Les sondages: nouvelles réalités, nouveaux enjeux
Un bon ou un mauvais sondage? Telle est la question principale posée à trois panélistes autour d’une table ronde lors du Symposium sur les mesures de performance et les contributions économiques du tourisme, organisé par la Chaire de tourisme Transat de l’ESG UQAM, tenu au Palais des congrès de Montréal les 24 et 25 septembre dernier. Cet outil est-il toujours le meilleur moyen pour connaître, comprendre et mesurer les diverses facettes du tourisme? Est-il efficace? A-t-il, doit-il ou peut-il évoluer? Ces questions ont ouvert la voie aux discussions animées par Denis Brisebois, associé et directeur de DAA Stratégies; autour de la table: Jean Moscarola, fondateur et directeur scientifique de la société Sphinx-Développement, Élaine Plamondon, directrice du Développement touristique et du Service des loisirs, de la culture et de la vie communautaire de la Ville de Bromont et Luc Durand, président d’Ipsos Québec.
Les principales forces et faiblesses du sondage
Dépenses touristiques, durée de séjour, transports utilisés, profil et origine des visiteurs, motifs de voyage, activités pratiquées, médias consultés, satisfaction ou insatisfaction face au produit offert, intentions de voyage, etc. Toutes ces données et informations critiques à la prise de décision en tourisme proviennent d’enquêtes menées auprès des visiteurs à destination ou des clientèles ciblées sur les marchés. Le sondage demeure un outil privilégié pour récolter ces informations, les traiter et en tirer des enseignements que l’on veut utiles, fiables et fondés scientifiquement, souligne M. Moscarola. Toutefois, la mise en place de systèmes d’observation en continu ou de suivis des comportements en ligne est encore meilleure. Mme Plamondon rappelle, quant à elle, que le sondage doit être combiné à d’autres méthodes de collecte d’informations, car la rapidité de la prise de décision et d’exécution constitue un enjeu majeur.
Quelques forces du sondage, selon Mme Plamondon:
- son coût inférieur à celui d’un recensement systématique de l’ensemble des clients;
- la disponibilité de plusieurs outils pour atteindre les sondés potentiels: par téléphone, sur place, par Internet;
- la possibilité de mesurer l’écart entre les perceptions de l’entrepreneur et celles de ses clients. Cet écart permet d’affirmer ou d’infirmer ces perceptions;
- permet de prendre des décisions éclairées;
- permet de déceler rapidement les forces et les faiblesses de l’organisation.
Et certaines faiblesses que les panélistes n’ont pas manqué de faire ressortir, entre autres:
- son coût souvent élevé peut aussi devenir une contrainte. Ainsi, une petite organisation n’a pas nécessairement les ressources financières ni humaines requises pour effectuer le sondage;
- la longueur du processus: mise en place, récolte des données, interprétation, etc. qui fait en sorte que les résultats parviennent parfois un an plus tard;
- il permet d’appréhender seulement des éléments mesurables, ce qui risque de limiter la prise d’information à des éléments comptabilisables ou économiques;
- il peut devenir très illusoire et trompeur si on l’applique de manière dogmatique à des éléments relatifs aux perceptions, comme la satisfaction par exemple;
- il procure un portrait donné (photo) dans des circonstances et à un moment précis qui ne sont pas toujours garants de l’avenir;
- il mesure des éléments qu’on a déjà identifiés et qu’on veut vérifier, rien de plus.
Qu’en est-il de la représentativité?
Pour être efficace, le sondage doit être lié à des objectifs clairs et suivre une bonne méthodologie afin d’assurer sa représentativité. Selon Luc Durand, il s’agit de l’élément le plus important lorsqu’on sonde une population. De nos jours, avec les nouvelles technologies comme l’Internet, il est de plus en plus facile de joindre différents types de répondants, notamment les jeunes. Cependant, il faut se méfier. M. Moscarola souligne que les taux de réponse de plus en plus faibles des enquêtes grand public effectuées via le Web deviennent une importante source de biais. La consultation de panels administrés est une solution pour répondre aux exigences de taux de réponse et de représentativité, avec toutefois les risques de l’usure et de la standardisation provoqués par la «professionnalisation» des répondants.
La technologie au service des sondeurs?
Il est vrai que les innovations technologiques sont très nombreuses et spectaculaires; tout devient possible, facile et gratuit. La technologie ouvre de nouvelles possibilités pour administrer les sondages, mais les firmes spécialisées telles Ipsos ne délaissent pas pour autant les contenus méthodologiques et les méthodes de prévision, souligne Luc Durand.
«De nouveaux professionnels venus du Web et de l’informatique proposent des approches novatrices souvent séduisantes, mais ignorent parfois la rigueur méthodologique qui caractérise les approches classiques», mentionne M. Moscarola. Un équilibre doit s’instaurer entre l’exigence méthodologique et l’exploitation des possibilités offertes par les nouvelles technologies. Attention au mauvais usage des Survey Monkey de ce monde!
Et les résultats dans tout ça?
La crédibilité des résultats obtenus semble de plus en plus souvent remise en question: un paradoxe, selon M. Moscarola! Juger des conclusions d’un sondage en termes de crédibilité c’est accepter que les croyances ou les idées préconçues soient vraies et reflètent la réalité. Or, ce qui justifie le coût d’un sondage, c’est soit l’incertitude ou le regard critique portés sur les évidences factuelles, soit le souhait de découvrir des opinons ou des appréciations insoupçonnées. Pour échapper au paradoxe, il faut d’excellentes méthodologies.
Mme Plamondon mentionne, quant à elle, qu’il est erroné de prendre les résultats d’un sondage comme le reflet parfait de la réalité. «Les gens disent ce qu’ils veulent bien dire. Ils disent aussi ce qu’ils croient à un moment précis. Cela n’est pas garant de ce qu’ils penseront demain ou la semaine prochaine». En fait, le sondage est un outil de mesure. Pour comprendre, il existe d’autres outils, comme le faisait remarquer Luc Durand.
De plus en plus souvent, les sondés se voient offrir un incitatif pour répondre au sondage, un élément parfois incontournable, selon MM. Durand et Moscarola; par exemple, lorsque le questionnaire est très long et qu’il s’adresse à peu de gens. Mais si tel est le cas, l’incitatif ne doit pas créer de biais (p.ex. : donner une passe de saison de ski dans une station X pour répondre à un sondage sur le ski).
Les enquêtes ludiques: pour explorer et stimuler, communiquer autant que mesurer
M. Moscarola a mentionné la nécessité de considérer des approches novatrices aux sondages traditionnels compte tenu, d’une part, des nouvelles réalités du marché touristique (diversification et complexification de l’offre, changements de comportement des touristes, nouvelle donne numérique), et d’autre part, de la baisse des taux de réponses. Parmi ces nouvelles façons de faire: les enquêtes ludiques, qui mélangent les approches quantitative et qualitative, tiennent le haut du pavé. Elles permettent d’engager une conversation avec le répondant.
Dans l’exemple présenté par M. Moscarola, le sondage visait à savoir ce qui rend les stations de ski attrayantes. Plutôt que de présenter une série de questions, cette enquête proposait un «mur d’images ou de mots» exposant les différentes facettes d’un séjour dans une station de montagne (voir l’image). Le sondé n’avait qu’à choisir celles ou ceux correspondant le mieux à ses goûts et à ses préférences.
Il était ensuite invité à expliquer son choix et à raconter un souvenir de vacances lié aux images ou aux mots sélectionnés. Cette façon de faire stimule le discours et offre des données textuelles de qualité.
Les réponses, de nature quantitative et qualitative, sont reportées sur un axe, puis analysées; novateur n’est-ce pas?
Ce type d’enquête est-il promis à un bel avenir? Qu’en pensez-vous?
Source:
– Chaire de tourisme Transat, ESG-UQAM. «Un bon ou un mauvais sondage? Nouvelles réalités, nouveaux enjeux», table ronde lors du Symposium sur les mesures de performance et les contributions économiques du tourisme, 25 septembre 2012.
Cliquez ici pour visionner la table ronde.
Obtenez ici la présentation de M. Moscarola.
Lire aussi:
Lessard, France. «Les entreprises touristiques au cœur du développement économique – cahier du participant au Symposium sur les mesures de performance et les contributions économiques du tourisme», 2012.
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