Un success story inspirant: le Festival Shakespeare de Stratford
Quand une petite ville choisit le théâtre pour relancer son économie et qu’elle y parvient haut la main, bien des questions surgissent, entre autres: mais comment est-ce possible? C’est pourtant le tour de force qu’a réalisé la ville de Stratford dans le sud-ouest de l’Ontario, il y a de cela plus de 55 ans. Le Festival Shakespeare de Stratford représente aujourd’hui une grande part de l’identité de cette ville qui s’est forgée une réputation enviable comme destination touristique. Mais comment en est-elle arrivée là? Antoni Cimolino, directeur exécutif du festival, racontait ce success story le 14 novembre dernier dans le cadre du colloque culture et tourisme: au cœur de l’identité urbaine, qui se déroulait à Montréal.
Le festival Shakespeare de Stratford: qu’est-ce que c’est?
Dès sa première saison en 1953, le festival Shakespeare de Stratford connut un succès immédiat. Aujourd’hui, ce festival de théâtre, qui s’étend sur une période de six mois, constitue une entreprise de 60 millions CAD, présente une quinzaine de spectacles par saison et compte quatre salles permanentes. Le festival attire quelque 300 000 visiteurs (différents) et vend 550 000 billets chaque année. Précisons que Stratford est aujourd’hui une ville de 30 000 habitants.
Un festival de théâtre pour redonner vie à la ville
Au début des années 50, le Canadien National (CN), jusque-là bien implanté à Stratford avec son siège régional et ses ateliers d’entretien de locomotives, décide d’y retirer ses activités. Cette décision entraîne au chômage quelque 2 000 résidants sur une population de 18 000. Un certain Tom Patterson, natif de l’endroit et apparemment visionnaire, s’interrogeait sérieusement sur le virage que la ville devait alors prendre. Avec des noms évocateurs comme Strafford, la rivière Avon et le petit hameau voisin du nom de Shakespeare, l’idée d’un festival du théâtre de Shakespeare jaillit. Pas particulièrement fan de théâtre, Tom Patterson prit pourtant se projet à bout de bras et réussit, par sa détermination et son sens de la persuasion, à convaincre le Conseil municipal et la Chambre de commerce de Stratford d’entreprendre une étude de faisabilité.
Quelque chose de significatif
Plusieurs embûches ont bien faillit tout faire basculer. Mais la foi… non pas en un dieu mais plutôt en un projet, peut s’avérer déterminante dans ce genre d’entreprise novatrice et audacieuse. Comme le souligne M. Cimolino: «Vous pouvez avoir foi en ce que vous entreprenez et échouer quand même, mais je doute fort que vous obteniez du succès sans la foi».
Produire le meilleur Shakespeare au monde. Il n’était pas question d’une autre industrie, culturelle ou autre, mais de quelque chose de spécial, d’unique, qui serait une source de fierté, qui permettrait au village de Stratford, Ontario, d’être le meilleur au monde.
Se renouveler
Au fils des ans, le festival prit de l’envergure et puisa dans d’autres répertoires que celui de Shakespeare – classiques de la Grèce antique, Molière, Racine, mais aussi Tennessee Williams, Arthur Miller, Oscar Wilde. Plus récemment, on y présenta des œuvres canadiennes contemporaines (en premières). Les organisateurs du Festival sont actuellement en pourparlers avec Wajdi Mouawad (directeur artistique du Théâtre français du Centre national des Arts d’Ottawa) pour présenter certaines de ses pièces en 2010. Des comédies musicales sont aussi à l’affiche. Mais le cœur du festival demeure la présentation du théâtre de Shakespeare. La mission du festival: présenter du Shakespeare mieux que tout le monde.
Une destination touristique en soit
À proximité d’un marché potentiel important, Stratford bénéficie d’une localisation plutôt avantageuse puisqu’elle se trouve dans un rayon de 3 heures de route ou moins de Toronto, Buffalo et Détroit.
Avec les années, elle est devenue une véritable destination touristique. On y trouve notamment:
- une école de restauration réputée;
- un vaste choix de restaurants;
- un orchestre symphonique;
- un festival de musique annuel qui attire des artistes de renommée mondiale;
- un quartier commerçant;
- de grands espaces verts.
Quelques faits et chiffres
Étonnamment, le gouvernement ne finance que 4% des coûts du festival. En fait, outre la vente de billets, ce sont les 25 000 membres qui constituent, par leurs dons, la seconde source de revenus. Le financement du festival se répartit de la façon suivante:
- vente des billets: 68%
- donateurs privés: 22%
- fonds de dotation: 6%
- gouvernement: 4%
Le festival est le moteur économique de l’industrie touristique de Stratford. Selon une étude du Conference Board, le Festival entraîne:
- des retombées économiques de 145 M$;
- des retombées fiscales de 56 M$;
- l’embauche de 1 200 personnes;
- le soutient indirect de 3 300 emplois dispersés dans divers secteurs;
- une dépense moyenne par séjour de 275$/visiteur.
Dernièrement, le Festival a mis sur pied une activité promotionnelle innovante: des web-émissions sur le site du Festival et hébergé par Youtube. Le plus souvent, il s’agit d’entrevues avec les acteurs. Les gens sont invités à soumettre leurs questions en direct aux artistes. Ces web-émisssions connaissent beaucoup de succès et permettent au festival de franchir un premier pas dans la communication en instantanée.
Un défi de taille
Mais la ville de Stratford fait face à des défis majeurs. Depuis quelques années, sa clientèle touristique américaine fond littéralement, chutant de 35% depuis 2002. À son plus fort, elle représentait 34% de l’achalandage comparativement à 25% aujourd’hui. Le Festival tentera d’éveiller plus de Canadiens à son offre. Il tente aussi d’attirer une clientèle outre-mer. La diversification du répertoire des auteurs, une distribution multiculturelle et des méthodes de mise en scène novatrices devraient contribuer à intéresser une clientèle plus jeune et ouverte sur le monde. Enfin, une publicité qui cible de façon amusante la clientèle jeune est disponible sur le site web du Festival.
Une histoire inspirante
L’histoire de Stratford nous apprend, entre autres, qu’il faut des projets, oui, mais il faut surtout des porteurs de projets. Soit des personnes qui transmettent leur passion, leur vision, qui ont une force de persuasion et une foi qui défoncent les portes et qui font rêver.
Source :
– Cimolino, Antoni. «Stratford, Ontario: la mise en scène d’une destination touristique unique», Colloque Culture et Tourisme : au cœur de l’identité urbaine, conférence qui s’est déroulé à Montréal le 14 novembre 2008.
Site Internet :
– Festival Shakespeare de Stratford
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