Hôteliers: ce que vous devez savoir sur les agences de voyages en ligne
Manque de transparence, taux de commission trop élevés, contrats inéquitables… Les agences de voyages en ligne font face à de nombreuses accusations de pratiques commerciales trompeuses.
Pour un hôtelier, vendre ses chambres par l’intermédiaire d’une agence de voyages en ligne présente de nombreux avantages. Néanmoins, certaines clauses figurant au contrat signé entre les deux parties sont parfois perçues comme abusives et anticoncurrentielles. Voici quelques éclaircissements.
Les OTA assurent un meilleur chiffre d’affaires…
Si les agences de voyages en ligne (OTA) séduisent autant les hôteliers, c’est parce qu’elles leur facilitent le travail en prenant en charge la commercialisation en ligne de leurs chambres. Ainsi, elles garantissent une visibilité à l’international, un meilleur taux d’occupation, une simplicité de réservation et de paiement, un service à la clientèle disponible 24h/24 et 7 jours/7, et une présence sur les appareils mobiles.
… mais utilisent des pratiques jugées controversées par certains
En France, Expedia a été condamnée en 2011 à payer plus de 400 000 euros d’amende pour pratiques commerciales trompeuses. Puis, en septembre dernier, la Commission d’examen des pratiques commerciales a statué de la non-conformité, de l’inégalité et de l’illégalité d’un certain nombre de clauses au contrat liant les hôteliers aux OTA.
La parité tarifaire
L’hôtelier doit offrir à une OTA le même tarif de chambre (pour une catégorie et une date données) et souvent les mêmes conditions de réservation et d’annulation qu’aux autres canaux de distribution, ainsi que sur son site Web. Cela concerne uniquement les tarifs et les promotions publiques, excluant les tarifs d’entreprises négociés.
Ce que cela veut dire:
- L’OTA ne peut pas proposer des tarifs moins élevés que ceux de l’hôtel, et vice versa.
- L’hôtelier ne peut pas afficher de promotion de dernière minute pour quelques chambres sans que l’OTA applique aussi le rabais sur tout son stock.
Ce qui peut arriver:
- L’OTA peut outrepasser cette parité tarifaire en ajoutant des frais de réservation avant de finaliser la transaction.
Les hôtels doivent alors s’assurer d’égaler les tarifs de leurs chambres affichés sur les sites des OTA en tout temps, que ce soit à la réception ou sur leurs sites Web ou mobile.
La parité de disponibilité
L’hôtelier doit fournir le même nombre de chambres à tous ses intermédiaires en ligne.
Ce que cela veut dire:
- Il ne peut pas choisir d’offrir moins de chambres sur les canaux où la commission est la plus élevée.
- Il y a des risques de surréservation si l’hôtelier ne contrôle pas ses inventaires.
Ce qui peut arriver:
- Certaines OTA imposent aux hôteliers de leur garantir un stock de chambres tout au long de l’année.
- Lorsque toutes les chambres ont été vendues, l’OTA affiche un message informant le client que l’hôtel n’est plus disponible pour ces dates, même si ce dernier a encore des chambres sur son site Web. Trivago vient d’apporter une modification à son message, qui sera désormais le suivant: «Pas de disponibilité sur Trivago pour cet établissement».
Le taux de commission
Les taux de commission exigés par les OTA peuvent représenter jusqu’à 30% du prix de la chambre. Cependant, Nicolas Korfage, directeur des opérations à l’Estérel Resort, dans les Laurentides, constate que les OTA sont un peu plus flexibles pour négocier ces taux depuis un an ou deux.
Ce qui peut arriver:
- Lors de l’inscription de l’hôtelier, certaines OTA demandent des avances sur les commissions pour des séjours qui n’ont pas encore eu lieu (voir la clause 2.4.4. du contrat de Booking.com).
Le référencement
Selon les termes de son contrat, Booking.com se réserve le droit d’utiliser le nom de l’hôtel dans ses campagnes de marketing en ligne, par courriel et pour l’achat de mots-clés sur Google AdWords. Néanmoins, cette clause n’est pas paritaire, puisque l’établissement ne peut pas se servir de la marque de l’OTA pour faire la même chose. Selon l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie, Booking.com dépense 600 000 dollars américains par jour en achat de mots-clés dans le monde.
Ce que cela veut dire:
- En s’appropriant le nom commercial de l’établissement, l’OTA se rend visible dans les résultats de recherche commandités lorsque l’internaute cherche le nom de l’hôtel sur Google. Le site de l’hôtelier est alors relégué vers le bas de la page s’il n’a pas payé pour figurer dans la zone publicitaire (voir l’image ci-dessous).
Ce qui peut arriver:
- Certaines OTA créent des microsites qui ressemblent à ceux des hôtels. Le client pense réserver en direct, ce qui n’est pas le cas (voir l’encadré rouge ci-dessous).
Source: Google.ca
De l’information trompeuse pour la clientèle
Les OTA interdisent aux hôteliers de communiquer avec leurs clients, que ce soit lors de campagnes marketing en ligne ou hors ligne. Afin d’éviter que ces derniers réservent en direct, ces sites n’affichent pas le numéro de téléphone de l’établissement.
Ce que cela veut dire:
- Expedia et Hotels.com affichent un numéro de téléphone sans frais différent pour chaque hôtel, mais ils transfèrent tous les appels à leur centrale de réservation. De plus, aucune mention du nom de l’OTA n’est faite par le standardiste.
Des classements biaisés
Le classement d’un hôtel sur le site d’une OTA n’est pas uniquement établi selon sa qualité ou les commentaires des clients
Le classement d’un hôtel sur le site d’une OTA n’est pas uniquement établi selon sa qualité ou les commentaires des clients. Plusieurs facteurs, mentionnés dans les contrats, influencent sa visibilité dans les résultats de recherche:
- le pourcentage de commission payé;
- le paiement régulier des commissions;
- le volume de chambres alloué;
- le taux de conversion (le nombre de réservations par rapport au nombre de visites sur la page de l’hôtel);
- le volume de vente;
- le nombre de plaintes de clients.
Ce qui peut arriver:
- Selon un reportage de l’émission française «Envoyé Spécial», l’insigne du pouce levé (voir l’image ci-dessous), assigné à un hôtel affiché sur Booking.com, est une mention trompeuse pour le client. Officiellement, il signifie que l’établissement offre un bon rapport qualité-prix et un excellent service, alors que pour faire partie de ces «hôtels préférés», l’hôtelier doit aussi s’acquitter d’une plus forte commission.
Source: Booking.com
Perte de contrôle de son offre
Les OTA vendent des chambres sur une multitude de sites de voyage. Par exemple, à travers son label Expedia Affiliate Network, l’OTA dispose d’un réseau de 10 000 affiliés. Ces derniers touchent un faible pourcentage de la commission payée par l’hôtelier, sans que celui-ci ait connaissance de ces accords. Il peut toutefois en retirer son stock de chambres dès qu’il s’en aperçoit.
Il existe de nouveaux canaux de distribution créés par les chaînes et les associations hôtelières, et destinés à contourner les OTA. C’est le cas de Room Key, de Global Hotel Exchange et de FairBooking, une récente initiative d’hôteliers français. De plus, un système de réservation en ligne est en cours d’élaboration par l’Association des hôtels du Canada. En conclusion, si l’hôtelier ne peut se passer des intermédiaires, il peut toutefois adopter des stratégies afin de favoriser son canal de vente en direct (lire aussi: Stratégies pour accroître les réservations sur le site Web d’un hôtel indépendant).
Vous désirez diffuser cet article ? Voir notre politique de diffusion ›
Source(s)
– Denisselle, Guilain. «Que contiennent les contrats des intermédiaires de vente de chambres en ligne», tendancehotellerie.fr, 11 décembre 2009.
– «Hôtels : réservations en ligne», [enregistrement vidéo], Envoyé Spécial, youtube.com, 2 août 2013.
– Hospitality-on.com. «Avis de la CEPC : pour un rééquilibrage des relations entre les OTAs et les hôteliers», 17 septembre 2013.
– Hr-infos.fr. «Fairbooking défie les OTA», 24 mai 2013.
– Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie. «L’UMIH dénonce les pratiques anti-concurrentielles des centrales de réservation en ligne», umih.fr, 2 juillet 2013.
– RateGain.com. «RateGain’s Hotel Rate Parity Trends - US & Canada (Jul - Sep 2013)», 4 juillet 2013.
– Rivais, Rafaele. «Réservation d’hôtel : peut-on échapper aux agences en ligne ?», sosconso.blog.lemonde.fr, 5 septembre 2013.
– Rivais, Rafaele. «Comment Google détourne les internautes de leur recherche d’hôtel», sosconso.blog.lemonde.fr, 9 septembre 2013.
– Starkov, Max. «Are the New “Anti-OTA” Sites Ready to Take the Spotlight?», hebsdigital.com, 30 janvier 2012.
– TendanceHotellerie.fr. «Recherche d’hôtel sur Trivago : Trivago modifie le message d’indisponibilité», 6 septembre 2013.
– TendanceHotellerie.fr. «Disparition de la clause de parité = tsunami annoncé», 18 septembre 2013.
Site Web:
Tres bel article Aude
je me permets de signaler que j’ai developé la partie prospective « ce qui pourrait arriver » dans un article dédié à la future relation entre OTAs et Hôteliers
http://www.artisan-referenceur.fr/commercialisation-hotel/quelles-evolutions-de-la-relation-hoteliers-otas.html
Au plaisir d’en débattre avec vous
bonne continuation a tous
Thomas
Merci pour les citations.
Sur le fonds, le montant de la commission n’est pas forcément un problème si le client apporté remplit d’une part une chambre qui serait restée vide et d’autre part provient d’un marché inatteignable par l’hôtelier. A l’inverse même 1% est trop cher sur une résa qui a été détournée par la pratique du brandjacking.
Les OTA ne semblent pas vouloir établir de relations sur le long terme avec les hôteliers. Il me semble qu’en affaires, si on veut durer, il faut construire son réseau sur la confiance et surtout, sur le gagnant – gagnant.
Je crois que le secteur hôtelier et particulièrement la partie commercialisation va nécessairement connaître des changements profonds dans les années à venir.
Pourquoi pas une plate-forme unique dans laquelle tous les hôteliers seraient connectés pour prendre le contrôle de leur marketing. Un peu comme Sabre ou Apollo pour les compagnies aériennes ?
Merci pour votre commentaire. Il existe aussi un GDS regroupant uniquement les hôtels, il s’agit de HRS en Europe. Son offre est aussi accessible via Amadeus depuis l’année dernière.
D’autres initiatives d’hôteliers voient le jour, comme celles mentionnées à la fin de mon analyse.
Mon établissement et nous les actionnaires avont décidé de nous désafilier de Booking.com en septermbre 2013.
Après avis par dessus avis ces derniers utilisent encore de notre site web en mentionnant que cet hôtel n’est plus réservable.
On voit bien la crocherie de ces agences en ligne.
Ils veulent se garder l’exclusivité des demandes de réservation sur le web.
Je vous souhaite bonne chance dans votre lutte. Expedia a été condamné en France pour cette pratique trompeuse, commme l’explique cet article: http://bit.ly/1a9dVIy (nommé dans mes sources).
Il semble que Booking ait bien retiré votre page. Il faut laisser un peu de temps à Google de purger ses serveurs. Cela peut prendre plusieurs semaines.
Une partie de votre problème vient du fait que le nom de votre établissement utilise des mots qui chacun séparément est un mot clé recherché par les OTA. Avec les mots Hotel, Motel, Manoir et le nom d’une localité, il y aura toujours des adwords que vous ne pourrez empêcher. Cela complique votre travail sur votre marque.
Pas facile de se sortir d’une telle situation de quasi-dépendance. Une solution (probablement plus efficace et moins coûteuse que de lancer des sites de réservation peu concurrentiels) est probablement de négocier des conditions en bloc. En 2012, 450 hôtels d’Europe du nord s’étaient retirés en bloc d’Expedia. Récemment, elles annonçaient leur retour après avoir négocié une entente qui semble mieux leur convenir. Une autre solution semble être…la reconnaissance de sa valeur par les clients. Un hôtel de NYC a fait l’exercice de fournir de l’inventaire et des fortes commissions aux OTA, puis de cesser ces pratiques pour se rendre compte que ses ventes ne fléchissaient pas; on s’est rendu compte que c’étaient les taux de satisfaction et non le référencement qui permettait ce résultat car les clients utilisent les outils de tri (par prix et notes accordées) pour choisir un établissement et pas seulement le classement ou l’avis de l’OTA.
Ces cas sont très intéressants, nos lecteurs seront heureux de connaître ces initiatives, à petite et à grande échelle. Être mieux informé sur ce qui se passe ailleurs facilite la recherche de solutions!
Bonsoir.
Avant toute chose, je précise que je dirige une petite OTA locale et « différente » mais qui reste une OTA avec des commissions !
Je réagis à titre perso, car très impliqué ces derniers mois dans ce clivage…je réfléchi aux solutions possibles.
Article a charge comme beaucoup en ce moment et on peut l’envisager effectivement de la part d’hôtelier qui perdent pieds face à Booking.
Mais il me semble que cet article (à la différence de ceux de Yung) celui ci est vraiment un peu « chargé ».
Je ne pense pas personnelement qu’il existe beaucoup d’OTA à 30 % de com….et même si elles existent, qu’apportent-elles pour être si gourmandes et « forcer » un hôtel à signer.
Forcer : ce mot me viens à l’esprit quand je lis les commentaires des hôtels…mais rien ne vous force à signer le contrat de Booking, il y a une vie sans Booking.com, vous en connaissez les contraintes avant et nulle part il n’est écrit qu’ils sont de gentils partenaires.
Le contrat de Booking.com stipule bien tous les points repris dans l’article et le reportage, montrant comment en donnant 18, 19 etc..on peut passer les uns devant les autres ( il faut un CTR important, des bonnes notes, pas de surbooking, des stocks permanents et une com confortable) mais Booking.com est un mastodonte capitaliste…tout le monde le sait. Pas de monde de bisounours entre nous non ?
Oui Expedia et Booking.com essayent de vous piquer des clients…mais c’est bien le coeur de leur métier quand un contrat est signé non? Et créer des sous marques fait partie du jeu, comme quand un hôtel possède 2 ou 3 noms de domaines, un blog sur sa ville ou région, etc…
Enfin il faut reconnaitre au monstre Booking la capacité de vous amener des australiens,des chinois, des vénézuéliens, des hongrois ou des gens de votre coin tellement sa présence est incroyablement vaste…ces clients ne seraient sans doute jamais arriver chez vous sinon…
Alors quelle solutions car Booking.com ne changera pas !
Des petites OTA hotel friendly exitent.
Des agences web ou de com peuvent vous aider à faire des campagnes d’Adwords pertinentes.
Enfin, j’ai lu je ne sais plus quel article disant que la bonne question était :
17 à 20 % de marqe en moins pour combien de clients ?
Combien seraient venus quand même sans OTA, en direct (votre site fait-il de la vente en ligne ?)
A vous de faire le ratio.
Voila, je reprend mon role de manager de la centrale, qui lutte elle aussi contre Booking en proposant à nos hôteliers des com inférieures, aucune contrainte de volume, de parité tarifaire, pas de lastroom, pas d’obligation de ref SEO/SEM, pas de mention vicieuses, pas de tel cachée et une com qui baisse avec le volume !!!…mais ces même hôtels nous rétorquent parfois que Booking vend mieux, donc il préfèrent donner 3 à 5 % de plus….
Bona Sera à tutti
Voici un article de http://www.tendancehotellerie.fr qui commente la récente opération de communication de Booking.com qui lui a permit de se défendre face aux accusations de l’industrie hôtelière: http://bit.ly/1itv4yr
Excellente mise au point Aude.
La réalité macroéconomique me semble un peu plus complexe : Google est le maître du monde sur l’Internet avec la cécité bienveillante des USA qui, aujourd’hui encore, dominent le monde dans ce domaine malgré le Net Mundial de São Paulo, Brazil, des 23, 24 Avril 2014 (avant le foot) qui ne concernait que les aspects techniques.
AUJOURD’HUI GOOGLE FAIT LA LOI DE L’INTERNET.
Essayez, en tantqu’hôtel indépendant, de créer votre propre site et de l’optimiser pour LE moteur de recherche ! Si vous ne dépensez pas une fortune en ad-words ou si vous ne vendes pas votre âme au diable (perte de toute indépendance), ce sera peine perdue. J’allais igner : Faust.
http://www.hotels-sympas-france.eu
Bonsoir, J’arrive un peu tard pour donner mon impression sur ces sites de réservations.. mais je viens de découvrir l’article. Je ne comprends pas que les conditions des sites de réservations interdisent aux hôteliers de vendre des chambres moins cher que les tarifs proposés sur leur site. assez bizarre. Je viens de faire une réservation pour un hôtel à Disneyland. J’ai d’abord essayé d’avoir le tarif de l’hôtel en direct (où j’ai déjà séjourné de nombreuses fois…) : ils m’annoncent un tarif pour long séjour plus du double du prix affiché sur certains sites (pas Booking.com, ni expedia car eux aussi plus chers). En insistant on me propose un tarif un peu réduit mais toujours encore beaucoup plus cher que sur 5 des sites de réservations en ligne.. Evidemment la seule différence : je dois tout payer 6 mois à l’avance, sans remboursement possible et pas de petit déjeuner…. mais cela me convient… mais l’hôtel ne peut (ou ne veut) pas diminuer le prix… J’ai donc réservé ce jour tout le séjour et tout payé. Pourtant il y a quelques années j’avais eu ces mêmes conditions sans remboursement possible à l’hôtel même… mais cette fois plus possible. Ce que je ne comprends pas, donc l’hôtel préfère avoir pour ma chambre la moitié du prix, plus encore la commission qu’ils doivent verser au site, plutôt que de diminuer leur prix! Bref tout ceci pour dire que si les hôtels n’ont pas le droit de faire des prix plus bas que ceux proposés sur les sites internet, dans mon cas c’est plutôt le contraire et si j’avais réservé à l’hôtel j’aurais payé près du double pour le même séjour, aux mêmes dates…. même pas une période creuse puisque fin d’année et janvier. Je m’y perds aussi dans les intermédiaires : le site où j’ai réservé passe encore par deux ou trois autres intermédiaires… c’est à ne plus rien y comprendre. Merci de m’avoir lu.