Quand l’architecture donne une âme à un lieu (Compte rendu de conférence)
Contrer l’effet de mode, s’inspirer d’un lieu, ancrer un bâtiment dans son milieu, donner une âme à un projet constituent l’essentiel d’une architecture «durable». Heinz Julen, artiste et spécialiste de l’architecture alpine, est venu nous faire rêver en exprimant sa vision artistique de l’architecture hôtelière l’espace d’une conférence au Symposium international sur le développement durable du tourisme. De son côté, Renée Daoust, architecte et associée chez Daoust Lestage inc., nous a présenté des exemples probants de vision et de projets porteurs dans un esprit de développement durable.
Imaginez… une montagne, un hôtel et la notion de spiritualité…
Inspirant n’est-ce pas? Ces composantes émanent d’un projet que Heinz Julen a dans ses cartons. Originaire de Zermatt en Suisse, c’est dans son atelier à flanc de montagne qu’il met son génie artistique à l’élaboration de réalisations singulières qui ne laissent personne indifférent. Les lieux peu développés, les grands espaces, les montagnes l’inspirent particulièrement.
Cet artiste ne voit pas un hôtel comme étant un service complémentaire. Un lieu possède une âme, un milieu naturel, un patrimoine culturel et architectural qu’il importe de respecter. C’est dans cet esprit que ce lieu devient pour lui une source d’inspiration pour développer un projet hôtelier qui s’intègre à l’environnement et contribue à l’héritage patrimonial de la destination.
À travers une réalisation, il faut savoir susciter le rêve.
Les pièges de la mondialisation
Pour Renée Daoust, le développement du milieu bâti sert de levier pour le tourisme. Il existe des bâtiments iconographiques qui traversent le temps, qui témoignent de la culture de l’époque et de l’innovation technologique. Nous n’avons qu’à penser aux grandes pyramides d’Égypte, plutôt révolutionnaires pour cette période, ou à la tour Eiffel.
Toutefois, les tendances en architecture constituent un piège de la mondialisation. Elles donnent parfois lieu à une architecture éphémère, jetable, qui traverse mal le temps. L’architecture ou plutôt la «starchitecture» devient spectacle, sans référence identitaire, mal intégrée à son milieu. Beaucoup de destinations ont tendance à vouloir reproduire le syndrome Bilbao, faisant abstraction du contexte d’implantation de ce projet.
Des projets porteurs
Le 400e anniversaire de la ville de Québec a été l’occasion de saluer le génie du lieu, l’architecture et le design urbain identitaire en créant la promenade Samuel-De Champlain et le quai des Cageux. Sur cette promenade, quatre jardins thématiques – le Quai-des-Brumes, le Quai-des-Flots, le Quai-des-Hommes et le Quai-des-Vents – témoignent de l’importance du leg permanent en ce qui a trait à l’espace urbain et au patrimoine bâti.
Après la période sombre du SRAS, il a fallu moins de six ans pour que la renaissance culturelle de Toronto fasse renouer cette ville avec la croissance. Grâce à une vision coordonnée, les efforts de redressement déployés ont porté tant sur la culture événementielle que sur la culture permanente. Du spectacle des Rolling Stones au Luminato Festival, le savoir-faire local pour la conception de trois grands bâtiments (Four Seasons Centre for the Performing Arts, Canada’s National Ballet School, Young Centre for the Performing Arts) couplée à la synergie de l’expertise internationale (Royal Ontario Museum, Sharp Centre for Design, Ontario College of Art & Design, Leslie L. Dan Pharmacy Building, University of Toronto), on peut affirmer que Toronto s’est rapidement taillé une place au sein des destinations culturelles.
Les Jeux olympiques de Beijing 2008 constituent un exemple remarquable de réussite. Une vision partagée, un financement approprié, la compréhension d’une culture millénaire, l’érection d’un bâtiment iconographique ont fait de cet événement un succès et un haut lieu du tourisme chinois.
Réussir un projet architectural durable
Vision, qualité, pérennité, identité et investissement dans le savoir-faire local résument les éléments importants de l’architecture durable.
Le fondement d’un projet viable est constitué d’une vision coordonnée, claire et cohérente, partagée par l’ensemble des partenaires financiers, politiques, culturels et sociaux. Pour en susciter l’adhésion, il faut savoir célébrer l’événement, définir des projets mobilisateurs, réaliser des interventions significatives en matière d’espace urbain et de patrimoine bâti, reconnaître la culture permanente et l’arrimer à la culture événementielle.
Un projet peut être durable si l’on investit dans la qualité avec un objectif de pérennité et s’il bénéficie d’un cadre budgétaire approprié.
Favoriser l’émergence de la culture identitaire afin de confirmer la spécificité du lieu, favoriser aussi le développement de l’expertise et des créateurs locaux, créer une relation synergique et équilibrée entre les concepteurs locaux et internationaux sont autant de mesures pour assurer un développement durable.
L’architecture occupe une place importante dans la culture et, à ce titre, il faut reconnaître les créateurs.
Un mot sur l’architecture en milieu rural
L’architecture n’est pas liée qu’aux grandes villes. En région, il faut harmoniser l’intégration d’un bâtiment au paysage. Pourquoi un centre commercial devrait-il avoir un stationnement à l’avant alors que cette immense surface asphaltée n’a rien d’esthétique? Trop souvent, les commerces à grande surface, les chaînes et les multinationales défigurent l’entrée des villes et villages au Québec et laissent une piètre impression au visiteur.
Sources:
– Daoust, Renée et Heinz Julen. Atelier: Stratégies d’implantation pour les entreprises – Initiatives responsables du tourisme patrimonial et culturel bâti, Symposium international sur le développement durable du tourisme, Québec, 18 mars 2009.
Vous désirez diffuser cet article ? Voir notre politique de diffusion ›
Consultez notre Netiquette