Les défis et stratégies d’une guerre des prix
Avec l’actuelle période de crise économique, plusieurs hôteliers se creusent les méninges pour gérer la baisse de la demande et la pression pour la réduction des prix. Comme lors d’autres périodes difficiles, la tentation a refait surface. Certains résistent, d’autres ont sabré radicalement les prix pour combattre le faible taux d’occupation. Après avoir répété à quelques reprises qu’il ne s’agissait pas d’une manœuvre gagnante, nous avons décidé de présenter une analyse quantitative effectuée par la Cornell University sur la question, dans le but de mettre des chiffres sur les dires et d’étudier les stratégies et les solutions de rechange.
Petite leçon d’histoire en matière de stratégie de prix
Des chercheurs de la réputée Cornell University ont réalisé une étude dans laquelle ils ont examiné la dynamique des prix, de la demande et du revenu par chambre disponible (RevPAR) pour des hôtels américains durant la période de 2001 à 2007. Ils ont donc exploré les stratégies de prix de plus de 67 000 établissements d’après la base de données de Smith Travel Research (STR). Pour analyser cette dynamique, ils ont d’abord regroupé les hôtels par rapport à leur écart de prix quant à la moyenne de leurs compétiteurs directs (competitive set), allant de 20 à 30% de moins ou de plus. À partir de cette prémisse, deux autres variables ont été observées: le taux d’occupation (la demande) et le RevPAR, tous deux en termes d’écart (en pourcentage) entre chaque hôtel et par rapport à la moyenne de leur competitive set.
Le graphique suivant résume les résultats obtenus.
On observe bien sûr que si la stratégie de baisser les prix en deçà de la moyenne de leurs concurrents a clairement pour effet de remplir l’établissement, elle a aussi eu pour effet de faire chuter le RevPAR. Par exemple, les hôteliers offrant des prix de 20 à 30% de moins que leurs compétiteurs ont connu un RevPAR d’environ 12% plus bas que leur competitive set.
Le graphique ci-dessus nous indique qu’un tel écart de prix s’est avéré trop marqué. Toutefois, il importe de noter que les hôteliers ayant baissé leurs prix de moins de 2% par rapport à la concurrence ont plutôt devancé les moyennes de taux d’occupation ainsi que de RevPAR. Il en est allé de même pour ceux ayant augmenté leur prix jusqu’à 5% au-dessus de leurs compétiteurs (zone encerclée de rouge). Ceux ayant dépassé ces écarts ont pris du retard, soit en matière de taux d’occupation, soit en matière de RevPAR.
Alors que la situation économique et conjoncturelle se rétablissait durant la période de 2004 à 2007, il est surprenant d’observer qu’une dynamique très similaire s’est produite.
Une analyse semblable a été faite, mais cette fois, en distinguant les stratégies de prix par catégorie d’établissement de STR (luxury, upper upscale, upscale, midscale et économie). Très peu de différences ont été observées entre les diverses catégories de cette étude. Cela confirme que la clientèle des hôtels de luxe semble toutefois moins sensible à des réductions de prix alors que les clients favorisant des établissements économiques sont plus sensibles aux hausses tarifaires.
La leçon: que ce soit une période prospère ou de récession, proposer des prix moins élevés que la moyenne de ses compétiteurs ne stimule pas suffisamment la demande pour générer les RevPar escomptés.
Cela dit, la pression est forte
Dans un autre sondage réalisé en mars dernier par Sheryl E. Kimes – une chercheuse de Cornell University – en collaboration avec Eye for Travel, il est ressorti que les principales problématiques auxquelles les hôteliers ont fait face depuis un an sont la guerre des prix et les stratégies tarifaires. D’un côté, évoluer dans un contexte où une guerre des prix est en cours s’avère tout un défi, car la pression est forte de réduire les prix pour conserver ses parts de marché. D’un autre côté, les clients sont de plus en plus sensibles aux prix, ce qui nécessite des stratégies bien adaptées à chaque segment.
Que devraient faire les hôteliers?
Selon cette même étude, Madame Kimes mentionne trois éléments à évaluer avant de développer une stratégie pour faire face à une situation de guerre des prix:
- Les clients: les principaux enjeux actuels sont les diverses sensibilités par rapport au prix ainsi que l’émergence possible de nouveaux segments si des prix différents sont offerts. De plus, l’hôtelier doit se demander si ces nouveaux clients correspondent à l’image de son établissement.
- L’établissement et sa concurrence: la structure des frais de fonctionnement de l’hôtel, ses capacités financières et son positionnement stratégique influent sur les rabais. La même logique s’applique à la concurrence afin d’estimer les réponses potentielles lors d’une guerre de prix.
- Les canaux de distribution: lesquels sont les plus efficaces pour rejoindre les bons segments de clientèle?
Comment tirer son épingle du jeu dans une guerre de prix sans engendrer des dommages à long terme?
Les stratégies non liées au prix
- Être compétitif en ce qui a trait à la qualité et offrir de nouveaux services (transport gratuit de l’aéroport, fleurs, etc.)
- Créer des partenariats stratégiques avec des canaux de distribution. La commission sera peut-être plus élevée, mais les tarifs ne seront pas touchés.
- Stimuler les programmes de fidélisation. La demande permet de récompenser les membres fidèles.
- Développer des sources additionnelles de revenus ou de nouveaux segments de clientèle. Par exemple, se tourner vers la clientèle locale.
Les stratégies liées au prix
Si un hôtel doit entrer dans la guerre des prix, au moins doit-il le faire intelligemment! La clé est de camoufler ses rabais ou de viser seulement des marchés précis à l’aide des bons canaux de distribution.
- Grouper l’offre. Exemples: troisième nuitée gratuite, traitement spa gratuit, Internet sans frais. Cette stratégie déguisera la baisse de tarif et causera moins de difficultés à long terme.
- Isoler l’offre. À l’inverse, il s’agit de fixer le prix sur le produit de base (une chambre!) et de facturer tout supplément, comme le font les compagnies aériennes low cost.
- Utiliser des canaux de distribution opaques comme priceline.com ou hotwire.com. (lire aussi: Les modèles «opaques» révolutionneront-ils la distribution?).
- Offrir des rabais à certains segments seulement.
Lire aussi: Le marketing en temps de récession et Le Canada plus frileux que les États-Unis par rapport à la hausse du tarif moyen en hôtellerie.
Sources:
– Enz, Cathy, Canina, Linda et Mark Lomanno. «Pricing in uncertain times», Cornell University et Smith Travel Research, 9 mars 2009.
– Kimes, Sheryl E. «Hotel Revenue Management in a Economic Downturn», Special Report, mars 2009.
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