Le calcul des retombées économiques: où en sommes-nous?
Lors du Symposium sur les mesures de performance et les contributions du tourisme organisé par la Chaire de tourisme Transat en septembre dernier, Larry Dwyer, professeur à l’Australian School of Business de l’université de New South Wales, expert reconnu mondialement, a dressé le portrait des outils de mesure du tourisme et de l’économie. Sébastien Gagnon, de la Direction des statistiques économiques et du développement durable de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), a présenté le modèle intersectoriel du Québec et Jean-Marc Bergevin, président du Bureau d’études stratégiques et techniques en économique a exposé les pratiques utilisées au Québec.
Les principaux outils d’analyse du tourisme et de l’économie: définitions, forces et limites
Calculer l’importance économique du tourisme s’avère un exercice complexe. Il existe tout de même d’importants outils qui permettent de le faire; le choix dépendra du contexte. Voici les quatre approches présentées par M. Dwyer:
- les mesures de rendement, la principale étant les dépenses des touristes par séjour et par nuitée. Ces mesures permettent de mieux orienter les efforts de marketing en déterminant l’importance des divers marchés, mais elles ne permettent pas d’évaluer l’impact économique. Il s’agit d’un outil limité, mais qui revêt une certaine importance pour les PME;
- le compte satellite du tourisme (CST) permet d’analyser en détail tous les aspects de la demande de biens et de services qui provient des visiteurs et de décrire les interactions qui existent entre cette offre et les autres secteurs économiques. Il fournit des informations importantes sur les effets directs (mais pas indirects) de la consommation, ainsi que la valeur ajoutée des industries touristiques et des autres industries qui les servent, comme le transport aérien ou terrestre et l’hébergement, entre autres. Fait non négligeable, le CST favorise les comparaisons inter industries et pays et il peut aussi être développé à un niveau régional, ce qui est le cas en Australie où chaque État ou territoire possède un compte satellite, mentionne M. Dwyer. Retenons que le CST mesure la contribution du tourisme à l’ensemble de l’économie et non son impact;
- l’analyse d’impact économique retrace les flux de dépenses associés à l’activité touristique pour identifier les changements qui en résultent dans certaines variables économiques comme les ventes, la production, les revenus fiscaux gouvernementaux, le revenu du ménage, la valeur ajoutée et l’emploi. L’analyse d’impact économique requiert l’utilisation d’un modèle pour projeter les effets directs, indirects et induits de la demande sur l’économie de la province. Celui présenté par M. Dwyer est le Computable General Equilibrium (CGE). Ce modèle montre que les effets de la croissance du tourisme ne peuvent pas être prévus a priori. Il admet donc la création de scénarios à partir d’hypothèses («si») qui seront développés afin que les décideurs puissent mieux comprendre les effets économiques des différents changements qui affectent l’industrie touristique. Le modèle CGE peut donc évaluer l’impact de crises comme le SRAS, d’événements spéciaux tels que les Jeux Olympiques ou de certaines politiques économiques.
- l’analyse coûts-bénéfices (ACB) est la plus complète des techniques d’évaluation économique. Il s’agit d’un processus systématique qui vise à identifier et à évaluer les coûts et les avantages d’une proposition (projet, programme, politique) en termes monétaires. L’ACB est particulièrement importante dans l’évaluation des politiques touristiques, des programmes, des règlements ou des projets de développement, car il existe souvent un compromis clair entre les avantages économiques et les coûts sociaux. Ainsi, les projets touristiques qui pourraient être économiquement avantageux peuvent être rejetés en raison de leur environnement défavorable et de leurs impacts sociaux. L’analyse coûts-bénéfices favorise donc l’utilisation efficace des ressources. Elle encourage une prise en compte claire de la véritable valeur ajoutée d’une proposition, en se concentrant sur les avantages nets supplémentaires.
Mieux comprendre le modèle intersectoriel de l’Institut de la statistique du Québec
Sébastien Gagnon présente en détail le modèle intersectoriel du Québec (MISQ) qui vise à mesurer les impacts de l’ensemble des dépenses touristiques réalisées au Québec. Cet instrument permet:
- de quantifier l’effet de certains changements réels, anticipés ou hypothétiques relatifs à l’économie québécoise comme ceux attribuables au secteur touristique;
- d’estimer la valeur ajoutée, l’emploi et les importations à partir de différents types de dépenses, aussi appelés chocs;
- d’estimer les revenus des gouvernements sous forme d’impôts et de taxes et les parafiscalités payées par les travailleurs salariés;
- de classer les impacts dans la chaîne de production selon qu’ils se retrouvent dans le secteur directement simulé (effets directs) ou chez les fournisseurs de ce dernier (effets indirects).
Les résultats produits par le modèle découlent de chocs liés à différents types de demandes initiales. Leur fiabilité est en étroite relation avec la qualité de l’information qui alimente le modèle.
Une analyse d’impact économique rigoureuse repose également sur la capacité d’interpréter les résultats obtenus en fonction des limites et des hypothèses inhérentes au MISQ; parmi ces limites:
- le modèle ne prend pas en considération la notion de temps. C’est un modèle statique, une photo;
- il ne permet pas de régionalisation;
- les relations intersectorielles et les parts de marché sont fixes et indépendantes du niveau de production des secteurs d’activité;
- il ne calcule pas les effets induits.
Pour plus de détails concernant le MISQ, vous pouvez consulter ce document.
Les études d’impact économique, de la théorie à la pratique
Comme le soulignait M. Bergevin, dans l’industrie touristique, l’étude d’impact économique vise souvent à orienter ou à justifier l’utilisation de fonds publics en permettant d’apprécier l’impact de dépenses sur certaines variables économiques.
Il s’agit en fait de calculer les impacts économiques qui n’auraient pas eu lieu dans la région, n’eut été de la tenue du festival et de l’événement (F&E). Ces impacts découlent des dépenses financées par de l’argent neuf, soit celui qui est dépensé dans la région par les visiteurs centrés, c’est-à-dire ceux dont le voyage s’est effectué en raison du F&E à l’étude. Ainsi, les dépenses des visiteurs dont le voyage n’a pas été motivé par le F&E à l’étude ne doivent pas être prises en compte dans le calcul des retombées économiques. Malheureusement, la méthodologie la plus utilisée au Québec inclut aussi la moitié des visiteurs venus partiellement pour le F&E. Elle comprend aussi toutes les dépenses d’organisation, qui elles, devraient se limiter à celles financées par les revenus associés aux dépenses des visiteurs centrés (p.ex. : les billets de spectacle). Cela fait en sorte que les décideurs disposent d’une information inadéquate pour mesurer la véritable contribution d’un festival ou d’un événement. M. Bergevin souligne à grand trait le besoin, pour la province, de mettre sur pied un guide méthodologique, reconnu et appliqué par tous, pour le calcul des impacts économiques.
Sources:
– Présentations dans le cadre du Symposium sur les mesures de performance et les contributions économiques du tourisme de la Chaire de tourisme Transat, Montréal, 24 septembre 2012:
– Bergevin, Jean-Marc. «Impact économique – théorie et pratique au Québec»
– Dwyer, Larry. «The calculation of economic spin-offs: an essential exercise, a necessary evil or a bubble waiting to burst?»
– Gagnon, Sébastien. « Le modèle intersectoriel du Québec»
Cliquez pour visionner les conférences:
Symposium 2012 – Les contributions du tourisme: des modèles et des méthodes de calcul revisités
Symposium 2012 –Le calcul des retombées économiques, où en sommes-nous: un exercice vital, un mal nécessaire ou un ballon à dégonfler?
Lires aussi:
Lessard, France. «Les entreprises touristiques au cœur du développement économique − cahier du participant au Symposium sur les mesures de performance et les contributions économiques du tourisme», 2012.
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