Quand la culture devient une marque
Devant les changements que connaît le monde de la culture, le modèle de commercialisation des entreprises et des organismes doit être repensé afin de vendre le produit sur le long terme, de créer une fidélisation de la clientèle et d’étendre son périmètre de rayonnement.
Sous ses formes multiples, la culture ne manque pas d’atouts pour attirer les visiteurs. Pourtant, la concurrence avec les autres produits touristiques est rude et, pour se démarquer, les acteurs culturels doivent utiliser les mêmes outils marketing que leurs concurrents. La notion de marque entre progressivement dans leur stratégie et transforme l’offre en symbole reconnaissable par tous.
Culture et marketing territorial
Sur le marché international, les villes bataillent ferme pour attirer aussi bien les touristes que les investisseurs. Pour se démarquer, mégalopoles et agglomérations plus modestes optent pour une stratégie de communication qui reprend le code du développement de marque: symbolique forte, identification immédiate, logos soignés, présence sur les réseaux sociaux et dans les salons internationaux, partenariats étudiés, etc.
Pour être percutant, le message doit véhiculer l’image d’une bonne qualité de vie et présenter la ville comme un pôle de culture et d’innovations, tout en incorporant ses caractéristiques historiques et actuelles. En 2009, Trois-Rivières a lancé la campagne T-RÈS Trois-Rivières, articulée autour des différentes expériences de visite offertes: TRÈS culturel, TRÈS mémorable, TRÈS gourmand, etc. À grand renfort d’affichages, de vidéos créées par de jeunes réalisateurs et de présence sur les réseaux sociaux, la marque a gagné l’adhésion de la population locale et a réussi à transformer positivement la perception des touristes sur la destination.
Source: Tourisme Trois-Rivières
Parallèlement à une campagne globale, certaines villes ont choisi de miser sur l’attrait culturel de quartiers emblématiques. Le nom de Broadway évoque à lui seul le foisonnement des théâtres qui accueillent les pièces à succès et les comédies musicales du moment. Le site Internet Broadway.com se présente comme un véritable outil de découverte de destination avec ses suggestions d’hôtels, sa liste de restaurants, sa boutique, sa plateforme de réservations et son espace dédié aux groupes.
À Montréal, le Quartier des spectacles constitue un fort pôle d’attraction touristique. Avec son slogan «1 km2 d’émotions» et son logo représentant une lumière de projecteur rouge, référence à l’ancien Red Light, le secteur dégage une image de fourmillement culturel et d’expériences touristiques diverses.
Source: Quartier des spectacles
Transformer la communication de la ville en image de marque nécessite une concertation avec le public, les organes décisionnels, les associations, les acteurs économiques et les gestionnaires d’infrastructures (aéroport, salles de spectacles, etc.)
Vendre les marques muséales
Développer une stratégie globale
Pour Mark Walhimer, consultant en planification muséale, la construction d’une marque dépasse la simple élaboration d’un slogan et d’un logo. Selon lui, la marque constitue la structure même du musée et doit englober les aspects suivants:
- La façon de mobiliser, d’engager sa communauté et d’interagir avec elle;
- Le contenu des collections;
- La recherche;
- Les volets éducatifs;
- L’évaluation des expositions;
- Le marketing et la communication;
- Les expositions.
L’internationalisation des institutions
Depuis quelques années, les grands musées ont unanimement adopté une stratégie d’internationalisation. Le Guggenheim a ouvert une succursale à Bilbao, le Louvre s’est implanté à Abu Dhabi, les collections de l’Hermitage de Saint-Pétersbourg circulent dans ses antennes de Londres et d’Amsterdam, et le Centre Pompidou ouvrira en 2015 un musée provisoire à Malaga, en Espagne. Cette stratégie permet d’accroître la visibilité des expositions à l’international, mais aussi et surtout celle de l’établissement culturel. Le public se déplace avant tout pour voir les œuvres de ces musées mythiques sans avoir à se rendre à destination. L’initiative génère également des profits: la ville de Malaga versera au Centre Pompidou une redevance d’un million d’euros par année, plus le gain provenant de la vente des billets d’entrée. La ville hôte bénéficie quant à elle de cette stratégie de diversification en attirant plus de touristes, surtout dans le cas d’événements éphémères comme celui de Malaga.
Des campagnes soignées
Applications, bandes-annonces d’expositions, affichage audacieux; les musées mobilisent toutes leurs forces créatives pour faire parler d’eux. Plus que les expositions, ce qui est mis de l’avant, c’est l’inventivité du musée, sa marque de fabrique.
Dans un centre commercial d’Amsterdam, le Rijksmuseum a organisé une performance proche du happening artistique: des acteurs ont reconstitué le tableau La Ronde de nuit de Rembrandt, une des pièces maîtresses du musée. La vidéo de la prestation, visionnée plus de 5 millions de fois sur YouTube, est devenue un phénomène viral à l’échelle mondiale.
Source: YouTube
En lien avec la thématique de l’exposition «The Way of the Shovel: Art as Archeology», la campagne du Museum of Contemporary Art de Chicago se basait sur le principe des jeux à gratter et permettait aux passants de se glisser dans la peau d’archéologues. La surface des affiches publicitaires pouvait être grattée, révélant des œuvres de l’exposition.
Source: Clic France
Les festivals, nouveaux produits marketing
Les festivals cèdent également à la tentation de l’internationalisation. Après les États-Unis, le festival belge Tomorrowland décline son concept au Brésil. Unis sous le fameux logo en forme de papillons, les trois événements véhiculent la même ambiance avec leurs scènes monumentales et leurs artistes de musique électronique de renommée internationale..
Source: Tomorrowland
À l’image de Coachella ou du Burning Man, plusieurs festivals proposent dorénavant bien plus que des spectacles de plein air: campings originaux, espaces de jeux, expositions d’art, hamacs et spas viennent compléter l’offre et transforment ces événements en véritables lieux de divertissement pour adultes.
L’identité des festivals de musique qui ciblent la génération Y devient tellement forte qu’elle est associée à une façon de s’habiller. Les vedettes du cinéma, de la chanson et de la mode sont parrainées par les maisons de couture pour porter leurs vêtements, et la garde-robe des festivaliers ne sera pas la même s’ils participent au festival de Glastonbury ou au festival Osheaga.
Source: Vogue
Pour prolonger leur existence et multiplier les occasions de faire parler d’eux, certains festivals choisissent de mener des actions en marge de leur événement principal. C’est le cas du OFF Festival de Sherbrooke. Produit par la Corporation du Printemps musical de Sherbrooke, la manifestation se déroule parallèlement au Festival des harmonies et orchestres symphoniques du Québec et vise un public plus large avec ses concerts gratuits et ses ateliers de musique.
Bien que les puristes regardent d’un œil méfiant l’entrée massive de la stratégie de marque dans le monde de la culture, il s’agit peut-être du nouveau moyen à mettre en œuvre pour devenir (ou rester) un incontournable des destinations touristiques.
Image à la une: lg2 boutique
Analyse réalisée dans le cadre d’un partenariat avec Tourisme Montréal sur le tourisme culturel
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Source(s)
- Clic France. «Une campagne d’affiches à gratter pour promouvoir une exposition du musée d’art contemporain de Chicago», 10 mars 2014.
- Esnault, Clément & Sainty, Marion. «Festivals: les marques partent en conquête!», Le Carré RP Event, 4 décembre 2012.
- Noce, Vincent. «À Malaga, le centre Pompidou à l’heure espagnole», Libération, 3 septembre 2014.
- Relaxnews. «Le look festival, nouveau classique des marques», Le Nouvel Observateur, 26 mai 2014.
- Simon, Nathalie. «Quand les musées deviennent des marques», Le Figaro, 29 mai 2008.
- Therin, Frédéric. «Les villes se transforment en marque», Influencia, 7 août 2014.
- Ufunk. «Science World – 13 publicités pour faire aimer la science», 9 octobre 2012.
- Walhimer, Mark. «Building a museum brand», 26 octobre 2013.
Sites Internet:
bonjour
merci pour tous ces exemples de festivals et lieux culturels qui développent une stratégie de marque.
j’enseigne le marketing du tourisme allié au patrimoine culturel materiel et immatériel et votre article me donne l’occasion de découvrir beaucoup d’exemple étranger à la France.
je ferai un article au premier trimestre sur mon analyse du sujet concernant l’approche des français et leur riche patrimoine… je vous en ferai part.
Cordialement Jacques-Yves Toulemonde
avez vous une version anglaise de cette article ?
Jacques Yves Toulemonde
Bonjour M. Toulemonde,
Malheureusement, cette analyse n’est pas traduite. Quelques sources ayant servie à sa rédaction sont en anglais, il est peut-être intéressant de les consulter.
Merci de votre intérêt!