Valoriser une destination grâce à son histoire
Pour les voyageurs, difficile de ne pas avoir de contact avec l’histoire, tant elle marque le paysage et la culture des destinations. Voici un panorama du lien à tisser entre le passé et le tourisme…
Nombre de sites historiques constituent des attractions incontournables à visiter et deviennent même les symboles des destinations. Un voyage sans photo prise devant le Taj Mahal ou la pyramide de Khéops n’aurait pas la même saveur… Conscients de cette réalité, les professionnels doivent faire appel à la médiation culturelle afin de proposer une expérience de visite unique.
Une thématique attirante
C’est un fait, l’histoire séduit les touristes. Atout France avance que 57% des Français ont visité au moins un site patrimonial au cours des douze derniers mois. Selon l’Initiative fédérale-provinciale/territoriale sur le rapport culture/patrimoine et tourisme (ITFPT), 69% des Canadiens et des Américains en vacances cherchent à approfondir leur connaissance de l’histoire et de la culture du peuple visité. Au Royaume-Uni, le tourisme d’histoire génère 26,4 millions de livres sterling dans l’économie du pays (environ 42 millions de dollars). Cette somme, en augmentation depuis 2010, est particulièrement alimentée par les Britanniques qui visitent leur propre pays. Cependant, aux États-Unis et au Canada, la tendance est plus frileuse et les courbes plus instables. D’après Statistique Canada, le nombre d’Américains ayant visité un site historique au Québec a légèrement baissé entre 2006 (964 200 visiteurs, soit 45% des Américains au Québec) et 2011 (786 600, soit 43,9%). À l’inverse, l’intérêt de la clientèle d’outre-mer pour ce type de tourisme est croissant, car ils étaient 593 300 visiteurs en 2006 (54,41% des voyageurs d’outre-mer) et 649 000 (57,06%) en 2011 à s’y adonner.
69% des Canadiens et des Américains en vacances cherchent à approfondir leur connaissance de l’histoire et de la culture du peuple visité
Malgré le potentiel de ce créneau, l’histoire du Canada reste touristiquement peu mise de l’avant. Le directeur général de l’Association des musées canadiens déplore le fait «qu’on ne voit pas [l’histoire du Canada], on ne l’entend pas et elle tombe dans l’oubli chez la majorité des Canadiens». Pour faire face à cette problématique, James Moore, ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, a lancé au printemps 2013 une série d’initiatives, notamment la création de fonds et d’une bourse, ainsi que le lancement de la Semaine de l’histoire du Canada (du 1er au 7 juillet).
Il peut sembler difficile de concurrencer des attractions à la valeur historique évidente, mais tous les lieux ont un passé… Alors, quelle histoire raconter? Et comment l’aborder pour toucher le plus de visiteurs possible?
Comment bien raconter son histoire?
Il importe de bien définir son sujet. Le tourisme historique peut ainsi mettre en lumière des personnages célèbres, des événements et des lieux ou des sites historiques. Pour évoquer l’histoire d’une destination, Atout France propose trois angles différents:
- le défilement chronologique;
- le retour en arrière;
- la téléportation à un moment précis du passé.
Moins les traces de l’histoire sont visibles, plus l’effort de reconstitution et d’interprétation doit être grand. Pour bâtir le discours, il est important pour la destination:
Moins les traces de l’histoire sont visibles, plus l’effort de reconstitution et d’interprétation doit être grand
- d’évaluer le temps nécessaire à la visite et de l’afficher. La maîtrise du temps de visite passe aussi par la notion de rythme qui, idéalement, ne devrait pas retomber;
- de rester en cohérence avec l’histoire locale. Si les visiteurs arrivent avec leur propre imaginaire historique, ils sont aussi en quête d’authenticité. Cet imaginaire est bien souvent à l’origine de la visite, et la difficulté pour l’institution culturelle est de coller à la réalité historique, tout en alimentant la légende liée au site. De même, le passé ne doit pas être remanié afin d’être embelli;
- de s’adapter aux différentes clientèles. Le médiateur devient alors l’atout privilégié d’une expérience d’immersion dans l’histoire, centrée autour d’une visite plus humaine, plus vivante et plus accessible. La médiation permet de vulgariser le propos ou au contraire, de pousser plus loin la connaissance de visiteurs plus curieux, de personnaliser l’expérience, ce qui rend chaque visite unique, et de concilier divertissement et compréhension.
La mise en réseau des différentes attractions historiques entre elles et avec d’autres services touristiques permet la création d’un produit ou d’une destination touristique. Le réseau Chemins de l’Histoire Sud de France relie 23 sites témoins des traces de l’histoire dans la région autour d’une thématique commune, d’activités partagées et d’une promotion collective. De même, les guides Pas Sages combinent découvertes culinaires et patrimoniales des régions Franche-Comté et Bourgogne.
Source: La Région Languedoc-Roussillon
Finalement, une communication efficace constitue un élément indispensable dans la valorisation de l’offre historique. Le message doit être ludique et surprenant, tout en témoignant de la valeur scientifique du propos. L’annonce publicitaire de la visite-expérience en PRISON! au Musée québécois de culture populaire de Trois-Rivières laisse ainsi la parole à un ancien détenu et présente des images crues de la Vieille Prison, favorisant l’immersion immédiate du visiteur.
Source: Musée québécois de culture populaire
Initiatives inspirantes
Plonger dans l’histoire
Les reconstitutions historiques invitent les visiteurs au cœur du passé en leur faisant revivre une époque ou un événement marquants. La Jousting and Medieval Tournament Week organisée par l’Arundel Castle, en Angleterre, met en scène des joutes de chevaliers et transporte les spectateurs au cœur du Moyen Âge.
Crédit photo: Julia Claxton
Au Lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais, en Chaudière-Appalaches, des guides en costume incarnent les différents employés de la station de quarantaine. Le mémorial présente le nom des immigrants décédés sur l’île et invite les visiteurs à retrouver leurs ancêtres, créant un pont entre le passé et le présent.
L’objet médiateur
Le Vase qui parle, reproduction géante d’une pièce antique datant de 565 av. J.-C., utilise les nouvelles technologies pour transformer l’expérience muséale en une découverte interactive. En pointant un curseur sur la zone d’intérêt, le visiteur voit les personnages peints sur le vase prendre la parole pour raconter leur histoire.
Source: Vimeo
À New York, sur l’initiative du New Museum, des cabines téléphoniques présentent l’histoire de leur quartier. Il suffit de composer le 1-(855)-FOR-1993 depuis l’une des 5 000 cabines transformées pour l’occasion et de se laisser transporter dans les années 1990 en entendant un chômeur, une religieuse ou un historien raconter son quotidien en 1993.
Source: CLIC France
Le numérique au service du passé
Grâce à son application Streetmuseum, le Museum of London utilise la réalité augmentée pour proposer une visite de Londres à l’époque romaine. Les animations sonores et visuelles plongent le touriste dans l’ambiance de la ville en 120 apr. J.-C. Un aspect ludique complète l’application, puisque les utilisateurs peuvent se transformer en archéologues en grattant ou en soufflant sur leur téléphone intelligent afin de découvrir les vestiges de la cité antique.
Source: Atout France
Élément essentiel à la connaissance de la culture de l’autre, la mise en tourisme de l’histoire permet à une destination de lutter contre la saisonnalité en offrant un produit disponible à l’année et accroît le sentiment d’appartenance des populations locales. Bien que soumise à la contrainte de l’authenticité, elle laisse également une grande place à l’inventivité des promoteurs.
Image à la une: Julia Claxton
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Source(s)
– Atout France. «Histoire et tourisme. Nouveaux regards, nouveaux projets», Éditions Atout France, juin 2013.
– Club Innovation & Culture, CLIC France. «3D, réalité augmentée et application mobile pour revivre le Jour J», 25 juin 2013.
– Club Innovation & Culture, CLIC France. «Le « vase qui parle », un dispositif numérique de médiation innovant et itinérant », 4 juillet 2013.
– Club Innovation & Culture, CLIC France. «Recalling 1993 : le New Museum diffuse ses commentaires dans des cabines téléphoniques à remonter le temps», 21 mai 2013.
– Heritage Lottery Fund (HLF). «New research reveals heritage tourism boosts UK economy in tough times», 10 juillet 2013.
– Initiative fédérale-provinciale/territoriale sur le rapport culture/patrimoine et tourisme (ITFPT). «Cultural & Heritage Tourism. A Handbook for Community Champions», 2012.
– Patrimoine canadien. «Le ministre Moore annonce de nouveaux programmes en appui à l’histoire du Canada», 11 juin 2013.
– Statistique Canada. «Enquête sur les voyageurs américains», traitement spécial, 2006-2011.
– Statistique Canada. «Enquête sur les voyageurs d’outre-mer», traitement spécial, 2006-2011.
Sites Web:
– Fairmont Le Château Frontenac
– La Région Languedoc-Roussillon
– Lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais
Les exemples sont intéressants. Il est vrai que l’effort de médiation est très important pour faire apprécier les faits historiques aux visiteurs.