Des changements majeurs pour les marchés touristiques du monde
La récession de 2009 et la reprise hésitante de 2010 marquent un tournant dans le secteur des voyages touristiques à travers le monde. Perçus comme de nouvelles destinations concurrentes sur le marché touristique global, les pays émergents deviennent les moteurs de la croissance des voyages de loisirs. Les séjours domestiques ont continué de progresser malgré la crise de 2009 (2,8%). Quant aux voyages de loisirs internationaux, ils ont chuté de 4% en 2009 pour rebondir de 5% en 2010.
Ce sont quelques faits saillants d’un rapport sur la résilience du tourisme de loisir publié en mai 2011 par Euromonitor International. Par «voyages de loisirs», Euromonitor entend les voyages d’agrément, les visites de parents et d’amis et les autres buts de voyage qui ne concernent pas les affaires.
Les pays émergents soutiennent la croissance des voyages
En 2010, les pays de l’Asie-Pacifique ont accaparé 39% des voyages de loisirs domestiques et internationaux confondus. L’Amérique latine a pris 10,8% de ce type de voyages, l’Amérique du Nord 22%, et l’Europe de l’Ouest 18,3% (voir figure 1).
La Chine (76,6 millions), l’Inde (70,9 millions) et le Brésil (48,2 millions) affichent la plus grande augmentation du nombre de voyages en 2010. Moins touchés par la récession, ces pays comptent de plus en plus de citoyens qui ont les moyens de voyager pour la première fois; ils choisissent d’abord de visiter leur propre pays, mais ils s’ouvrent aussi aux voyages internationaux.
L’augmentation du revenu disponible est un indice marquant de la croissance des voyages dans un marché. L’Inde et le Brésil sont les grands champions de 2010 à cet égard, ayant atteint un taux de croissance de 27,8%, suivis de près par l’Indonésie et l’Australie.
D’ici 2015, Euromonitor prévoit une croissance annuelle des voyages de loisirs domestiques se situant entre 4% et 5%, alignée sensiblement sur celle du PIB et du revenu annuel disponible. Les arrivées internationales devraient croître de 0,5% à 1% de moins que les voyages domestiques. Comme en 2010, les pays émergents devraient soutenir l’augmentation.
Des résultats surprenants aux États-Unis
En 2010, les États-Unis ont connu une hausse absolue de 30,1 millions de voyages de loisirs domestiques et d’arrivées internationales, occupant ainsi le 4e rang mondial. Prudents devant l’économie vacillante, les Américains sont plus soucieux du coût de leurs vacances. Ils restent plus près de chez eux. Les voyages domestiques y représentent 90% des voyages de loisirs et ont augmenté de 2% en 2010.
Les arrivées internationales sont en hausse de 8% la même année. Cette hausse est surtout attribuable aux touristes des pays émergents, notamment du Brésil. Le taux de change favorable et l’attrait exercé par les États-Unis auprès des nouveaux voyageurs contribuent à cette performance.
Une période difficile pour l’Europe de l’Ouest
Les dépenses touristiques de loisirs ont connu un déclin de l’ordre de 3% en 2010 dans l’Europe de l’Ouest. Les voyagistes proposent davantage de forfaits vacances en dehors de la zone euro à des consommateurs sensibles aux prix. Les voyages domestiques en souffrent.
Tout de même, la France a gagné 7,3 millions de voyages de loisirs en 2010; elle se situe au 7e rang mondial sur ce plan. L’infrastructure touristique particulièrement développée et attrayante en Europe, tout comme celle de l’Amérique du Nord, stimulera les arrivées internationales en provenance des pays émergents.
Une sensibilité accrue au prix
La crise a accentué la sensibilité des touristes à l’égard de ce qu’ils reçoivent pour l’argent qu’ils dépensent. Cette situation favorise les destinations où le coût de la vie est plus bas ou ayant une devise plus faible. La vente des forfaits vacances jouissant d’une meilleure perception qualité-prix a mieux résisté à la récession et devrait recouvrer son niveau d’avant la crise dès 2011. Euromonitor anticipe une croissance de 15,6% de 2010 à 2015 pour la valeur des ventes de forfaits vacances.
Un défi pour le Québec touristique
La conjoncture mondiale et l’évolution des flux touristiques ne sont guère favorables au Québec. Les pays émergents d’Asie, qui nourrissent la croissance du tourisme international, sont très éloignés. Les Américains prennent davantage leurs vacances dans leur pays; leurs voyages de loisirs au Québec ont reculé de 32% depuis 2002 et stagnent depuis 2008. Les arrivées d’Europe de l’Ouest en 2010 sont de 6,2% inférieures à celles de 2008 pour les 6 principaux marchés (France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Suisse et Belgique).
Le taux de change actuel nuit au tourisme domestique; les visiteurs québécois ont dépensé une somme record de 4,167 milliards de dollars hors du Canada en 2009, soit 33,7% de plus qu’en 2004. C’est une ponction lourde sur le portefeuille disponible des dépenses de voyage.
Jean-Marc Eustache, dans une allocution récente, a rappelé que le Canada (voire le Québec) est une destination peu compétitive sur le plan du prix, ce qui rend la vente de forfaits très difficile.
On ne peut donc s’étonner que les résultats récents du Québec en matière de croissance soient inférieurs à la moyenne mondiale (voir tableau 1).
Par rapport aux tendances des marchés, le Québec doit:
- Porter une attention particulière à son marché domestique, surtout à celui des autres provinces canadiennes qui a bondi de 29,4% en 2010.
- Établir une stratégie pour les pays émergents. Devançant le Japon, le Brésil est entré en 2010 parmi ses dix marchés internationaux importants. Les voyages en provenance de Chine ont doublé depuis deux ans au Québec et crû de 22% dans les 7 premiers mois de 2011 au Canada.
- Continuer de miser sur les pays de l’Europe francophone. Le Québec y jouit d’une aura particulière toujours porteuse d’avenir. La remontée récente de 7,2% des voyages en provenance de France au Canada dans les 7 premiers mois de 2011 semble confirmer la pertinence d’une telle orientation.
Sources:
– Commission canadienne du tourisme. «Tourisme en bref», juillet 2011. Euromonitor International. «The resilience of leisuretravel», mai 2011.
– Jean-Marc Eustache de Transat A. T. Inc. «Allocution du 12 octobre 2011 à l’Association des MBA du Québec».
– Ministère du Tourisme du Québec. «Le tourisme en bref», 2002, 2008, 2009, 2010.
– Ministère du Tourisme du Québec. «La balance touristique internationale en 2009», 2011.
Henri Chapdelaine – Consultant senior Union V |
Détenteur d’une maîtrise en aménagement du territoire de l’Université d’Ottawa et d’une licence en géographie de l’Université Laval, Henri Chapdelaine a mené une carrière de 36 ans dans les domaines du développement économique et touristique au gouvernement du Québec.S’étant joint au ministère du Tourisme en 1985, il a occupé divers postes d’encadrement, notamment comme directeur général du développement, directeur général de la recherche et de la planification et directeur général des services aux clientèles touristiques. Il a été responsable du développement du système de gestion de la destination BonjourQuébec.com.Depuis sa retraite en 2007, il agit comme consultant senior. En 2011, il fait partie de l’équipe de l’entreprise Vecteur 5 et il a fondé sa propre entreprise de communications, Union V. |
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Journaliste camerounais spécialisé au tourisme, je présente une émission de tourisme sur une radio dans la ville de Yaoundé au Cameroun. Desinformations touristiques, fraîches et croustillantes sur le tourisme international me sont très utiles. Je vous remercie d’avance de les mettre à ma disposition.