Pour séduire le voyageur, prenez-le par les sentiments
On ne choisit pas un hôtel comme on achète une étagère. Les critères et les motivations sont très différents, et l’implication émotive est aussi beaucoup plus élevée dans le premier cas.
Dans le choix d’une chaîne hôtelière, la composante émotionnelle serait responsable de près de 70% de la décision. Pour rejoindre cette fibre émotive, certains ont recours au marketing olfactif, d’autres jouent la carte de la personnalisation ou font l’usage du storytelling pour toucher le client.
Les «vraies» raisons
Selon certains chercheurs, les consommateurs basent souvent leurs choix, peu importe le produit, sur des perceptions ou des critères plus ou moins inconscients. Ils utilisent ensuite des repères rationnels pour renforcer et justifier leur décision. Comme le relève une étude de Protean Strategies, ce n’est pas parce que les gens disent qu’un facteur d’achat est important qu’il influencera fortement leur choix final. On y donne l’exemple de celui qui magasine une voiture, et qui dit rechercher avant tout la sécurité et l’économie d’essence. Les études démontrent que ces facteurs ont une faible corrélation avec le choix final. Les consommateurs recherchent des attributs plus intuitifs, comme la performance et le style.
L’enquête de Protean Strategies, réalisée auprès de 800 voyageurs nord-américains, révèle que la décision d’achat de billets d’avion est composée à 55% par des facteurs émotifs ou de perception. Cette proportion grimpe à 67% dans le cas d’une chambre d’hôtel faisant partie d’une chaîne. C’est plus que pour l’achat de bière ou d’un téléphone intelligent (voir le graphique 1).
Mais quelles sont ces émotions tant recherchées? L’étude identifie les plus importantes dans le choix d’un hôtel de chaîne. Les clients n’en parleront pas, mais l’enquête démontre qu’il y a un lien fort entre l’impression que ces besoins émotionnels seront comblés et la décision de réserver:
- l’enthousiasme;
- la surprise/l’émerveillement;
- le sentiment d’être «accepté».
Questionnés sur un certain nombre de chaînes d’hôtels bien connues, la plupart des répondants estiment qu’elles ne considèrent pas ces besoins ou, du moins, ne les comblent pas. Dans certains cas, les deux premières attentes émotives sont satisfaites, mais l’accueil est impersonnel ou le décor prétentieux; minant le sentiment d’acceptation. À l’opposé, certains hôtels au contact plus familier, au design simple, sans artifices, manquent d’éclat et offrent une expérience décevante, dépourvue du sentiment de surprise et d’émerveillement. Les auteurs de cette étude en arrivent à la conclusion que les chaînes sous-estiment l’importance de la connexion émotive qui devrait être livrée. Leurs travaux démontrent que certaines bannières de restaurant y parviennent mieux. Les hôtels indépendants ont ainsi tout intérêt à saisir cette occasion d’affaires et à se pencher davantage sur les attentes émotives de la clientèle.
Comment atteindre la fibre émotive?
En racontant des histoires
Le concept du storytelling (lire aussi: Le pouvoir du storytelling dans une approche marketing) cadre tout à fait avec l’idée de création d’un lien émotif entre l’entreprise et le client. Par sa campagne Find Yours, l’agence en ligne Expedia diffuse des vidéos racontant des expériences de voyage ayant une forte charge émotive. Vous pouvez visionner, à titre d’exemple, la vidéo ci-dessous (lire aussi: 3 campagnes marketing inspirées du storytelling).
À l’occasion de cette campagne, Expedia a lancé une application Facebook qui permet au voyageur de partager ses photos tout en expliquant l’état émotionnel recherché lors de son séjour.
En personnalisant
Une étude britannique de la Loughborough University suggère de recourir à la personnalisation (lire aussi: Vers un service toujours plus personnalisé) pour offrir davantage de contrôle au client sur son expérience. Parmi les façons d’envisager la personnalisation en réponse aux besoins émotifs des clients, voici deux stratégies proposées par l’auteure de l’étude:
- Stratégie d’addition: offrir des particularités surprenantes qui agrémentent l’expérience. Celles-ci peuvent susciter des émotions telles que le plaisir, l’étonnement et l’enthousiasme. Les clients des hôtels boutiques Affinia peuvent demander diverses options avant leur arrivée, comme une guitare acoustique, un fer droit (putter de golf) ou encore un petit canard pour le bain.
Source: Affinia Hotels
- Stratégie du sur mesure: accueillir le visiteur en tenant compte de ses préférences; son cocktail favori l’attendant à sa chambre, par exemple. Il sera agréablement surpris et marqué par une telle attention. Ce type d’information peut avoir été observé lors d’un séjour passé, ou colligé lors de la réservation ou par des communications sur les médias sociaux.
Dans chacun des cas, les besoins personnels du client sont considérés, ce qui favorise le sentiment d’acceptation.
En utilisant le marketing olfactif
Selon le Scent Marketing Institute, l’odorat est le seul sens qui atteint directement la mémoire et le centre des émotions. Les trois quarts de nos émotions seraient générées par des odeurs. Aussi, nous serions cent fois plus enclins à nous souvenir des odeurs plutôt que de ce que nous voyons, entendons ou touchons. Comment un hôtel peut-il en tirer profit? Jennifer Dublino, travaillant pour cet institut, propose de créer une fragrance propre à l’hôtel. Il faut d’abord identifier l’ambiance et les sensations qu’évoque l’hôtel – le confort décontracté, l’élégance, la familiarité, la fraîcheur, l’opulence, etc. Des experts en marketing olfactif peuvent trouver le mélange qui colle le plus à ces sensations.
Le Shangri-La Hotel and Resort de Vancouver utilise un mélange d’épices au gingembre et de bergamote fraîche dans ses chambres. La chaîne d’hôtels Starwood a recours à différentes fragrances selon ses bannières; un mélange de roses et de pois de senteur pour le luxueux St. Regis ou encore l’arôme réconfortant de la tarte aux pommes et à la cannelle pour le Four Points.
Le tourisme: une affaire d’émotions
Les voyages et les vacances sont des moments clés dans la vie. Les attentes liées à ces courtes périodes sont souvent élevées et chargées d’émotions, qu’il s’agisse d’émerveillement devant la nature ou la culture, de rencontres surprenantes, du bonheur que procurent des retrouvailles, des célébrations, de la fierté d’avoir relevé un défi, du temps précieux savouré en famille, etc. Les acteurs de l’industrie touristique doivent contribuer à faire de ces séjours des moments uniques et mémorables.
Sources:
– Ashe, Isaac. «Understanding emotions can help hotels improve guest experiences, says Loughborough research», Loughborough Echo, 3 décembre 2012.
– Dublino, Jennifer. «Scent sparks repeat bookings», Canadian Lodging News, novembre 2012.
– Miron, Karine. «Expedia joue sur l’émotionnel pour vendre: Find Yours», etourisme.info, 5 février 2013.
– Protean Strategies. «Study Shows Hotel Choice is More Emotionally Driven than Beer… But Major Hotel Brands Fall Short in Appealing to Emotions», 7 juin 2012.
– Walters, Gabrielle, Beverley Sparks et Carmel Ann Herington. «The Impact of Consumption Vision and Emotion on the Tourism Consumer’s Decision Behavior», Journal of Hospitality & Tourism Research, vol. 36, no 3, août 2012, p. 366-389.
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Article très intéressant, merci ! Cela s’applique à d’autres domaines du tourisme que la résa hôtellière. Côté olfactif, je suis un peu dubitative, parce que les fragrances peuvent aussi être trop envahissantes, voire allergisantes…
Merci pour votre commentaire. En effet, sur le plan olfactif, subtilité et délicatesse s’imposent.
Merci pour cette nouvelle vision du tourisme qui prend en compte l’émotionnel du voyageur, ses attentes, ses rêves, ses envies. Le voyageur est avant tout un être humain, à nous professionnel du tourisme d’être à l’écoute, créatif et suivre notre intuition pour capter ce qui est dans l’air du temps. C’est cela aussi être professionnel du tourisme.
Bonne continuation
on est en phase ! on développe en Picardie la stratégie « Esprit de Picardie » entièrement basée sur la stratégie d’expérience parce qu’un produit « s’achète » et qu’une émotion « se mémorise »