La croisière : un produit réinventé pour de nouveaux passagers
Les attentats du 11 septembre 2001 combinés au ralentissement économique des dernières années ont affecté plusieurs secteurs touristiques, mais pas celui des croisières. Si l’on observe une croissance constante de l’engouement pour ce type de produit, c’est parce que les croisiéristes ont su bien s’adapter. Les croisières rejoignent un bassin de clientèle beaucoup plus large grâce, notamment, à une offre de plus en plus thématique.
Une véritable révolution du produit
Les croisières se sont bien adaptées aux changements de la demande touristique. Il y a 15 ans, on parlait d’un produit de luxe accessible uniquement aux gens bien nantis. Aujourd’hui, les compagnies parviennent à rejoindre plusieurs segments de clientèles avec une offre moins dispendieuse, alors que les services à bord se multiplient et que les croisières se thématisent. Tourism Industry Intelligence, qui s’est intéressée à l’évolution du profil des croisiéristes au fil des ans, présente cet aperçu comparatif de l’industrie:
Plus gros, plus spécialisés
L’image voulant que les croisières soient réservées aux personnes d’un certain âge est certes révolue. Dans les années 1980, elles intéressaient surtout les personnes de plus de 60 ans. Aujourd’hui, environ 47% des croisiéristes sont âgés de 25 à 39 ans, selon The Annual Cruise Review 2004.
Quant à l’évolution même du produit, les grands joueurs ont développé plusieurs thématiques telles que des croisières gourmandes, familiales, religieuses, gaies, artistiques, pour retraités, etc. Celebrity Cruises, de son côté, planche sur un paquebot nouvelle génération pour se démarquer de l’offre actuelle et vise à exploiter un autre créneau, soit celui du luxe et du design.
On assiste aussi à une surenchère quant à la capacité des navires de croisière. À titre d’exemple, Freedom of the Seas, le tout dernier de Royal Caribbean Cruises qui a pris la mer récemment, accueillera jusqu’à 5740 passagers, dont 1370 membres d’équipage. L’arrivée de tels mastodontes soulève plusieurs questions quant à la capacité de les accueillir. Le port de Québec semble bien positionné puisque, encore cette année, il a été en mesure d’attirer le Queen Mary 2, un navire de 4000 passagers. Du côté du Port de Montréal, rarement accueille-t-il des paquebots de plus de 1500 passagers.
Certaines régions du Québec, telles que Gaspé, aimeraient bien profiter de leur situation géographique pour capter une partie du marché des croisières, mais le défi est grand. Le nombre d’autocars sur place, la présence de guides touristiques bilingues et d’équipements de port adéquats figurent parmi les aspects que ces régions se doivent d’améliorer. De plus, les organisateurs de croisières recherchent des escales représentant des pôles d’attraction qui comportent une masse critique d’activités et d’infrastructures touristiques permettant d’accueillir simultanément tous les visiteurs.
Croisières vs tout compris
Un sondage effectué par la Travel Industry Association (TIA) présente les raisons qui incitent les touristes américains à préférer des vacances sur l’eau à des formules «terrestres» tout compris. Ainsi, parmi les Américains qui ont déjà effectué une croisière,
- 77% estiment qu’elle représente davantage l’occasion de se faire dorloter qu’un voyage tout compris
- 72% affirment que l’on y trouve une restauration plus fine
- 69% considèrent qu’il s’agit davantage d’une occasion de relaxer et de s’évader
- 64% mentionnent que ce type de vacances est plus facile à planifier et à organiser
Il semble qu’essayer la croisière c’est l’adopter, puisque 75% des personnes qui en ont déjà fait l’expérience indiquent qu’elles achèteront probablement ou assurément une autre croisière dans un horizon de trois ans.
L’usage d’Internet tarde à décoller
Le réseau de distribution traditionnel joue encore un rôle primordial dans la vente du produit croisière aux consommateurs. Parmi tous les secteurs touristiques, celui des croisières constitue l’un des derniers à résister à l’ascension d’Internet comme outil privilégié de réservation. On doit surtout retenir qu’encore aujourd’hui la clientèle désire parler directement à un agent de voyages (graphique 2). Selon PhoCusWright, plus de 84% de la clientèle préfère cette option alors que seulement 10% contacte directement la compagnie de croisières et que 6% réserve directement sur Internet. Les croisiéristes ont tendance à être fidèles à leur agent de voyages.
Par ailleurs, si on analyse d’un peu plus près le comportement des internautes américains qui ont effectué une croisière au cours des cinq dernières années, on constate que 29% d’entre eux ont déjà acheté ce type de prestation en ligne. Un autre 28% des croisiéristes précisent quant à eux avoir effectué des recherches sur Internet avant de réserver auprès d’un agent de voyages. Il reste tout de même une part importante (43%) des voyageurs branchés américains qui ne s’est jamais servie d’Internet dans une démarche de planification d’achat d’une croisière.
Il faudra néanmoins surveiller de près l’évolution de la commercialisation en ligne des croisières qui, selon PhoCusWright, finira bien par décoller tôt ou tard. Après les secteurs de l’aérien, de l’hôtellerie, des voitures de location et des forfaits, il s’agirait d’une évolution logique. Les gros noms de la distribution en ligne (Expedia, Travelocity et Orbitz) ont tous investi massivement dans ce segment de marché en vue de se positionner sur un des rares secteurs touristiques qui disposent encore de généreuses marges bénéficiaires. D’autres joueurs offrant des sites Internet spécialisés, tels que Cruise411.com et Cruise.com, tenteront également de se démarquer dans cette bataille à venir.
Mais n’oublions pas que la relation d’affaires entre les compagnies de croisières et les agences de voyages a pris un virage particulier. Le secteur aérien n’est plus que l’ombre de ce qu’il était pour le réseau de distribution en termes de source de profits. Les agences se concentrent davantage sur les produits plus rentables comme celui des croisières qui génèrent encore des commissions d’environ 15%. À cet égard, les conseillers en voyages effectuent un excellent travail pour les compagnies de croisières qui n’ont peut-être pas avantage, du moins à court terme, à s’aventurer dans la vente directe.
Une découverte tardive au Québec
Plus de 13,4 millions de passagers dans le monde ont opté pour des vacances de croisières en 2004, une croissance de 8,4% par rapport à l’année précédente. Dans le cas du marché nord-américain, on parle d’une augmentation de la demande de 36% de 2000 à 2004 (graphique 2). Selon The Annual Cruise Review 2004, cette tendance n’est pas prête de s’essouffler puisque le nombre de participants égalera les 15 millions en 2006 et plus de 20 millions en 2012. Quant aux recettes mondiales, elles atteindront les 11 milliards de dollars en 2007, selon Sabres Holdings.
Seulement 0,8% des Québécois ont effectué une croisière en 2004, comparativement à un taux de 1,5% des autres Canadiens. Du côté des Américains, le taux d’incidence grimpe à 2,8%, alors que 16% de la population a déjà effectué une croisière.
Il semble toutefois que les Québécois soient en «mode rattrapage», la demande progressant à un taux annuel de 18%, comparativement à 8% pour l’ensemble de l’Amérique du Nord. Le phénomène du bouche-à-oreille n’est certes pas étranger à ce regain d’intérêt.
Sources:
– Caribbean Futures. «The Changing Profile of Cruises», Tourism Industry Intelligence, vol. 12, no 6, 2005.
– Dale, Terry L. «Outlook for the Cruise Industry», Cruise Lines International Association, 2005 TIA Marketing Outlook Forum, 26-28 octobre 2005.
– Davies, Phil. «More Families Going Cruising – P&O Cruises», [Travelmole.com], 16 août 2005.
– Désiront, André. «Les croisières attirent les Québécois», La Presse, 8 octobre 2005.
– Gélinas, Geneviève. «Gaspé veut accueillir plus de croisiéristes», Le Soleil, 20 septembre 2005.
– Gibbons, Bill. «The UK Cruise Market – Smooth Sailing for U.S. Companies», U.S. Commercial Service, août 2005.
– Gillilan, Sam. «Sabre Holdings – Bear Stearns Technology Conference», 8 juin 2005.
– International Council of Cruise Lines. «The Cruise Industry 2004 Economic Summary», 2005.
– Sileo, Lorraine. «Is Online Cruise Buying a Non-Starter?», PhoCusWright, 4 avril 2005.
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