Le phénomène low cost: le concept de bas prix, mais pas à n’importe quel prix!
Il y a à peine plus d’une décennie, on observait le phénomène low cost avec beaucoup de scepticisme et d’ironie dans le secteur aérien. Voilà que maintenant il occupe une part de marché grandissante dans de multiples secteurs d’activité. Mais pour s’y engager, il ne s’agit pas simplement de réduire ses prix. Ce concept correspond avant tout à un modèle d’affaires. Et même si le critère prix est une priorité pour le consommateur, il ne l’est pas à n’importe quel prix! On doit ainsi offrir un produit de qualité pour y faire sa place. Et si les hôtels s’appropriaient le concept à leur avantage?
Petit retour sur le concept de l’entreprise low cost
Traduit à tort par «entreprise à bas prix», même si la résultante s’avère exacte, il existe toute une structure d’entreprise derrière ce concept. David Targy, dans son article de la revue Espaces, le résume bien: il est fondé sur la compression des frais d’exploitation, l’élimination d’intermédiaires et la simplification des produits. (Lire aussi: Le concept de bas prix, il faut avoir les moyens de se le permettre)
Ode à ce concept
Il répond efficacement aux besoins de base; sans frivolité, il va à l’essentiel.
Il plaît au voyageur hybride qui réduit ses dépenses sur certaines prestations pour s’offrir du luxe.
Il convient grandement aux restrictions budgétaires des entreprises.
Il ajoute de la latitude au budget discrétionnaire du voyageur et lui permet aussi de partir plus souvent.
Il ne remet pas en cause la qualité du produit, il le fait bien et simplement.
Il offre un choix intelligent au voyageur avisé et ne l’oblige pas à payer pour des services qu’il n’utilise pas.
Il rassure le consommateur perdu dans l’escalade des services offerts et fait un contrepoids à la surenchère du marché.
Il bataille sur le terrain des grands et donne du fil à retordre aux concurrents qui n’ont aucune valeur ajoutée, ou qui ne respectent pas leurs promesses.
Il élargit le bassin de clients potentiels à ceux dont le budget est serré.
L’engouement est indéniable
Même si à l’origine on les affublait de qualificatifs peu flatteurs et qu’ils étaient le sujet de moqueries, notamment en matière de sécurité, force est de constater que les transporteurs aériens low cost ont bouleversé l’industrie aérienne.
En Europe, Ryanair a transporté 58,6 millions de passagers en 2009, soit une augmentation de 15% par rapport à l’année précédente. L’Eurocontrol, organisme européen chargé de superviser le contrôle aérien, prévoit que les transporteurs low cost pourraient accaparer 50% du trafic intra-européen en 2013, contre 35% aujourd’hui. Selon Euromonitor, au Canada, ce type de compagnie devrait connaître un taux de croissance annuel d’environ 11% d’ici 2014, et atteindre près de 4 milliards CAD de recettes.
Qualité, satisfaction et bas prix sont compatibles
Un sondage tenu auprès de 12 300 passagers ayant voyagé avec un grand transporteur en Amérique du Nord entre avril 2009 et avril 2010 a permis de mesurer leur taux de satisfaction à l’égard de ces compagnies. Les compagnies aériennes à bas coûts surpassent les transporteurs réguliers, comme en font foi les résultats du tableau suivant.
Un prix bas ne signifie pas de rogner sur la qualité. À l’ère de la transparence, un produit ou un service de mauvaise qualité ne fera pas long feu.
Il s’agit plutôt de la promesse d’offrir l’essentiel au juste prix. Un brin de créativité pour couper les coûts, un accueil chaleureux, un service irréprochable, jouer sur l’émotion du client peuvent faire toute une différence.
En lançant sa bannière Formule 1 en 1985 en Europe, le groupe Accor a contribué à créer le modèle low cost dans l’hôtellerie. Avec HotelF1, Accor nous présente la nouvelle génération de ce type d’hébergement. Il rénove progressivement tous ses Formule1 pour les présenter sous cette nouvelle bannière, tout en respectant son principe d’hôtel standardisé et homogène et ses exigences fondamentales : la propreté et la qualité. Il augmente la présence du personnel d’accueil, offre deux configurations de chambres et mise grandement sur la polyvalence de son personnel pour assurer le service (réservation des chambres, accueil des clients, service du petit déjeuner, etc.). Et paradoxalement, il diminue ses prix.
Un contexte qui légitime l’essor de ce modèle d’affaires
La morosité économique qui prévaut actuellement et les citoyens davantage sensibilisés à l’environnement et aux effets néfastes de la surconsommation (surendettement, pollution, etc.) ébranlent les fondements mêmes de la consommation. Le consommateur se recentre sur des valeurs essentielles et devient un acheteur avisé et responsable. Avec un pouvoir d’achat malmené, le prix occupe le premier rang des critères de choix et l’éventail de services offerts paraît superflu, ce qui a tout lieu d’ébranler les entreprises qui doivent revenir à l’essentiel.
Est-ce que ce changement de mentalité attribuable à la crise actuelle n’est que conjoncturel, ou s’il induira des transformations structurelles dans les modes de consommation?
L’ambiguïté des étoiles associées aux services
Dans l’hébergement, on assiste à une surenchère de services pour se démarquer. Et si le contraire était aussi vrai? Pourquoi ne pas remettre les établissements un ou deux étoiles au goût du jour?
Un établissement un ou deux étoiles n’est pas synonyme d’un motel qui sent l’humidité. Pas de service aux chambres, de restaurant dans l’établissement, de centre d’entraînement ou de journal à la porte le matin. À la place, on donne avec gentillesse au client les meilleures adresses du coin et on lui fournit un accès Internet sans fil.
Depuis trois ans, les hôtels Tune offrent un produit de base de grande qualité – bien localisé, lit confortable, douche puissante, environnement propre et sécuritaire – et les clients paient pour les services supplémentaires qu’ils souhaitent utiliser.
Il y a sûrement d’autres produits et services qui mériteraient qu’on explore le concept low cost…
Sources:
– Carey, Susan. «Discount Airlines Score Best in Survey», The Wall Street Journal.com, 9 juin 2010.
– Espaces Tourisme et Loisirs. «Low cost et tourisme», no 282, juin 2010.
- Combe, Emmanuel. «Le modèle low cost, révélateur de valeur ajoutée», p. 23.
- Neuvy, Flavien. «L’achat low cost, un phénomène durable», p. 17.
- Soleilhavoup, Karim. «HotelF1 réinvente l’hôtellerie low cost», p. 40.
- Targy, David. «L’achat low cost, un mode de consommation alternative?», p. 20.
- Treguer, Jean-Paul. «Le low cost, c’est “tendance”», p. 12.
– Euromonitor International. «Transportation – Canada», Country Sector Briefing, mars 2010.
– Hotel News Resource. «New Central London Low-Cost Hotel Promises 5 Star Beds at 1 Star…», 2 septembre 2010.
– Ryanair. «Annual Report 2009».
– Scemama, Corinne. «Les coûts volent bas», L’Express, 25 février 2010.
– Von Dörnberg, Adrian. «The global phenomenon of “low cost” carrier growth», Trends and Issues in Global Tourism 2007, Springer, 2007, Part 2, p. 53-60.
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Je pense que Mme Laliberté a oublié de traiter la 2nd partie du titre. Le concept du low-cost a réussi à transférer les coûts de production à des tiers, notamment des collectivités.
Thomas, pour notre compréhension, pourriez-vous donner un exemple quand vous dites que le concept de low-cost a réussi à transférer les coûts de production à des tiers, notamment des collectivités?
Merci encore pour l’article
La question soulevée est intéressante et me préoccupe depuis longtemps : comment redéfinir, pratiquer et faire reconnaitre de la qualité à tous les niveaux de gamme ? Trop souvent on assimile qualité à haut de gamme.
Et si en marketing on n’avait pas peur de parler « des pauvres » ?. Il n’y a pas que les clients miracles, ceux qui « réduisent leurs dépenses sur certaines prestations … pour s’offrir du luxe (ouf on respire) ».
Par contre il faut réguler les moyens d’obtenir ces prix bas : notamment l’exploitation du personnel, tout ce qui est invisible pour le client, ….
Pourquoi n’a-t-on de « low cost » au Canada sauf près de la frontière, ie à Plattsburg et à Burlington dont 80 % des passagers sont apparamment du Québéc? Alors qu’un pays comme l’Australie (dimension et population similaires au Canada) on retrouve 3 cies?