Gestion durable des événements: laisser sa marque sans y laisser sa trace
Comment intégrer la notion de «durable» à un événement ponctuel, qui a un début et une fin dans le temps? En effet, comment instaurer des pratiques de développement durable lorsqu’il n’y a pas d’infrastructure permanente et lorsque notre équipe se compose principalement de gens qui ne sont pas sur la liste de paie, ou du moins qui ne le sont que temporairement? Voilà le défi que doivent relever les festivals. Compte rendu des bonnes pratiques mises en place par le Festival Roskilde au Danemark et le Paléo Festival Nyon en Suisse.
Thomas Niebuhr est directeur Environnement pour le Festival Roskilde, importante prestation musicale internationale qui se déroule dans un champ de Roskilde, à 35 km de Copenhague. Pendant 8 jours, grâce aux campeurs qui viennent assister au festival, la population du village atteint 110 000 personnes, ce qui le classe temporairement au 5e rang des villes du pays en importance. De 40 à 50% des festivaliers proviennent de l’extérieur du Danemark. L’équipe se compose de 30 employés auxquels s’ajoutent 300 bénévoles à l’année et plus de 20 000 bénévoles durant l’événement même.
Daniel Rosselat est président du Paléo Festival Nyon, le plus grand festival suisse et l’un des plus importants d’Europe. Consacré à la musique, il accueille 227 000 spectateurs, dont 7 000 campeurs qui s’installent autour des scènes extérieures pendant les 7 jours de l’événement.
Les principes de développement durable sont au centre des préoccupations de ces deux organismes à but non lucratif et se traduisent par des actions concrètes, ciblées en fonction des clientèles et qui s’articulent autour de trois piliers de base: l’environnement ainsi que les aspects social et économique.
L’environnement
En 1994, le Festival de Roskilde s’est doté d’une politique environnementale dont les objectifs mesurables sont régulièrement réévalués. Depuis, l’environnement prend une place de plus en plus prépondérante et fait partie intégrante de l’expérience du festivalier. Cette ligne de conduite est axée sur quatre points principaux en lien avec la gestion de tout événement extérieur.
Les transports. Le vélo, les transports en commun et le covoiturage sont fortement encouragés. Ainsi, en 2008, 58% des festivaliers sont arrivés par transport en commun. De ceux qui sont venus en voiture, 69% pratiquaient le covoiturage. Quelques idées à retenir:
- ouverture de la gare locale spécialement pour l’événement;
- stationnement et atelier de réparation de vélos;
- forum de discussion sur le site Internet de l’événement pour encourager le covoiturage;
- diminution des véhicules de location pour le personnel de l’événement et choix de véhicules à meilleur rendement énergétique.
L’électricité. Les sources d’énergies nouvelles sont privilégiées (énergie 100% éolienne en 2009) et les technologies de pointe sont explorées afin de réduire la demande en électricité:
- ampoules fluocompactes;
- éclairage de scène à DEL.
Les politiques d’achat. Les produits locaux, équitables, organiques, compostables et à label écologique sont favorisés, tant dans les kiosques que dans les bureaux de l’organisme.
La gestion des déchets. Plusieurs mesures sont mises en place pour contrôler et ultimement réduire les déchets, dont les deux tiers proviennent du camping. De plus, les festivaliers sont incités à apporter leur contribution en:
- recyclant à grande échelle (les matières sont triées en 13 catégories);
- retournant les contenants, tels les verres de bière, pour se faire rembourser la consigne (le système est si efficace que le taux de retour des verres en plastique atteint 97%);
- troquant leurs déchets contre une consommation grâce au programme d’échange Trash for beer;
- participant à la campagne Less trash, more music.
Source: www.roskilde-festival.dk
Au-delà des actions entreprises lors de l’événement, l’organisme encourage également les festivaliers à adopter des comportements plus responsables une fois qu’ils ont quitté les lieux en les incitant à faire partie d’une communauté virtuelle vouée à la cause environnementale. Ainsi, les participants peuvent obtenir des invitations à des conférences et des ateliers et des privilèges uniques pour le prochain festival, tels que l’accès aux douches solaires et la possibilité de réserver un espace de camping.
Paléo met en pratique un programme environnemental semblable visant lui aussi la réduction de la consommation d’eau et d’électricité, des déchets et des gaz à effet de serre liés au transport.
Les organisateurs vont même jusqu’à utiliser de la vaisselle lavable dans les restaurants et renoncent à la remise d’échantillons par les entreprises commanditaires.
Source: www.2009.paleo.ch
L’aspect social
Depuis ses débuts, le Paléo Festival Nyon est animé des valeurs de respect, de partage et de convivialité:
- Bien qu’il ne soit pas subventionné, les organisateurs tiennent à ce qu’il soit financièrement accessible à tous.
- Il offre aux jeunes la possibilité d’acquérir des expériences professionnelles de qualité.
- Ses bénévoles sont de véritables collaborateurs et leur contribution est valorisée.
- Son succès est mis au profit de la scène musicale suisse.
- Il joue un rôle de modèle et souhaite partager son expertise en développement durable (DD).
Quant à lui, le Festival de Roskilde remet 100% des profits générés par l’événement à des organisations culturelles et humanitaires.
L’aspect économique
Selon Daniel Rosselat, «l’argent est un moyen et pas un but, mais il faut savoir compter». Bien que les deux festivals soient à but non lucratif, leur effet sur l’économie des lieux qu’ils exploitent est certainement ressenti, d’autant plus qu’ils privilégient les fournisseurs et les produits locaux. La portée de l’impact va même au-delà de la région où se tient l’événement. Ainsi, les retombées économiques directes du Festival de Roskilde liées au tourisme au Danemark sont évaluées à 51 M d’euros pour l’édition 2008.
Dans les deux cas, les organisateurs utilisent la notoriété et la popularité de leur festival pour sensibiliser, voire éduquer les festivaliers, bénévoles, artistes et employés ainsi que pour faire évoluer la conscience collective. Par leur propre engagement, Roskilde et Paléo incitent les participants à devenir fidèles, impliqués et complices et à adhérer eux aussi aux principes de développement durable, même une fois les scènes démontées.
Source:
– Niebuhr, Thomas et Rosselat, Daniel. Symposium international sur le développement durable du tourisme, atelier: Gestion durable des événements, 18 mars 2009.
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Il aurait été intéressant de parler de tout le travail qui se fait au Québec avec le RQFE (Réseau québécois des femmes en environnement) qui ont développé une expertise considérables, entre autres avec son Conseil québécois des événements responsables.. Dans un prochain article, peut-être?
Vous avez tout à fait raison, le Réseau québécois des femmes en environnement (RQFE) est très actif dans le domaine de la gestion durable des événements. Nous avons même fait référence à leur travail dans le cadre de deux analyses:
http://dev2.veilletourisme.ca/2008/03/26/s%E2%80%99outiller-pour-organiser-des-evenements-responsables/
http://dev2.veilletourisme.ca/2008/03/14/virage-vert-certains-mythes-ont-la-vie-dure/
Néanmoins, le texte sur la gestion durable des événements est un compte rendu d’un atelier ayant eu lieu lors du Symposium international sur le développement durable du tourisme dans lequel on présentait deux cas internationaux. Il est à mentionner par contre que le RQFE était présent au Salon des exposants du Symposium où ses représentantes ont pu promouvoir leurs activités et services aux participants.
Merci!