La course autour du monde… les compagnies de croisières diversifient leurs itinéraires
L’offre mondiale des compagnies de croisières ne cesse de se diversifier et rejoint maintenant la plupart des régions du monde. L’Europe réussit toutefois à se démarquer grâce à la création d’itinéraires et à une forte demande de la clientèle européenne. Non seulement les dernières générations de navires bonifient l’expérience, mais elles permettent aussi de nouveaux axes de développement. Les prévisions indiquent une croissance globale de la capacité, et ce, d’ici à 2025. Que nous réserve l’avenir? Quelles sont les stratégies de déploiement utilisées par les compagnies?
L’Europe en vedette
L’Amérique du Nord est depuis plusieurs années la destination croisière la plus populaire, notamment grâce aux itinéraires dans les Caraïbes, en Alaska et au Mexique. Or, la clientèle manifeste un intérêt grandissant pour les itinéraires européens (Méditerranée, mer Baltique et Europe du Nord), non seulement les Américains, à la recherche de nouvelles destinations, mais également les Européens, de plus en plus nombreux à prendre la mer. Carnival Corporation*, la plus importante compagnie de croisières au monde, diminuera sa capacité en Amérique du Nord d’ici 2012, au profit d’une présence accrue en Europe (tableau 1).
Tableau 1 – Part de marché en fonction de la capacité de Carnival Corporation en Amérique du Nord et en Europe de 2009 à 2012 par rapport à la capacité mondiale
* Carnival Corporation est propriétaire d’Aida, de Carnival Cruise Lines, de Costa Cruises, de Cunard Line, de Holland America, d’Ibero Cruceros, d’Ocean Village Holidays, de P&O Cruises, de P&O Cruises Australia, de Princess Cruises et de Seabourn Cruise Line.
Carnival Corporation n’est pas la seule compagnie de croisières à bonifier son programme d’itinéraires européens pour l’année 2011. En voici d’autres.
- Norwegian Cruise Line y enverra sa plus récente acquisition, le Norwegian Epic, entre les mois de mai et d’octobre.
- Princess Cruises y déploiera sept navires; une première pour cette compagnie.
- Holland America programmera aussi sept navires, un de plus qu’en 2010.
- Royal Caribbean adopte la même stratégie en y proposant 11 de ses 22 navires.
Ces exemples démontrent qu’il ne s’agit pas d’une stratégie unique mise de l’avant par une compagnie, mais bien d’une tendance qui touche toute l’industrie.
Que nous réserve l’avenir?
Tony Peisley, auteur de l’étude Cruising at the Crossroads parue en mai 2010, a établi des prévisions jusqu’en 2025 en ce qui a trait au nombre de lits disponibles et au nombre de passagers (tableau 2).
Tableau 2 – Prévisions mondiales du nombre de lits disponibles et du nombre de passagers de 2009 à 2025.
Selon ces prévisions, on remarque que les taux de croissance de l’offre et de la demande auront tendance à demeurer en deçà de ce qu’ils étaient dans les années précédentes, soit entre 7% et 8%.
Le développement de la flotte
Les nouvelles générations de navires sont venues bonifier l’offre globale. Que l’on pense à la classe Oasis de Royal Caribbean, au Norwegian Epic de NCL ou à la classe Solstice de Celebrity, ces navires redéfinissent complètement le produit. La proposition variée de restaurants, de bars et de lieux de divertissement, de glissades d’eau, de comédies musicales, l’alliance avec les productions Dreamworks, la présence de boutiques Apple ou de Starbucks en sont des exemples.
On assiste également à la création de sections exclusives à l’intérieur d’un navire. Cette pratique nommée, en anglais, a ship within a ship, consiste pour les compagnies, dites contemporaines, à créer des sections plus luxueuses avec un accès restreint. Ainsi, des espaces sont réservés aux clients qui auront acheté une croisière de catégorie supérieure, qui comprend même parfois une section exclusive de la plage lors de l’escale.
D’ici les prochaines années, Peisley affirme qu’il serait surprenant de revoir la commande de navires de type Oasis, pouvant recevoir plus de 5400 passagers, principalement en raison des limites que posent ces paquebots lors du développement des itinéraires. En effet, la plupart des installations portuaires en Europe ne sont pas en mesure de recevoir ces géants des mers. Sans compter que le financement des nouvelles constructions devient un enjeu de plus en plus important et qu’il est difficile de financer ces navires de plus d’un milliard de dollars américains.
À la lumière des différents carnets de commandes des compagnies, on observe que les navires dédiés aux catégories contemporaines et prémiums dominent les réservations. Ceux-ci contiennent 3000 passagers en moyenne.
Les stratégies de déploiement
Chaque compagnie agit différemment sur la scène internationale. Traditionnellement, Carnival Cruise Lines privilégie l’Amérique du Nord. Elle y déploie d’ailleurs actuellement 19 de ses 22 navires. À l’inverse, Royal Caribbean a choisi une stratégie plus globale.
Lors de la conférence Sea Trade Med, tenue à Cannes en décembre 2010, John Tercek, vice-président du développement commercial chez Royal Caribbean, donnait un exemple intéressant de la stratégie de déploiement utilisée.
L’arrivée d’une nouvelle classe de navires influe sur la planification des itinéraires comme le démontre le schéma ci-dessous.
Figure 1 – Stratégie de déploiement, Royal Caribbean
Il y a dix ans, le déploiement des navires influençait la demande, aujourd’hui on assiste à la situation inverse. L’augmentation importante de la demande européenne incite les compagnies à y enrichir leur programmation. À titre d’exemple, le marché voit de plus en plus en saison hivernale des navires sur la Méditerranée.
Historiquement, les courts itinéraires (3 à 5 jours) étaient offerts en majorité dans la région des Caraïbes; les Américains ayant moins de vacances que les Européens, le produit était ainsi mieux adapté à leurs besoins. Cependant, la moyenne de la durée des croisières en Europe tend à diminuer avec le temps, preuve que les compagnies veulent diversifier leurs produits. Par ailleurs, la durée d’un itinéraire influe considérablement sur le coût du carburant utilisé. Pour cette raison, Celebrity Cruise a modifié la durée de ses itinéraires au Royaume-Uni, les faisant passer de 16 à 12 jours.
L’ouverture des Européens pour le produit croisière est récente, de nombreux spécialistes comparent la situation actuelle à celle des États-Unis dans les années 1980 et 1990. Est-ce une menace pour le Québec? La diminution du nombre d’itinéraires en Amérique du Nord pourrait en être une. Or, l’intérêt croissant des Européens pour les croisières (principalement les Français, les Allemands, les Britanniques, les Italiens et les Espagnols) pourrait également représenter une opportunité, car ils aiment déjà le produit touristique québécois. Comme la notoriété des croisières est encore faible dans cette région du monde, il reste encore beaucoup à faire pour y vendre le fleuve Saint-Laurent en tant que destination.
Analyse rédigée dans le cadre de la veille thématique réalisée pour le ministère du Tourisme du Québec.
Sources:
– BOND Mary, Still Growing, Mediterranean Overview, Seatrade Cruise Review, décembre 2010, p. 51.
– 2010 CLIA Cruise Market Overview, Cruise Line International Association, inc.
– PEISLEY Tony, Cruise at the Crossroads: Could regulators succeed where the global economic crisis failed and put an end to growth, Seatrade Communications Ltd, mai 2010.
– TEREK John, Port Development, présentation réalisée dans le cadre de Sea Trade Med, Cannes, 30 novembre 2010.
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La bonne nouvelle est que les croisières «en eaux froides» (Baltique, Europe du Nord) sont en croissance; comme les croisiéristes sont une clientèle répétitive, on peut espérer que les croisières dans le St-Laurent augmenteront…surtout si un circuit vers le Labrador se développe comme celui vers l’Alaska, avec un petit arrêt en France (St-Pierre&Miquelon)!
Votre étude est très intéressante. Toutefois, dans le choix des itinéraires, les croisièristes prennent en compte à la fois les aspects marketing de la demande que le risque pays. C’est ainsi que Costa croisières, par exemple, lors des récents événements, à décidé de suspendre des escales au Barhein, en Tunisie, en Lybie et en Israël. Naturellement, le Canada, fort heureusement, n’est actuellement pas concernée par le risque-pays, et peut donc devenir une destination de plus en plus attractive.
La région Asie-Pacifique est toujours en position d’outsider au regard des volumes proposés, néanmoins, forte progression vers l’Australie et la zone mélanésienne.
Et avec les règlementations dans les tuyaux pour le fuel low-sulfur, le Pacifique Sud et Asiatique ont des cartes à jouer dans la décennie qui vient, non ?
Les régions de l’Asie et de l’Australie font définitivement partie des orientations futures des compagnies de croisières, et ce, à deux niveaux. D’abord afin d’offrir aux Américains et aux Européens de nouveaux itinéraires, mais aussi afin de développer de nouvelles clientèles. Vous avez raison de mentionner que les volumes générés dans ces régions sont plutôt faibles, cependant certains experts soutiennent que le marché asiatique pourrait atteindre les sept millions de passagers d’ici 2015. Chose certaine, l’Australie verra sa capacité totale augmenter de 25 % pour la saison 2011-2012 grâce à l’ajout de plusieurs itinéraires.