Je me souviens: le tourisme de mémoire
Châteaux, forteresses, villes fortifiées, champs de bataille, cimetières et columbariums constituent autant d’endroits qui reflètent notre histoire. Le «tourisme de mémoire» invite le public à découvrir ce patrimoine.
Certains sites historiques ne présentent aucun attrait visuel et ne prennent de valeur patrimoniale que parce qu’ils sont associés à un personnage ou un événement particulier, comme la maison du général de Gaulle à Lille, les cimetières militaires de Picardie, les plages du débarquement en Normandie, les camps de concentration allemands, les plaines de Waterloo en Belgique ou les plaines d’Abraham au Québec.
Le tourisme dit «de mémoire» sert donc à découvrir un lieu où s’est jouée une part de l’histoire nationale. Il fait oeuvre de culture et d’éducation. Il répond surtout à une nécessité, celle de se souvenir.
Québec et ses fortifications
En France, le souvenir se porte bien
En France comme en Europe en général, on constate, depuis quelques années, une demande croissante pour ce type de tourisme. Tant et si bien que le ministère de la Défense, en partenariat avec les collectivités locales et les ministères de la Culture et du Tourisme, a décidé d’en faire un enjeu touristique et économique. Cette démarche possède également des objectifs culturels, pédagogiques et civiques.
En février 2004, Léon Bertrand, secrétaire d’État au Tourisme, et Hamlaoui Mekachera, secrétaire d’État aux Anciens Combattants, ont signé une convention, Tourisme de mémoire, portant sur l’aménagement touristique (information en plusieurs langues, mise en réseau, stationnement, etc.) et la promotion de ces sites.
Cette convention met en exergue la valeur touristique des sites de mémoire, en France et à l’étranger (par l’intermédiaire de Maison de la France), notamment dans les zones ne disposant pas toujours d’attraits touristiques majeurs.
Citons par exemple, le site Web Chemins de mémoire, instauré par le secrétariat d’État aux Anciens Combattants, qui a été créé pour guider les touristes au travers des différents sites patrimoniaux de notoriété nationale et internationale. Ces chemins s’articulent autour de quatre thématiques principales, soit la fortification du 16e au 20e siècle, la guerre de 1870-1871, la guerre de 1914-1918 et la Seconde Guerre mondiale.
Une demande en croissance
Et même si les acteurs du milieu du tourisme déplorent un manque de statistiques précises concernant les amateurs de tourisme de mémoire, on note un intérêt certain pour ce type de produit, tant dans l’industrie que dans la population.
En septembre 2004, une enquête Ipsos-Le Figaro Magazine démontrait le goût des Français pour leur patrimoine culturel. Près de la moitié des personnes interrogées avaient, par exemple, visité un musée ou une exposition cette année-là. Les seniors, en famille ou en groupe, sont particulièrement friands de cette forme de tourisme.
Une volonté de rajeunir le public pour transmettre le souvenir existe bel et bien. Elle s’exprime notamment dans la recherche d’une interprétation plus adéquate (discours et présentation).
Le tourisme de mémoire sur les bancs d’école
Cette volonté se traduit également au niveau de la formation. En effet, l’Université de Nancy 2 (IUT Nancy-Charlemagne) dispense une licence professionnelle en Développement et protection du patrimoine culturel, tourisme de mémoire.
Celle-ci vise à répondre aux besoins actuels des acteurs du développement local, régional et du tourisme, la mémoire – sous ses différentes déclinaisons (de guerre, industrielle, naturelle, etc.) – s’y présentant comme un axe de développement local.
Les titulaires de cette licence seront aptes à mettre en place des projets de développement local en adéquation avec le thème traité, mais aussi en cohérence avec le marché. Disposant de connaissances de l’histoire, des territoires, de la conduite de projet et de marketing du tourisme, ces personnes devront effectuer l’analyse d’une situation avant de proposer une stratégie de valorisation touristique.
Le fort de Chambly (Québec)
Au Québec, je me souviens
Ce développement du tourisme de mémoire ne se limite pas à la France. On le retrouve également au Congo, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et… au Québec.
L’an dernier, un projet d’itinéraire culturel de la Nouvelle-France a vu le jour en complément à l’Inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France (www.memoirenf.cieq.ulaval.ca). Pour faciliter la compréhension de l’expérience coloniale française en Amérique du Nord et pour assurer un développement local et durable, il propose une mise en relation des lieux de mémoire, des ressources et des partenaires.
Il existe chez nous de nombreux sites historiques importants, comme:
- la ville de Chambly: ville riche d’histoire et de patrimoine puisqu’elle constitue un des premiers lieux de peuplement au Québec. Elle possède sur son territoire deux sites historiques nationaux, soit le canal et le fort de Chambly. Tous les ans, elle y accueille plus de 300 000 visiteurs, plaisanciers et cyclistes.
- Grosse-Île et le mémorial des Irlandais: ancienne porte d’entrée de l’immigration au Québec, du début du 19e siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale.
- Québec et ses fortifications: Québec est la seule ville en Amérique du Nord à avoir conservé ses fortifications. Ce lieu historique raconte l’histoire militaire de la ville sur plus de trois siècles.
Plusieurs avenues s’offrent aux partenaires touristiques pour la mise en valeur de ces sites, entre autres:
- la création d’itinéraires axés sur des thématiques fortes, telles que les fortifications, la traite des fourrures, l’immigration, etc.;
- la promotion de ces circuits par différents moyens: site Internet, dépliants, brochures, cartes postales, fiches historiques, bibliographies, relevés géographiques, ouvrages biographiques, etc., élaborés avec des partenaires locaux ou régionaux;
- l’intégration de ces lieux dans des rendez-vous culturels (fêtes de la musique, journées du patrimoine, expositions, concours, etc.);
- l’organisation de commémorations officielles;
- l’accentuation de leur vocation pédagogique et la sensibilisation des jeunes par la création de partenariats avec le ministère de l’Éducation et les commissions scolaires, par exemple;
- la collaboration avec les collectivités locales, les différentes institutions et les acteurs culturels de la région (musées, centres d’interprétation, etc.);
- etc.
Bien qu’il soit relativement récent, le patrimoine culturel et historique québécois offre une belle diversité. Déjà, plusieurs acteurs contribuent, à des degrés divers, à sa conservation et à sa mise en valeur… parce qu’au Québec, on se souvient!
Voir aussi
Chemins de mémoire
Inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France
IUT Nancy-Charlemagne
Musée virtuel de la Nouvelle-France
Sources:
– Institut Charles de Gaule charles-de-gaulle.org). «Signature de la convention relative au tourisme de mémoire, à la maison natale de Charles de Gaulle – Lille – le 9 février 2004», février 2004.
– Ipsos France. «Le patrimoine culturel est à la mode», 17 septembre 2004.
– Robillart, Dominique et Béatrice Dancer. «La promotion du tourisme de mémoire en Artois. Une action à l’échelle d’un territoire», Cahier Espaces, décembre 2003.
– Tribot, Élodie. «Conception d’un itinéraire culturel sur la Nouvelle-France. Inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France», Centre interuniversitaire d’études québécoises, Laboratoire de géographie historique (Université Laval), août 2004.
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