Le cidre: un produit touristique identitaire?
«Auparavant, lorsque nous visitions des amis à l’étranger, nous leur apportions du sirop d’érable. Aujourd’hui, nous leur offrons une bouteille de cidre de glace». Cette observation de Véronique Rivest, une sommelière réputée, a bien résumé le potentiel identitaire du cidre québécois à l’occasion du colloque national sur le cidre, tenu le 12 février 2009 en Montérégie. Comment une région peut-elle asseoir son développement sur la mise en valeur d’un produit agrotouristique?
La région de Niagara s’est créé une réputation de destination agrotouristique solide grâce à la production de vin et, plus particulièrement, de vin de glace. Est-ce que la Montérégie peut aspirer à une renommée semblable avec ses cidres?
Les atouts: unicité et qualité du produit
La production ayant débuté au début des années 1990, le cidre de glace est un produit relativement nouveau, mais qui commence à se faire connaître à l’étranger. Au Québec, on dénombre une cinquantaine de producteurs qui apportent leur touche personnelle à leurs produits. Ensemble, ils fabriquent trois types de cidre différents: le «tranquille» (ou plat), l’«effervescent» (ou mousseux) et le produit vedette, le fameux cidre de glace. Le Québec se démarque par la qualité de ces trois produits, surtout par le dernier puisqu’il n’y a qu’au Québec où les froids hivernaux permettent à la pomme de geler de façon naturelle.
Aujourd’hui, comme tous les autres cidres, la fabrication du cidre de glace est encadrée par une réglementation qui impose de sévères normes de qualité. D’ailleurs, pour qu’une région comme la Montérégie se bâtisse une réputation, ses producteurs doivent respecter rigoureusement ces normes. Cela semble être le cas, car plusieurs cidres ont déjà reçu des prix d’envergure et leur qualité est stable d’année en année.
L’expérience touristique
Outre la qualité, il importe aussi de créer une expérience touristique autour du produit. Par exemple, la vallée de l’Okanagan en Colombie-Britannique mise sur une programmation bien remplie (un festival par saison) pour faire connaître ses vins et sa gastronomie. De son côté, la «Wine Route», en Ontario, est particulièrement fournie et diversifiée.
Le cidre est produit dans plusieurs régions du Québec, mais il y a une forte concentration en Montérégie. Elle est d’ailleurs la seule région qui place ce produit au cœur de son positionnement touristique. Les activités touristiques axées sur le cidre sont les suivantes:
- La «Route des cidres» regroupe onze producteurs qui offrent des dégustations ou des visites des installations (voir un aperçu de la carte interactive, ci-dessous).
- La deuxième édition du «Mondial des cidres de glace» a eu lieu en février dernier et a accueilli plus de 10 000 visiteurs.
- La cueillette des pommes est une activité fort populaire à l’automne, particulièrement auprès des familles, et ce, tant chez certains cidriculteurs que dans de nombreux autres vergers de la région.
Se faire connaître et reconnaître
La réputation du produit compte pour beaucoup dans l’attractivité d’une expérience. Celle des vins de Napa Valley en Californie n’est plus à faire et contribue à elle seule à attirer de nombreux touristes et amateurs. La connaissance et la reconnaissance du produit sont également des étapes à franchir dans la route vers le positionnement d’une région autour d’un produit agrotouristique. La Montérégie et ses producteurs de cidres cheminent dans cette direction mais demeurent encore grandement méconnus. De plus, ils ont à lutter contre la faible réputation générale de cette boisson, ce qui n’est pas le cas du vin.
À ce sujet, divers points de vue ont ponctué ce premier colloque national sur le cidre. Jean-François Demers, professeur, conférencier et sommelier, mentionnait que l’on trouvait les meilleurs cidriculteurs du monde parmi l’assistance mais que ceux-ci font face à un défi gigantesque. Pour faire connaître leur produit, ils doivent se tailler une place dans la cour des grands: l’industrie du vin. Ils devront travailler ensemble pour arriver à se faire reconnaître.
Thierry Debeur, des éditions et des guides du même nom, souligne que les actions des producteurs sont peu publicisées. Il mise aussi sur la force du nombre pour mieux se faire connaître.
La distribution
La connaissance et la reconnaissance du produit passent aussi par une vaste distribution. Un autre défi pour les cidriculteurs est donc de réussir à s’implanter auprès de nombreux restaurants du Québec. Il s’agit d’une avenue difficile à emprunter, puisqu’elle repose sur la demande des consommateurs qui, justement, demandent rarement du cidre. M. Demers encourage les producteurs à s’impliquer ensemble dans l’éducation de la population et des restaurateurs.
La distribution se fait donc directement par le producteur ainsi qu’à la Société des alcools (SAQ), pour quelques produits seulement. La SAQ fait de plus en plus de place aux boissons québécoises et dans la catégorie Terroirs d’ici, le cidre est le produit le plus vendu (environ 81% en 2007, une augmentation de 528% en 10 ans).
À l’instar de régions telles que la vallée de l’Okanagan, Napa Valley et la région de Niagara, le succès d’un positionnement touristique basé sur un produit agrotouristique repose sur deux principales conditions: la reconnaissance du produit, qui passe nécessairement par une qualité exemplaire et une excellente distribution ainsi qu’une expérience touristique authentique et attrayante. L’industrie du cidre semble sur la bonne voie, mais demeure encore toute petite et très jeune. Autant elle est prometteuse, autant elle n’a pas vraiment droit à l’erreur…
Source:
– Colloque national sur le cidre. Tourisme Montérégie, 12 février 2009
Sites Web:
– cidre du quebec
– tourisme Monteregie
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