Le Far West de la classification et la guerre des étoiles!
Étoile, diamant, soleil, rond, carré, cote «plus», index de popularité… la classification traditionnelle dans l’hébergement se fait bousculer. L’hôtel cinq étoiles ne représente plus l’expérience ultime du luxe alors que le Burj Al-Arab à Dubaï se targue d’être un sept étoiles. En raison de leur lourdeur, les systèmes de classification, bien que garants de l’uniformité et de la qualité de l’hébergement, peinent à suivre l’évolution de l’offre et de la demande. Le client s’en mêle et, par le biais de sites comme TripAdvisor, il élève des établissements inconnus au rang de star. Non, la classification n’est pas un long fleuve tranquille!
Ils veulent tous avoir la «cote»…
Des pays en ont, plusieurs n’en ont pas, certains se réajustent, d’autres se lancent dans l’aventure. Même si l’instauration d’un système de classification universel refait périodiquement surface, et ce, afin de faciliter la comparaison, il semble que les disparités régionales des standards et de la qualité des services en font une utopie.
Réponse à l’évolution des attentes des clients, exercice de modernisation, mise à niveau aux standards internationaux, les systèmes de classification essaient de s’ajuster tant bien que mal.
La France réforme actuellement son classement hôtelier. Plus de 300 critères évalueront les équipements, les services au client, l’accessibilité, le développement durable. Elle y introduit des critères de qualité, et une des grandes avancées sera la création de la cinquième étoile. Le classement reste toutefois volontaire.
Quant à l’Italie, elle vient tout juste de se lancer dans cette grande aventure en se dotant de règles et de standards pour établir un système de classification allant de une à cinq étoiles. De leur côté, les régions peuvent y ajouter leurs propres critères d’évaluation.
Au Québec, la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) a annoncé une modification à son programme de classification de l’hébergement. À compter de janvier 2009, les résidences de tourisme, les centres de vacances, les villages d’accueil, les auberges de jeunesse et les établissements d’enseignement seront classés selon une échelle de zéro à cinq étoiles. À l’heure actuelle, les trois premiers sont évalués selon une échelle de zéro à quatre étoiles, et les deux autres, selon une échelle de zéro à trois étoiles. Les établissements hôteliers continuent d’être classifiés selon une échelle de zéro à cinq étoiles, et les gîtes, de zéro à cinq soleils.
Lorsqu’il n’y a pas de système de classification officiel dans un pays ou dans une région, comme c’est le cas dans les Caraïbes, un peu tout le monde se mêle d’établir des cotes – les hôteliers eux-mêmes, les grossistes, les agences en ligne… –, ce qui a tout lieu de semer la confusion chez le voyageur; sans oublier les multiples guides, Lonely Planet et compagnie, qui y vont de leurs propres critiques. Un même établissement peut être coté quatre étoiles sur Expedia, et trois étoiles sur Travelocity.
Quand l’ascenseur vous enlève une étoile
Les systèmes de classification sont souvent décriés par les hôteliers. Un petit hôtel de charme qui ne possède pas d’ascenseur peut difficilement penser ajouter une étoile à sa classification. Bien qu’il ait une bonne idée de ce que l’établissement quatre étoiles lui offrira, le client ne connaît pas vraiment les critères d’évaluation. Même si un établissement offre tous les services requis pour une classification cinq étoiles, les critères mesurent rarement la qualité du service et de l’expérience (lire aussi: La classification des hôtels vs les attentes de la clientèle +++ L’avis de Michael Nowlis +++ et L’avis de Michel Rheault sur la classification de l’hébergement touristique). De plus, la lourdeur des systèmes fait en sorte qu’il devient difficile de suivre l’évolution des besoins, alors que l’accès Internet, les nouvelles technologies, les établissements non-fumeurs, l’amabilité du personnel, l’ambiance générale ou la protection de l’environnement prennent de plus en plus d’importance et font désormais partie des attentes de la clientèle.
Quand le luxe fait scintiller les étoiles!
Aucun classement «officiel» ne va au-delà de la cinquième étoile, laquelle est un gage des formes traditionnelles du luxe. Pour suivre l’évolution de l’offre et de la demande vers le haut de gamme, plusieurs grandes chaînes ont lancé des marques «de luxe». Cependant, cette tendance accentue les écarts des prestations entre les propriétés qui affichent fièrement leur classification cinq étoiles. Aussi, certains grossistes ont créé la catégorie «cinq étoiles plus». D’autres abolissent les étoiles et les remplacent dans leurs brochures par les mentions «platine», «or», «argent», «bronze» et «cuivre». Pour plusieurs établissements et centres de villégiature, le prix des prestations devient alors un facteur discriminatoire pour distinguer le niveau de services. En France, la discussion tourne autour de la notion de «palace», car au-delà des critères caractérisant le cinq étoiles, il y a l’âme de l’hôtel, les gens célèbres qui l’ont fréquenté, l’histoire des lieux, etc. Des bannières telles que The Leading Hotels of the World et Relais & Châteaux évoquent à elles seules la distinction des établissements.
Mais aujourd’hui les cinq étoiles ne représentent plus le summum du luxe. Une nouvelle classe d’hôtels fait son apparition et le luxe emprunte des avenues hors du commun: la démesure, l’expérience, l’émotion, le faste, l’inédit… Dans un tel contexte, il semble inévitable qu’un classement cinq étoiles ne suffise plus.
Certains hôtels se réclament du six étoiles comme le Crown Macau à Macao en Asie et le Palacio da Quinta en Algarve au Portugal tandis que le sept étoiles du Burj Al-Arab à Dubaï semble lui avoir été attribué par les journalistes.
Burj Al-Arab à Dubaï
À l’été 2009, ProfessionalTravelGuide.com commencera sa classification des six étoiles dans le but de déterminer un groupe «sélect» d’hôtels qui représente la crème de la crème: système rigoureux comptant 1700 critères (ex. ratio minimum de un employé par client, unicité architecturale, caractéristique locale du pays) et incluant des facteurs émotifs et culturels.
Pour le consultant Peter McAlpine de Renaissance Consulting Ltd., une sixième étoile ne se veut pas un «réchauffé» du cinq étoiles avec quelques services et attributs supplémentaires. On ne l’obtient pas avec de l’or, de la technologie et des procédures de service personnalisé. Il faut plutôt délaisser la voie traditionnelle du luxe, bien comprendre ce que signifie la création de l’expérience client et adopter une approche nouvelle en faisant les choses différemment – cela devient une question de feeling, d’émotion et non de matériel. Le client doit en ressortir avec l’impression qu’il n’a jamais ressenti ni rien vu de semblable, qu’il aurait voulu que le temps s’arrête. L’expérience doit être totalement inoubliable.
Pour l’heure, les hôtels sept étoiles sont peu nombreux dans le monde, mais plusieurs sont en construction. Le Town House Galleria de Milan en Italie revendique ce statut. La Chine en annonce quelques-uns à venir sur son territoire, dont un à Sanya sur l’île touristique de Hainan, qui sera sous la gouverne du Groupe Fairmont Hotels & Resorts.
Town House Galleria à Milan
Hôtel sept étoiles à Sanya en Chine
Pour se démêler, les clients s’en mêlent!
La diversité, l’inégalité et les lacunes des systèmes de classification ne permettent pas toujours au consommateur de se faire une idée juste de la prestation. En outre, quel que soit son discours, la marque laisse toujours planer un doute sur son honnêteté.
Un consommateur qui veut s’y retrouver se fiera-t-il à un spécialiste, au Web, aux parents et amis? Il semble que les consommateurs font plus confiance à des inconnus qu’aux experts. Grâce à l’explosion des médias sociaux et au poids croissant de l’opinion des consommateurs, les internautes s’adressent à leurs pairs pour les aider à choisir produits et services. Dans son étude «When did we start trusting strangers?», Universal McCann constate une explosion de ce phénomène, et ce, même si les cotes sont attribuées en fonction de la personnalité de l’auteur et de ses préférences.
Par le biais de sites comme Tripadvisor, IgoUgo ou plus près de nous Vox Pop Vacances, les clients élèvent des établissements inconnus au rang de star. Ils s’expriment en des termes que les autres clients comprennent et leur disent ce qu’ils veulent connaître. Chacun y va de ses émotions, de ses coups de cœur et de ses coups de masse.
À l’heure où des sites comme Tripadvisor deviennent des références incontournables et où la classification manque de cohérence et peine à suivre l’évolution rapide de l’offre et de la demande, quel virage les systèmes de classification devraient-ils emprunter?
Sources:
– BusinessWire. «The first and only six star hotel ratings system to premiere summer ’09», 21 octobre 2008,
[www.businesswire.com/portal/site/home/permalink/?ndmViewId=news_view&newsId=20081021005472&newsLang=en].
– Corporation de l’industrie touristique du Québec. «Changement majeur au programme de classification à compter de janvier 2009», info CITQ, vol. 5, no 4, septembre 2008.
– Cser, Katalin et Azuma Ohuchi. «World Practices of Hotel Classification Systems», Asia Pacific Journal of Tourism Research, vol. 13, no 4, décembre 2008, p. 379-398.
– Désiront, André. «La course aux étoiles», La Presse, 13 septembre 2008.
– Grossman, David. «Confusion is the star of hotel rating systems», USA Today, 5 mars 2004.
– Guinot, Danièle. «S’offrir un hôtel 7 étoiles», LEFIGARO.fr, 9 juin 2008.
– Hewitt, Ed et Sarah Schlichter. «Star quality: what’s in a hotel rating?», Independent Traveler, 26 septembre 2008, [www.msnbc.msn.com/id/26840118].
– International Hotel & Restaurant Association. «Hotel Classification», [www.ih-ra.com/advocacy/issues/hotel_classification/intro.php].
– McAlpine, Peter. «Genuine star levels above 5-stars are not only possible, but inevitable», 24 septembre 2008.
– Musnik, Isabelle, «Les consommateurs font plus confiance à des inconnus qu’aux experts», Influencia, 11 septembre 2008, [fr.influencia.net/articles/actualites/archive/2008/09/11/article-28241.aspx].
– OP-Mall in Luxury Property. «Seven 7-Star Hotels – the World’s Most Luxurious Hotels», 29 avril 2008, [www.overseaspropertymall.com/regions/middle-east-property/seven-7-star-hotels-the-worlds-most-luxurious-hotels/].
– Pasquini, Elena. «Italy establishes hotel classifications», HotelNewsNow.com, 8 octobre 2008, [www.hotelnewsnow.com].
– Revue Espaces. «Réforme du classement hotelier. Hervé Novelli donne le menu», Espaces 263, octobre 2008.
– shangaiist. «China’s first seven star hotel to be built in Sanya, Hainan», 9 septembre 2008, [shanghaiist.com/2008/09/09/chinas_first_seven_star_hotel_to_be.php].
– Tribune de Genève. «Nouveaux critères pour la classification des hôtels en Suisse», 27 octobre 2008,
[www.tdg.ch/depeches/economie/nouveaux-criteres-classification-hotels-suisse].
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Sur le site Horse21.fr les clients peuvent eux-mêmes évaluer avec des « étoiles » les hôtels qu’ils ont visités. Par exemple: hôtels à Milan