La « curation », un nouveau métier du Web?
Très bientôt, le contenu accessible sur Internet doublera toutes les 72 heures. Trouver une information pertinente deviendra une tâche encore plus ardue! En réponse à cette préoccupation, une pratique est en vogue depuis plusieurs mois sur le Web: la curation. On mise désormais sur l’édition et la diffusion plutôt que sur la création de contenu. En quoi consiste la curation? Quels en sont les outils? En quoi cette pratique est-elle utile pour le tourisme? Levons le voile sur ce concept…
Qu’est-ce que la curation?
Le terme anglais curator se traduit par conservateur dans le domaine de l’art. Pour Internet, on parle plutôt de content curator, c’est-à-dire d’«organisateur de contenu» ou d’«éditeur de contenu», à l’opposé du rédacteur qui crée de l’information sur le Web (voir image). Dans le milieu, on traduit ce concept par le terme curation et on appelle celui qui en fait la pratique curateur, des traductions littérales des termes anglais. Dans cette analyse, nous recourrons plutôt aux termes équivalents français, soit organisation ou édition de contenu et organisateur ou éditeur de contenu.
Source: prezi.com
L’organisateur de contenu recherche l’information sur les réseaux sociaux ou dans les médias traditionnels, la sélectionne, la classe pour ensuite la partager à l’interne (site de l’entreprise, bulletin électronique) ou à l’externe (médias sociaux, blogue). Il peut enrichir ces informations en y ajoutant des commentaires.
Tout le monde fait de l’organisation de contenu sans le savoir, que ce soit en publiant un lien sur Facebook ou Twitter et en y intégrant un commentaire ou encore en émettant un avis sur TripAdvisor. Il manque cependant une étape cruciale, soit l’édition, qui consiste à créer une mise en page, renforçant de la sorte la lisibilité et la pertinence du contenu. De plus, une des caractéristiques de l’éditeur de contenu est son expertise sur un sujet précis, car les informations qu’il recherche sont ciblées selon une thématique.
Enfin, la raison de cette «agitation» autour de cette pratique réside dans la nouveauté des outils et des modes de visualisation.
Quels outils utiliser pour votre entreprise?
On distingue deux sortes d’outils d’organisation de contenu: ceux dont le contenu est généré automatiquement, qui s’apparentent à des outils d’agrégation, et ceux dont le contenu est choisit par l’utilisateur. Certains outils permettent même d’éditer les informations.
Les plateformes se comptent par dizaines, mais quelques-unes ressortent du lot et peuvent être appliquées au domaine du tourisme.
- Outils d’édition de contenu manuels
Scoop.it, développé en France, compte 10 000 utilisateurs actifs. Cette plateforme se distingue des autres par le fait qu’elle offre la possibilité d’y inclure ses propres articles. Mathieu Bruc, responsable e-tourisme et e-marketing au Comité régional du tourisme d’Auvergne, a créé six espaces de veille et d’organisation de contenu collaborative sur Scoop.it, dont un sur les «meilleurs exemples de projets et campagnes [d’]e-tourisme» (voir image ci-dessous). Jean-Luc Boulin s’est quant à lui servi de cet outil pour diffuser l’actualité de «L’office de tourisme du futur».
Source: Scoop.it
Certains articles expliquent comment créer un compte sur Scoop.it. Après que l’utilisateur a défini le sujet avec des mots-clés, le système suggère des contenus publiés sur Twitter, les réseaux sociaux, YouTube, etc., et donne la possibilité de changer le titre, la photo et d’y inclure des commentaires.
Pearltrees symbolise chaque page de contenu par une perle. Les perles sont reliées par des branches représentant des thématiques. Avec 10 millions de pages vues par mois, Pearltrees a atteint 100 000 utilisateurs en avril 2011.
Source: Pearltrees
Montage, de Microsoft, propose à l’internaute de créer son propre magazine thématique avec divers contenus générés par Bing. Ceux-ci sont mis à jour en temps réel, mais il est possible d’ajouter des sources.
Source: Montagne
- Outils de publication automatique
C’est une solution parfaite pour une entreprise ayant peu de temps à allouer à l’organisation de contenu.
Paper.li permet d’intégrer automatiquement les contenus publiés sur Twitter et Facebook ainsi que ceux des personnes suivies et des amis. Édouard Lambelet, cofondateur, explique que 70% des 15 millions d’articles partagés chaque jour proviennent de médias traditionnels. Ces derniers semblent d’ailleurs s’y intéresser, puisqu’un important média américain – qui tient à ce que son nom reste secret – compte bientôt l’utiliser…
Source: Paper.li
Curated.by organise les contenus des personnes que vous suivez sur Twitter et sont visibles par thématique. Son moteur de recherche interne est cependant peu performant.
Si vous n’arrivez pas à vous décider, voici une infographie qui vous guidera dans votre choix.
Source: curiouser.fr
Soulignons certaines limites de ces outils. D’abord, ils sont nombreux en version bêta, ce qui oblige l’internaute à attendre un ou deux jours avant de recevoir l’invitation pour ouvrir un compte. De plus, la plupart des outils de manuels ne disposent pas de moteur de recherche interne, à l’exception de Pearltrees; et dans certains cas, il est impossible de suivre d’autres comptes.
Quels bénéfices pour le tourisme?
L’organisation de contenu capte l’attention des voyageurs «hyperinteractifs», connectés en tout temps, engagés et informés, qui recherchent continuellement de l’information pertinente et qui sont exposés à une multitude de messages marketing parmi une variété de canaux.
Sur la pyramide de la marque engagée d’Altimeter, l’organisation de contenu pointe au sommet et semble être un moteur de recommandation.
Source: Trinity Advise
Selon Jean-Luc Boulin, c’est une occasion à saisir pour les offices de tourisme, les prestataires et les DMO. Les professionnels devraient prendre les commandes de ces outils pour aider l’internaute à ne pas se perdre dans l’océan d’informations liées aux destinations, aux produits et aux activités touristiques provenant des différents médias (articles de presse, blogues, portails des destinations, sites de commentaires, Twitter, Facebook, etc.).
En fait, il s’agit surtout d’un outil très intéressant pour la veille concurrentielle. À la différence d’un veilleur, l’éditeur de contenu n’est pas encore présent dans les entreprises. Pour ces dernières, c’est alors une ressource gratuite, d’autant plus efficace pour des sujets pointus. Ainsi, suivre le compte d’un éditeur de contenu spécialisé dans les produits touristiques de niche permettrait à un voyagiste de s’informer sur les nouveautés; les DMO auraient la possibilité de surveiller les bonnes pratiques des destinations concurrentes en matière de campagnes de promotion, de stratégies marketing, etc. Les possibilités sont infinies…
Cette pratique fait de plus en plus parler d’elle aux États-Unis et suscite beaucoup de débats en France depuis la fin 2010. Les fondateurs de ces plateformes ont des projets d’expansion et d’amélioration en tête. Ils veulent par exemple créer une version professionnelle ou encore une application mobile. Il apparaît alors essentiel de s’y intéresser et de tester les outils développés. L’organisation de contenu reste pour l’instant une démarche personnelle, mais elle pourrait se professionnaliser, tout comme le community manager, et être présente dans l’industrie touristique.
Sources:
-A., Laeticia. «Agrégation vs Curation», celsamisc.wordpress.com, 8 janvier 2011.
-Boulin, Jean-Luc. «La formation continue au e-tourisme, pierre angulaire de la professionnalisation des organismes de tourisme», Revue Espaces, no 290, mars 2011.
-Boulin, Jean-Luc. «Content Curator, le veilleur nouveau est arrivé…», etourisme.info, 10 janvier 2011.
-Bruc, Mathieu. «6 espaces de veille et curation collaborative», Blog-etourisme.com, 7 mars 2011.
-Decugis, Guillaume. «L’ère des “curators” aurait-elle sonné?», Techcrunch.com, 25 novembre 2010.
-Méli, Benoît. «La curation sociale, un modèle pertinent de production de contenus?», journaldunet.com, 6 avril 2011.
-Starkov Max et Mechoso Safer Mariana, «The Future is Now: The Emergence of The Customer Engagement Channel in Hospitality», 9 mars 2011.
-Tran, Pierre. «10 raisons de s’intéresser à la curation», pro.01net.com, 10 mars 2011.
-Trinity Advise. «Curator, le nouveau buzz & community manager?», 30 décembre 2010.
-Vie, Marie-Laure. «La curation: le web organisé par les utilisateurs», 9 février 2011.
-Vie, Marie-Laure, «Curation: quelle valeur pour les entreprises, les médias, et sa “marque personnelle”?», février 2011.
Sites Web:
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Bonjour Aude,
Merci d’avoir mentionné Pearltrees dans votre présentation. Merci aussi de proposer une traduction française au mot « curation ». Je souscrit tout à fait au verbe éditorialiser.
Une remarque toutefois en ce qui concerne Pearltrees, il est possible d’y faire des équipes pour éditorialiser à plusieurs ses centres d’intérêts. C’est pratique pour travailler à plusieurs, préparer des vacances, ou vivre une passion à fond.
Merci Aude pour ce billet et la citation appréciée.
Comme vous le soulignez la curation fait débat en France avec à la tête des plus fervents décrieurs quelques blogueurs de renoms qui voient dans la curation le « vol de contenus » et la course au « personal brading » des curateurs. Qu’en est-il de ce débat de l’autre côté de l’Atlantique, est ce un débat uniquement franco-français ?
Bonjour Mathieu,
Merci pour votre commentaire!
Les outils d’édition de contenu sont peu utilisés au Québec, seul Paper.li semble être populaire. Conséquence ou non de cette faible adhésion, le débat auquel on assiste en France n’a pas lieu ici. Cependant, cette pratique fait beaucoup parler d’elle chez nos voisins américains, mais je ne pourrai dire si la contestation est présente…
Votre analyse est d’actualité. Je fais partie d’une génération qui peut être considérée comme étant dépassée par les événements (entendez par le net). Dans une des analyses parue dans le réseau on a à juste titre mis l’accent sur le fait que même les « marketeur » n’ont plus aucun pouvoir sur le message du fait de la levée de tous les interfaces qui, avant, ponctuaient la relation client/offre. Le sens de mes propos vont vers les notions que vous avez développées. « Curator, Content curator, organisteurde contenu, éditeur de contenu »…Nous sommes devant un phénomène d’inflation en terme d’information. On s’y perd. Toutes les informations, tous les contenus sont bons à prendre. Quoi faire ? Comment procéder ? Quel est le seuil audelà duquel on transgresse le droit d’auteur ? C’est un dilemme. Et les nouvelles techniques que vous évoquez viennent pour rendre la perpspective encore plus tentante mais en même temps encore plus aléatoire. Tout compte fait ne sommes nous pas à la veille d’une ère ou tout sera permis et ou la fiction viendra se confondre avec la réalité.
En tous les cas j’ai apprécié votre analyse et vous en remercie vivement.
Merci pour votre commentaire et votre point de vue!