Les parcs éoliens ont-ils une incidence sur le tourisme?
Comme bon nombre d’endroits, le Québec s’est doté d’un cadre stratégique en vue d’augmenter la production d’énergie à partir de sources renouvelables telles que le vent (1). La construction de parcs éoliens représente un défi à bien des égards. Dans le domaine du tourisme, elle a une incidence directe sur l’aspect visuel des paysages et sur l’industrie, étant donné les pertes économiques potentielles. Les détracteurs des parcs éoliens croient que l’implantation d’imposantes structures de métal donnera au paysage des régions rurales et naturelles une allure industrielle; ce qui est néfaste, selon des préférences des individus.
Les paysages sont une importante ressource touristique; il est donc peu probable que l’industrie du tourisme accorde un soutien sans équivoque aux parcs éoliens. C’est d’ailleurs pour cette raison que la lutte contre l’intégration de ces parcs près des attraits touristiques persiste, alors que les opinions à leur sujet continuent de diverger. Par exemple, certains s’opposent à l’éolienne érigée récemment sur Grouse Mountain, à Vancouver (2), et d’autres, au projet de construction d’un parc éolien près du Mont-Saint-Michel, en France, même s’il est censé être placé à quelque 15 km de ce site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO (3).
Les éoliennes comme attraits touristiques?
Grâce à leur fonctionnalité en matière de production d’énergie propre, les éoliennes sont, pour certains, un symbole du développement durable; ce qui leur vaudra peut-être d’être reconnues comme éléments du patrimoine moderne. Les moulins sont les prédécesseurs des éoliennes, et ces derniers ont également fait l’objet de protestations lorsqu’ils sont apparus dans le paysage européen, vers le 12e siècle. Aujourd’hui, dans des pays comme la Hollande, les moulins font partie des images patrimoniales et, au Québec, bon nombre d’entre eux, comme ceux de L’Île-Perrot et de l’Isle-aux-Coudres, sont des attraits touristiques.
Cependant, les éoliennes ont elles-mêmes peu de chances de devenir des attraits touristiques majeurs, parce qu’elles font maintenant de plus en plus partie des paysages humanisés de nombreux pays. Dans certains cas, elles permettent de diversifier les attraits d’une destination, comme à Cap-Chat, dans la péninsule gaspésienne, où un centre d’interprétation possède la plus haute éolienne à axe vertical au monde. Ailleurs, d’autres centres d’interprétation du même genre offrent des visites guidées, et au Danemark, par exemple, il est possible d’aller en bateau voir le parc éolien en mer de Middelgrunden près de Copenhague. Les opinions et les comportements par rapport aux parcs éoliens changeront certainement au cours du temps, les gens s’y habituant peu à peu, mais il est peu probable qu’ils fassent l’unanimité un jour.
Préférences des touristes
Selon une analyse écossaise de plusieurs études sur l’incidence des parcs éoliens sur le tourisme, les effets néfastes globaux de ces derniers seraient limités (4). Toutefois, en général, les touristes préfèrent que les projets d’énergie éolienne soient situés loin des zones d’hébergement, des sites historiques, des sites et points de vue panoramiques et des lieux de beauté naturelle. La proportion des visiteurs qui s’opposent catégoriquement à ce que les éoliennes soient placées à proximité des attraits touristiques semble minoritaire, d’après certains rapports. Par exemple, en France, un sondage à l’échelle nationale a montré que 22 % des répondants pensaient que les éoliennes avaient des répercussions néfastes sur le tourisme, le reste des sondés y étant favorables ou indifférents (5). De même, selon un sondage mené dans la région du Languedoc-Roussillon, 16 % des visiteurs trouvaient que les éoliennes gâtaient le paysage (6). Dans une étude écossaise plus récente, on a pu constater que de 20 % à 30 % des touristes environ préféraient les paysages sans éoliennes, tandis que le reste des répondants y étaient surtout favorables ou indifférents (4). La perception des touristes a également été évaluée à l’intérieur d’une étude menée dans la région gaspésienne du Québec, où une bonne partie des visiteurs se sont exprimés en faveur des parcs éoliens (6). Quant à la création éventuelle de nouveaux parcs, cependant, 56,4 % d’entre eux préféraient une grande concentration d’éoliennes en peu d’endroits (plus de 12 éoliennes) à une petite quantité en multiples endroits (moins de 12 éoliennes), et 5,6 % des sondés ne voulaient pas d’éoliennes dans la région gaspésienne (7).
Conséquences économiques
Bien que les études de préférence obtiennent généralement des résultats semblables, très peu d’études quantitatives qui permettent d’établir un lien empirique entre les retombées économiques nettes pour le tourisme et les parcs éoliens ont été publiées jusqu’à maintenant (8). Plusieurs études évaluent les préférences éventuelles, en fonction de scénarios hypothétiques, pour connaître leur incidence probable sur le tourisme (9,10). Elles ont tendance à montrer que les visiteurs ne cesseraient pas de fréquenter un endroit si un parc éolien y était construit, comme l’ont indiqué 92 % des gens interrogés lors d’un sondage mené en Angleterre du Sud-ouest, par exemple (9). Dans l’ensemble, rien ne laisse supposer que les parcs éoliens pourraient avoir des conséquences économiques néfastes sur le tourisme.
Un rapport écossais a évalué les retombées économiques nettes de la construction d’un parc éolien en calculant l’effet combiné des changements en matière de tourisme résultant d’une telle construction, de leur incidence sur les revenus et du désir des clients de payer pour une «chambre avec vue» dans les établissements concernés. L’étude a porté sur quatre régions de l’Écosse, qui comptent pour près de 12 % de l’activité touristique, et a permis de constater qu’un total de 81 % à 98 % des touristes visitant ces régions seraient touchés (4). Elle a également évalué la proportion d’établissements d’hébergement de ces régions sur lesquels l’intégration de parcs éoliens aurait des conséquences : elle se chiffrait entre 9,83 % et 32,40 %. Parmi les touristes sondés lors de cette étude, 63 % ont dit préférer une vue sans éoliennes à partir de leur chambre d’hôtel, tandis que 28 % y étaient indifférents et 9 % y étaient favorables. Les auteurs laissent entendre que les perceptions des visiteurs par rapport aux parcs éoliens varient en fonction de l’endroit où ils se trouvent. Ainsi, les opinions sur les éoliennes changent selon qu’on les aperçoit, l’espace de quelques secondes, le long de la route ou qu’on les voit plus longtemps, sans bouger, à partir de sa chambre d’hôtel. Pour les établissements dont les vues sont compromises, l’étude a conclu à une réduction de fréquentation de 4,9 % à 16,20 % et évalue la diminution nette de leurs revenus entre 0,48 % et 1,59 % respectivement. Enfin, l’étude a établi que la construction d’un parc éolien pourrait se traduire par une perte de 2,5 % en raison du fait que moins de touristes reviendraient visiter la région (4).
Conclusion
Dans la plupart des endroits, comme au Québec, un vaste ensemble de lois et d’outils de planification permettent de limiter le plus possible les répercussions sociales et environnementales des parcs éoliens (11). En plus des conséquences visuelles qui en découlent, l’implantation de parcs éoliens continue de faire l’objet d’opposition pour différents motifs liés à la planification, à la gestion, à la maîtrise opérationnelle et à la redistribution équitable des bénéfices (12). Les quelques études dont il a été question ici permettent de constater que, bien que la majorité des touristes semblent favorables aux parcs éoliens, en y regardant de plus près, leurs préférences vont aux endroits visités et aux établissements fréquentés. Dans ce contexte, il serait intéressant d’évaluer de façon indépendante les effets des parcs éoliens sur le tourisme au Québec, à l’échelle locale et régionale.
Sources:
(1) Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (2006). L’énergie pour construire le Québec de demain. La Stratégie énergétique du Québec 2006-2015. Gouvernement du Québec. Québec. 138 p.
(2) Coulbourn, J. (2009). «Wind turbine power project installed atop Grouse
Mountain». The Province. 25 septembre. [http://www.theprovince.com/story_print.html?id=2035719&sponsor=] (page consultée le 10 octobre 2009).
(3) Nouvelobs (2009). «Manifestation anti-éolien au Mont-Saint-Michel». 26 septembre. [http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/sciences/20090926.SCI7308] (page consultée le 10 octobre 2009).
(4) Riddington, G., McArthur, D., Harrison, A., Gibson, H. (2008). The economic impacts of wind farms on Scottish tourism. A report for the Scottish Government.
[www.scotland.gov.uk/Resource/Doc/214910/0057316.pdf] (page consultée le 16 octobre 2009).
(5) Synovate (2003). Perception et représentation de l’énergie éolienne en France. Ademe. 18 p.
(6) Institut CSA (2003). Impact potentiel des éoliennes sur le tourisme en Languedoc-Roussillon, France. Synthèse de sondage. 5 p.
(7) Richard Guay Consultants (2004). Étude de marketing auprès des touristes de la Gaspésie afin de connaître leurs attitudes face à l’installation d’éoliennes. Un rapport présenté à TechnoCentre Éolien Gaspésie-les-Îles. Québec. 37 p.
(8) Riddington, G., McArthur, D., Harrison, A., Gibson, H. (2009). «Assessing the Economic Impacts of Wind Farms on Tourism in Scotland: GIS, Surveys and Policy Outcomes». International Journal of Tourism Research. Publié en ligne dans Wiley Interscience DOI: 10.1002/jtr.750 [http://www3.interscience.wiley.com/journal/122609399/abstract?CRETRY=1&SRETRY=0].
(9) VisitBritain (2006). Foresight. Issue 33. July. Strategy and Communications Division.
(10) Mori Scotland (2002). Tourist Attitudes towards wind farms. A research study conducted for the Scottish Renewables Forum and the British Wind Energy Association. Final Report. Edinburgh. 24 p.
(11) Ministère des Affaires municipales et des Régions (2007). Guide d’intégration des éoliennes au territoire: vers de nouveaux paysages. Gouvernement du Québec. Québec. 38 p.
(12) Saucier, C., Côté, G., Fortin, M.-J., Jean, B., Lafontaine, D., Feurtey, É., Guillemette, M., Méthot, J.-F., et Wilson, J. (2009). Développement territorial et filière éolienne. Des installations éoliennes socialement acceptables: élaboration d’un modèle d’évaluation de projets dans une perspective de développement territorial durable. Université du Québec à Rimouski. 227 p.
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Dans un même hôtel, une chambre avec vue sur mer est plus chère que la même chambre avec vue sur le parking. Le paysage a un prix.
C’est évident que des machines industrielles tournoyantes et clignotantes devant ma fenêtre, ce n’est pas ce que je chercherais en vacances au Canada .
En France, un récent sondage indiquait que plus de 90% de la population est favorable au développement de l’énergie éolienne.
Or ces 90% sont composés principalement d’urbains. En zone rurale, les avis sont plus partagés, mais les « pros » sont tout de même plus nombreux que les « antis », dans une proportion que je ne connais pas.
Les règles d’implantation sont assez strictes concernant la proximité de sites classés aux « Monuments Historiques », vecteur de tourisme.
Notons qu’aucune statistique n’est apparue sur l’influence des éolienne (grandes ou petites éoliennes pour particuliers) pour le tourisme, mais à mon niveau, je ne ressens, ni n’entend parler d’aucun impact direct sur cette industrie.
Le problème de l’énergie est tout simplement un problème de surconsommation. L’énergie éolienne, solaire, marémotrice etc… ne vise qu’à remplacer le gaspillage énergétique gigantesque produit par notre dépendance aux hydrocarbures – ressource en fin de vie -. La question devrait plutot être de deux ordres: As-t-on réellement besoin de tant d’énergie? Comment diminuer la demande? Tous ces »pansements’ alternatifs, ne servent que les intérêts économiques des riches uniquement en se donnant comme bonne conscience l’environnement en toile de fond. Les bonnes questions, on ne se les posent pas: Le véritable enjeu est de pouvoir utiliser seulement ce qu’on a besoin dans un esprit de rationalité et de mode de vie qui promeut l’utilisation énergétique collective et non individuelle.
@Pascal Samson Je suis entièrement d’accord avec votre approche. J’ajouterai de plus qu’il faut se tourner de plus en plus vers les énergies « décentralisées » comme les éoliennes domestiques