Intervenir auprès d’un employé
La gestion des comportements difficiles est un défi sur les plans humain et juridique. Pour résoudre habilement ce casse-tête, le gestionnaire doit en analyser soigneusement chacun des morceaux.
Nonchalance avec la clientèle et manque de professionnalisme sont des exemples de comportements qui peuvent causer un réel malaise au service à la clientèle. Ces écarts de conduite viennent ternir la réputation de l’organisation et risquent d’entraîner une baisse de revenus. De même, un employé qui manque de respect envers ses collègues peut rapidement dégrader le climat de travail et miner la motivation de son équipe.
Il ne fait donc aucun doute que ces conduites répréhensibles doivent être recadrées afin de limiter les dommages collatéraux. Or les gestionnaires se sentent souvent impuissants ou mal outillés à cet égard. Selon Muriel Drolet, auteure et spécialiste en ressources humaines, les employés difficiles représenteraient environ 5% des effectifs, mais grugeraient jusqu’à 80% des énergies de leurs supérieurs. Pas surprenant que cet enjeu se classe au sommet de leurs préoccupations.
Faire l’autruche
Les gestionnaires sont souvent tentés de fermer les yeux en se justifiant leur inaction:
- Le temps arrange les choses: on compte sur le fait que la saison touristique prendra fin tôt ou tard et que l’employé terminera son contrat.
- Pas d’autre choix: apogée de l’achalandage ou pénurie de main-d’œuvre prolongée; on se dit qu’on ne peut vraiment pas risquer de perdre un employé.
Paradoxalement, l’évitement contribue plutôt à aggraver le problème du taux de roulement. Le laxisme fait perdre crédibilité et leadership aux gestionnaires. Cette passivité envoie un message contradictoire aux bons employés et fait fuir les plus performants.
La goutte qui fait déborder le vase…
Certains tolèrent la situation trop longtemps, puis explosent et congédient l’employé. Au Québec, cette façon de procéder contrevient aux normes du travail. Selon ce cadre légal, il existe deux situations justifiant le congédiement d’un employé qui possède plus de deux ans d’ancienneté:
- Il a commis une série de fautes répétées qui ont fait l’objet de sanctions graduelles consignées à son dossier;
- L’avènement d’une faute lourde et grave justifiant un congédiement immédiat. C’est le cas lorsque le lien de confiance est brisé, comme dans le cas d’un vol.
Prenons l’exemple suivant: un préposé ayant onze ans de service est continuellement en retard, il a reçu au cours des années de multiples avertissements verbaux. Un matin, alors que son retard dépasse les 20 minutes, son supérieur lui annonce qu’il est renvoyé. Dans ce cas, le congédiement pourrait être contesté devant la Commission des normes du travail étant donné l’absence de dossier écrit et de mesures progressives. Mentionnons aussi qu’il existe une norme concernant l’avis de cessation d’emploi. Dans notre exemple, l’employé recevrait huit semaines d’indemnités.
Recadrer le problème sans chantage
La meilleure stratégie, pour le bien de tous, consiste à intervenir rapidement et à entamer le dialogue. Lors d’une première intervention, on suggère de ne pas recourir aux mesures disciplinaires. Par leur nature négative, les menaces provoquent une résistance et ne suscitent pas l’engagement.
Pour favoriser la collaboration, on utilisera plutôt l’entretien de recadrage, une rencontre poursuivant trois objectifs: informer, encadrer et aider. Pour résoudre le problème, les deux parties doivent faire preuve de confiance, de respect et de bonne foi.
Conduire un entretien de recadrage
La conversation doit se dérouler dans un lieu isolé et être soigneusement préparée. On suivra les étapes suivantes:
1. Décrire le problème et ses conséquences: présenter objectivement les faits observés et expliquer les effets sur l’équipe et l’organisation.
2. Analyser la cause du problème: récolter les réactions de l’employé quant à la nature de ses difficultés. Chaque cas est unique, mais voici les situations les plus fréquentes:
- Le manque de compétence: le subordonné est motivé, mais ne possède pas les connaissances ou les habiletés afin de bien réaliser ses tâches. L’intervention sera donc dirigée vers la formation et l’accompagnement.
- Les difficultés personnelles: le salarié vit des problèmes de santé, ou un événement difficile perturbe temporairement sa performance au travail. Si l’on doit se montrer compréhensif devant la situation, cela ne veut pas dire que les comportements déviants peuvent être tolérés. Le rôle du gestionnaire est de s’assurer que l’employé sera adéquatement soutenu afin qu’il retrouve rapidement son degré de performance habituel. Si l’organisation dispose d’un programme d’aide aux employés (PAE), on encouragera fortement l’employé à y participer.
- L’attitude négative: l’employé possède les compétences nécessaires, mais il décide de ne pas les utiliser. Il faudra alors obtenir sa collaboration afin qu’il retrouve sa motivation et change sa conduite.
3. Passer à l’action: le plan de redressement doit être élaboré conjointement par le supérieur et l’employé. Il doit permettre de clarifier les points suivants:
- Quelles sont la ou les lacunes à combler?
- Sur quelles mesures de soutien l’employé pourra-t-il compter?
- Quel est le délai dont il bénéficie pour s’ajuster?
- Quel suivi fera-t-on de la situation?
Il est très important de consigner ce plan d’action par écrit. Ce document devra être signé par l’employé; on lui en remettra une copie, et une autre sera conservée dans son dossier.
Et en cas de récidive?
Il arrive que le plan de recadrage ne soit pas suffisant devant la mauvaise volonté de l’employé. L’employeur devra alors se rabattre sur les mesures disciplinaires. L’imposition de sanctions est un exercice complexe. Sur le plan légal, deux grands principes doivent être respectés:
- La gradation des sanctions: la discipline doit être appliquée progressivement; la conséquence sera de plus en plus lourde à chaque nouvelle manifestation du problème.
- La proportionnalité de la sanction par rapport à la faute: la mesure doit être proportionnelle à l’infraction reprochée et doit tenir compte des circonstances atténuantes ou aggravantes.
Pour mieux comprendre comment appliquer ces principes, consultez cet exemple de mesures disciplinaires.
Même avec beaucoup de courage et de rigueur, l’encadrement des comportements déviants demeure tout un défi. Pour réussir, le supérieur devra accomplir une double mission: préserver la dignité de l’employé et conserver la productivité de l’organisation.
Image à la Une: iStockphoto.com
Collaboration
Stéphanie Fissette
Enseignante et Conseillère en ressources humaines, spécialisée dans le domaine touristique
Stéphanie Fissette obtient un baccalauréat en gestion du tourisme en 2001. Son premier contact avec la Chaire de tourisme Transat remonte d’ailleurs à cette période où elle y travaille à titre [...]Lire plusd’assistante de recherche. Elle se dirige ensuite vers la gestion du service à la clientèle, d’abord comme coordonnatrice au Palais des Congrès de Montréal, puis comme responsable du service au Parc national du Bic. C’est en supervisant des employés de première ligne dans le domaine touristique qu’elle développe un vif intérêt pour la gestion des ressources humaines. Cette soif d’apprendre et de comprendre la dynamique des équipes de travail l’incite à compléter une maîtrise en gestion des personnes en milieu de travail (UQAR) et à devenir conseillère en ressources humaines agrées (CRHA). Depuis 2010, elle enseigne à titre de chargée de cours à l’UQAR et donne des conférences afin de préparer la relève. Son expérience pratique du terrain en tant que gestionnaire et sa connaissance étendue des meilleures pratiques de gestion des ressources humaines apportent un éclairage nouveau sur la réalité des entreprises touristiques.
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Source(s)
– Affaires RH. «L’entretien disciplinaire avec un employé : un exercice positif».
– Drolet, Muriel et Marie-Josée Douville. «Comment gérer un employé difficile», Montréal, Éditions Transcontinental, 2013, 216 p.
– Lefebvre, France. «Le piège de la discipline», Ordre des conseillers en ressources humaines, 14 février 2012.
– Lefebvre, France. «Recadrer sans discipliner», Ordre des conseillers en ressources humaines, 21 février 2012.
– Lesaffaires.com. «Faites la discipline», 16 octobre 2008.
– Morissette-Landry, Véronic. «Congédiement pour incompétence», Commission des normes du travail du Québec, consulté le 1er novembre 2014.
– Roy, Pierre-Georges. «Les mesures disciplinaires: Un guide à l’intention des employeurs», Réseau juridique du Québec, 16 novembre 2011.
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