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Analyses - 15 décembre 2010

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Réseau de distribution – Libéralisation, transformation, éclatement (récapitulatif 2000-2010)

Au tournant du millénaire, on présentait Internet comme un nouveau canal de distribution, appelé à révolutionner le monde du voyage. C’est exactement ce qui s’est passé. Vent de dérèglementation sur les GDS, modèles d’affaires réinventés pour les agences de voyages, émergence en force des agences en ligne, stratégies de ventes directes pour les transporteurs: bref, la dernière décennie s’est avérée fertile en rebondissements, qui ont conduit au réseau de distribution que nous connaissons aujourd’hui. En voici un récapitulatif.

La transformation du réseau de distribution

Un regard dix ans en arrière montre à quel point l’utilisation massive d’Internet par les consommateurs a changé la donne quant à la manière dont les produits de voyages sont vendus. En 2001, les agences de voyages traditionnelles généraient 53% de l’ensemble des ventes touristiques aux États-Unis, alors que les agences en ligne et les sites Web des fournisseurs ne comptaient respectivement que pour 7% et 9% du marché (graphique 1). Seulement huit ans plus tard, l’évolution est marquante: les agences en ligne et les sites Web des fournisseurs combinés accaparent 38% des revenus (graphique 2).

La riposte des transporteurs

Dans le secteur aérien, un enjeu clair se dessinait au début des années 2000, soit celui de se soustraire aux coûteux canaux de distribution offerts par les GDS. La pression s’intensifiait d’autant plus que les transporteurs à rabais exerçaient une forte pression concurrentielle sur l’ensemble du secteur. Pour les transporteurs aériens, les efforts quant à la distribution de leurs produits sont mis en priorité sur la vente directe par le biais de leur site Internet.

Pour faire contrepoids aux agences de voyages en ligne qui ont le vent dans les voiles, United, Delta, Northwest et Continental amorceront la décennie en créant un portail commun nommé Orbitz. D’autres transporteurs s’y joindront par la suite. Malgré les prévisions pessimistes de plusieurs analystes, Orbitz se classera rapidement troisième agence en ligne, derrière Expedia et Travelocity, et parviendra à diversifier son offre de produits. En Europe, un regroupement de transporteurs a lancé Opodo, alors que le portail Zuji voit le jour en Asie.

L’impact du 11 septembre 2001 pour l’industrie hôtelière

Quant au secteur de l’hébergement, le contrôle de la vente des produits sur le Web s’est avéré beaucoup plus ardu. Au lendemain des attentats de 2001, les hôteliers ont dû faire face à l’immense défi de maintenir un taux d’occupation acceptable. La distribution en ligne se présentait comme un mode de réservation fort prometteur et ouvrait la porte à une nouvelle clientèle. Les grandes chaînes hôtelières ont saisi l’occasion de souscrire au modèle d’affaires innovateur d’Expedia. Cette solution permettait à des intermédiaires de vendre eux-mêmes d’imposants volumes de chambres à des tarifs négociés. On passait du commerce de détail à la vente en gros, en ligne.

Toutefois, ce partenariat avec Expedia, en mesure de distribuer facilement jusqu’à 20% des chambres, a eu pour effet de créer une dépendance. Les tarifs négociés étaient si avantageux que les agences en ligne pouvaient réaliser un profit de plus de 30%. Déjà, en 2003, près d’un milliard USD (6% des revenus) étaient ainsi prélevés sur les marges bénéficiaires de l’industrie hôtelière. De plus, l’arrivée de nombreux nouveaux sites de réservation pratiquant chacun ses propres stratégies de rabais ajoutait à la situation complexe de l’établissement des prix des chambres.

Les années 2002 et 2003 ont été passablement turbulentes pour les hôteliers, qui ont dû regagner la confiance des voyageurs afin de les inciter à réserver directement sur leur portail. Une lente évolution s’est alors amorcée et a permis aux hôteliers de rattraper une partie du terrain perdu.

Les hôteliers reprennent le contrôle

Les années 2004 et 2005 correspondent à la période où Internet est passé d’un canal marginal à une solution de masse. La prolifération des canaux de distribution, particulièrement sur le Web, rend de plus en plus difficile le contrôle de la tarification par les fournisseurs. Ces derniers ont rapidement pris conscience qu’une absence de parité dans les prix peut causer du tort à l’intégrité de leur marque aux yeux du consommateur. Les chaînes hôtelières et les transporteurs aériens se sont mis à exercer un meilleur contrôle à cet égard. L’émergence des métamoteurs de recherche tels que Kayak leur a aussi facilité le travail, puisque cet outil comblait le besoin du consommateur de comparer les prix, tout en redirigeant la clientèle directement sur le site Web du fournisseur.

Progressivement, les hôteliers ont proposé des garanties des meilleurs prix pour les réservations effectuées en ligne sur leur portail afin de conforter le client dans sa décision d’achat. D’ailleurs, en août 2004, le plus important groupe hôtelier au monde, InterContinental Hotels Group, envoyait un message très clair à propos de cette stratégie commerciale. Il avait mis fin à sa relation d’affaires avec Expedia en indiquant que les intermédiaires qui transgressent le code de conduite tarifaire, peu importe la force de leur réseau, ne vendraient plus de chambres du regroupement. Les liens d’affaires ont été rétablis par la suite.

L’éclosion des GDS

Les GDS ont joui pendant plusieurs années d’une position quasi monopolistique et tout passait par les agents de voyages. L’avènement d’Internet est sans aucun doute ce qui a le plus modifié leur parcours et mis en péril leur domination. Mais en dépit de l’arrivée en force de la distribution en ligne au début des années 2000, les agents de voyages utilisant les GDS généraient encore en 2003 la majorité des ventes (80%) réalisées par les transporteurs. Du côté du secteur hôtelier, la proportion des réservations effectuées par le biais des GDS s’élevait à 38%.

C’est en 2004 qu’a eu lieu la libéralisation des marchés dans le réseau de distribution. De nouvelles règles régissant les relations entre les GDS et les compagnies aériennes sont alors appliquées par le US Department of Transportation¸(DOT) et Transports Canada. Les GDS obtiennent donc la liberté de définir leur propre modèle d’affaires. Ils peuvent ainsi mieux concurrencer les grandes agences de voyages en ligne non assujetties aux règles du DOT.

L’arrivée de la commission zéro

En 2002, les compagnies aériennes se sont progressivement mises à éliminer les commissions accordées aux agences de voyages, ce qui a entraîné une redéfinition de l’équation économique entre les maillons de la chaîne de distribution. À l’ère de la commission zéro, les agences de voyages ont dû s’adapter et compenser ces pertes de revenus. Durant les années qui ont suivi, le nombre d’agences a sensiblement diminué, mais le secteur s’est ensuite réorganisé.

L’ajout généralisé de frais de service à la clientèle par les agences traditionnelles a donné une impulsion aux agences en ligne et aux sites Web des fournisseurs. Les chasseurs d’aubaines se sont rapidement tournés vers Internet afin de minimiser leurs frais. Pour d’autres consommateurs, il s’est opéré un changement de perception. Ils ont cessé de considérer les agents de voyages comme des intermédiaires et ont plutôt commencé à les voir comme des conseillers apportant une riche valeur ajoutée et avec qui on fidélise une relation.

Le méli-mélo de la distribution

Plus récemment, les agences en ligne ont perdu beaucoup de terrain au profit des fournisseurs qui se sont imposés grâce aux ventes directes sur Internet. De leur côté, les voyagistes ont aussi entrepris un virage en ligne. Ils ont investi massivement au cours des dernières années pour mieux se positionner sur ce canal en déployant une offre diversifiée qui s’adresse directement au consommateur.

En plus des agences en ligne qui continuent de créer des forfaits, les chaînes hôtelières s’aventurent de plus en plus loin dans la vente d’autres composantes touristiques. Parallèlement, certains transporteurs profitent de l’important achalandage sur leur site et commencent à ressembler étrangement à des voyagistes. Pour le consommateur, le réseau de distribution est devenu un environnement complexe où les plates-formes transactionnelles ne sont plus aussi clairement définies qu’avant. Bref, la fin de la décennie marque l’arrivée de la désintermédiation. Ça promet pour les dix prochaines années!

  • Pierre Tremblay

    Sur le point des transporteurs qui Parallèlement, »commencent à ressembler étrangement à des voyagistes » , rappelons pour els plus vieux du temsp ou Air France possédait les Mérédiens et Jet Tour, ou les cies aériennes faisaient office de voyagistes intégrés pour les destination éloignées. Les transporteurs reprennent tranquillement cette place centrale. Sans avion, pas de tourisme moderne, la pauvreté de leurs rendements au cours des dernières années les incitera probablement à forfaitiser davantage.

  • Julia Kowalczyk

    Bonjour Pierre,

    Je suis d’accord sur le fait que les compagnies sont en train de revenir vers le voyage à forfait mais je pense qu’elles vont y revenir sous une forme plus moderne : le package dynamique.

    On l’a vue en Europe, les low cost easyJet et Ryanair proposent à leurs clients bien plus que la réservation d’un simple vol grâce à des partenariats qui permettent de proposer sous forme de package dynamique assurances, hébergement et location de voiture.

    Le modèle marche si bien que les revenus additionnels (ou ancillary revenues) qu’elles génèrent représentent aujourd’hui plus de 20% de leurs CA (source : rapports annuels des compagnies). Elles font rêver les compagnies régulières avec ce modèle, et à leur actuelle on voit plusieurs compagnies s’y essayer sur leurs sites : Air Canada, Delta, British Airways, KLM…

    D’ailleurs, le système est d’or et déjà en train de se consolider avec quelques SSII spécialistes (iSeatz, OpenJaw, CarTrawler…) et les GDS qui annoncent des développements pour leurs clients compagnies aériennes et agences de voyages.

    Julia Kowalczyk
    http://www.kraukoblog.fr

  • Roland Schegg

    Nos études sur la distribution des hôtels en Suisse montrent une situation un peu différente :

    Les canaux de vente directe entre l’entreprise et le client (téléphone, fax, walk- ins, courriel, formulaire Web, réservations en temps réel sur propre site) restent les moyens de distribution dominants dans l’hôtellerie suisse. Entre 2008 et 2010, ces canaux, contrôlés directement par l’hôtelier et qui n’engendrent que très peu de coûts de commission, ont baissé entre 2008 et 2009 de 75,4% à 71,1% de toutes les réservations.

    Aujourd’hui plus de la moitié des réservations (55,9%) dans l’hôtellerie suisse sont traitées via des canaux électroniques (courriel, formulaire Web, réserva- tions en temps réel sur les sites des hôtels, plates-formes Internet de réserva- tion, GDS). Le courriel avec 25,7% est le canal dominant dans ce contexte.
    Les réservations directes sur le propre site Internet sont à 4,9% des ventes (+0,5% de plus que 2009). Au total, les réservations en ligne directes avec vérification des disponibilités et paiement par carte de crédit représentaient une réservation sur cinq en 2010 pour les entreprises de notre échantillon (site Web hôtel 4,9%, GDS 1,4% et IDS 13,6%), ce qui signifie une augmentation de 2,9% par rapport à 2009 et de 7,8% par rapport à 2008.

    Les ventes via les canaux traditionnels (30,2%) comme téléphone, lettre ou fax et les offices de tourisme (6,2%) diminuent ou stagnent.

    Les acteurs qui ont gagné des parts de marché sont les plates-formes Internet de réservation, en doublant le nombre de réservations en moins de 2 ans (de 5,7% en 2008 à 13,6% en 2010).

    Booking.com, Hotel Reservation System (HRS), Switzerland Travel Centre (STC) et les centrales de réservation dans les destinations touristiques sont les systèmes les plus répandus dans l’hôtellerie suisse.

    Booking.com a un taux de pénétration de 90%. Pour 75% des entreprises cette plate-forme est importante à très importante pour leur distribution et semble être devenue le leader de la vente en ligne pour l’hôtellerie suisse.5

    Les réservations en ligne en temps réel (GDS, IDS, site Web hôtel) ont généré vraisemblablement 850 millions de francs en 2010 dans l’hôtellerie suisse. Les ventes directes (hôtel-client) génèrent environs 3 milliards de francs. Nous estimons que les hôtels suisses ont payé presque 160 millions de francs en commission, dont environ 90 millions pour les intermédiaires Web.
    Avec 70 millions de francs les plates-formes Internet de réservation (IDS) semblent en avoir le plus profité.

    Résultats : http://www.slideshare.net/Roli1219/tendances-dans-la-distribution-htelire-en-suisse-hes-so-valais-et-hotelleriesuisse-2011

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