fort pendant la semaine de relâche, la fin de l’année scolaire, l’été et la période de Noël, mais ces deux musées tiennent également de nombreuses expositions temporaires qui génèrent, elles aussi, des flux inégaux de visiteurs au cours de l’année.
Afin d’accueillir le mieux possible ses publics, Mme Canto explique que les musées se concentrent sur l’expérience du visiteur par diverses mesures:
- un engagement de tous les paliers hiérarchiques pour une gestion axée sur le visiteur;
- des sondages continus auprès de la clientèle;
- une programmation et des expositions renouvelées;
- des normes et directives de service à la clientèle, de la formation et des réunions quotidiennes pour les employés.
Comme ces musées comptent une vaste clientèle locale et de groupes, l’expérience offerte doit être sans cesse réinventée. En d’autres mots, il s’agit de s’assurer d’une bonne sélection des expositions temporaires, de leur diversité et de leur programmation au cours de l’année. Mme Canto explique également qu’une attention particulière est portée au processus d’achat de billets: prévente, file dédiée à ceux ayant acheté leur billet à l’avance, gestion de la file d’attente (sièges, employé pour répondre aux questions, dépliants disponibles) et division de l’accueil en plusieurs kiosques (information, membership, audioguides).
Une signalisation, des communications et des renseignements clairs en plusieurs langues, de même que l’usage de technologies, facilitent la visite des musées. Les groupes scolaires font aussi l’objet d’une gestion particulière.
Mme Canto conclut en mentionnant que l’évaluation des opérations est une étape importante de la gestion de l’achalandage pour mieux s’adapter et corriger les erreurs.
Glenn D. Lowry, directeur, Museum of Modern Art (MOMA), New York
En 2004, le MOMA recevait environ 1,5 million de visiteurs par année. À la suite d’un agrandissement, la fréquentation est passée à 2,7 millions de visiteurs en 2007 avec des pointes pouvant aller jusqu’à 18 000 personnes par jour. Ces dernières se répartissent entre les collections permanentes du Musée et les expositions temporaires.
La grande attention portée à la présentation des œuvres facilite l’accueil de tous ces gens. En effet, M. Lowry estime qu’il doit y avoir un parcours principal clair et simple à suivre. Il importe aussi de comprendre comment les visiteurs disposent de leur temps de visite pour ensuite organiser les services en conséquence (sièges, toilettes, etc.). Selon lui, l’atmosphère est très importante et passe, entre autres, par la densité des salles et l’éclairage. En fait, on doit y créer juste assez d’espace pour que les gens se sentent confortables et puissent interagir entre eux s’ils le souhaitent.
Le directeur du MOMA terminait sa présentation sur cette sage parole: «Le succès d’un musée ne devrait pas se mesurer au nombre de personnes qui le fréquentent, mais plutôt au fait que les œuvres exposées soient bien reçues par le public et qu’elles le touchent».
John R. Porter, directeur honoraire, Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) et président de la Fondation du MNBAQ, Québec
Le Musée national des beaux-arts du Québec n’est pas en reste avec environ 550 000 visiteurs en 2008. L’établissement a connu toute une croissance depuis les 160 000 visiteurs de 1993, grâce à quelques grands succès, dont l’exposition sur Rodin. Ces événements ont conféré au Musée une expérience qui lui a été bien utile pour l’année 2008: année toute spéciale pour le MNBAQ qui recevait une exposition du Louvre à l’occasion des Fêtes du 400e de Québec.
Pour l’occasion, on a créé un parcours, un cahier de visite ainsi qu’une scénographie originale. L’événement a été une réussite, en partie grâce à l’implantation d’un système permettant de réserver la journée et l’heure de la visite. Une telle stratégie comportait une part de risque, mais la mesure a majoritairement été appréciée par les visiteurs qui ont pu éviter la cohue. Si les réservations ont peut-être empêché de battre des records de fréquentation, la qualité de l’expérience a généralement été préservée.
M. Porter a terminé sa présentation en rappelant les incidences heureuses d’un succès, que ce soit en matière d’image, de retombées financières ou de réputation de l’établissement.
Enfin, ses propos résumaient bien le défi que représente l’accueil d’un public nombreux; il a rappelé qu’à l’impossible nul n’est tenu et qu’il y aura toujours des gens qui souhaiteraient être seuls dans le musée pour contempler une œuvre. Cela dit, il importe de tenir compte des suggestions des visiteurs et de veiller à s’améliorer constamment.
Sources:
Présentations lors de la conférence Tourisme culturel: tendances et stratégies de l’ICOM et du CECA, du 29 septembre au 2 octobre 2008, panel Foule au Musée! Stratégies pour une expérience mémorable.
– Canto, Michèle, directrice Marketing et Affaires commerciales, Musée canadien des civilisations, Canada
– Guillou, Catherine, directrice des Publics, Musée du Louvre, France
– Lowry, Glenn D., directeur, Museum of Modern Art, USA
– Porter, John R., directeur honoraire du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) et président de la Fondation du MNBAQ
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