L’art de la rue dynamise les destinations touristiques
Pièce incontournable du paysage urbain, le street art permet aux destinations de se révéler sous un nouveau jour. Séduite par sa popularité grandissante, l’industrie touristique courtise l’art de la rue et tente de l’intégrer à son offre.
Les particularités de l’art urbain
L’art de la rue (street art) caractérise les œuvres produites par un artiste qui cherche à se réapproprier l’environnement urbain en lui donnant une nouvelle signification. Souvent politisés et chargés en revendications, les messages s’exposent sur des espaces choisis en fonction de ce qu’ils représentent dans leur contexte original et après transformation artistique. L’artiste pose un geste illégal autant que gratuit. On note ici la différence avec l’art public, qui résulte d’une entente passée entre l’artiste et une partie prenante (municipalité, entreprise, etc.). La démarche devient alors légale, rémunérée et doit répondre à la demande du commanditaire.
En marge de l’art traditionnel, l’art urbain s’affiche dans la sphère publique, mais se veut l’expression d’une culture bien particulière. Sa forme originale lui confère certaines spécificités: le détournement des constructions urbaines, l’instantanéité, le caractère illégal de la démarche et l’aspect éphémère de l’œuvre achevée. De plus, il s’adresse et s’impose à tous: inutile de pousser la porte d’un musée ou d’une galerie pour admirer la production d’un artiste de la rue.
Source: Vimeo
À qui appartient l’œuvre? L’artiste en possède les droits d’auteurs, mais l’espace sur lequel il s’est exprimé n’est pas le sien. Son propriétaire peut décider d’effacer ce qui reste considéré comme du vandalisme. Dans le cas d’une mise en tourisme de l’art de la rue, la question des droits d’auteur ne doit pas être oubliée. Bien que les graffiteurs posent un geste gratuit, faut-il pour autant les ignorer en cas de réutilisation de leurs œuvres à des fins commerciales?
Poser un nouveau regard sur les destinations touristiques
l’art de la rue révèle ce qui anime les populations
De par ses racines, son format et les messages qu’il porte, l’art de la rue révèle ce qui anime les populations (revendications sociales, références culturelles, opinions politiques, etc.). Les artistes urbains permettent aux touristes d’aborder la culture visitée de façon immersive et authentique.
Égrainant leurs œuvres des centres historiques aux périphéries, les artistes de la rue étendent leur terrain de jeu sur l’ensemble du territoire urbain. À Lille, une visite de l’art mural à vélo permet la découverte de nouveaux secteurs, tout en assurant une meilleure répartition des revenus.
Source: Ville de Lille
l’art de la rue met en lumière des destinations ignorées du tourisme traditionnel
À plus large échelle, l’art de la rue met en lumière des destinations ignorées du tourisme traditionnel. Vitry-sur-Seine, au sud de Paris, est devenue l’une des villes vedettes de la culture urbaine, où plane une ambiance de modernité, de poésie et d’ouverture d’esprit. Grâce à la tolérance de la mairie, les façades moroses ont accueilli des artistes du monde entier, ce qui dynamise la ville et attire des curieux dans cette localité jusque-là boudée par les touristes.
Les municipalités adoptent différentes attitudes par rapport à l’art urbain, tantôt répressives, tantôt complices avec les graffiteurs. Depuis 30 ans, Philadelphie, la ville aux 3 000 fresques, valorise l’art de la rue par des programmes structurants pour les artistes et par des tours guidés.
Crédits photo: Gary Lawrence
De son côté, le maire de New York a lancé une guerre ouverte à l’artiste Banksy qui, depuis octobre, s’est établi dans la ville et dévoile chaque jour une nouvelle œuvre. En revanche, la Ville a permis à JR d’installer son projet Inside Out NYC à Times Square. L’artiste invitait la population et les touristes à se prendre en photo avant d’exposer les portraits sur le sol, offrant ainsi une expérience inoubliable aux participants.
Exemples d’ouvertures réussies à la clientèle touristique
Bien que l’art de la rue soit l’expression d’une culture marginale, sa valorisation grâce aux modes de diffusion traditionnels est possible. Le MUU Street Art Museum de Zagreb se veut un musée à ciel ouvert qui répertorie et met en évidence les fresques de la capitale croate. À Montréal, la galerie Fresh Paint! héberge des œuvres d’artistes locaux et internationaux. Initiative du même collectif, le festival Under Pressure cherche à démystifier l’art de la rue en présentant à la population la démarche sous-jacente à cette culture.
Source: Adrien Fumex, Fresh Paint!
Le projet Tour Paris 13, plus grande exposition d’art urbain au monde, a accueilli plusieurs dizaines de milliers de personnes. Sa particularité? Les curieux ont eu uniquement le mois d’octobre pour la visiter, la destruction du bâtiment ayant été prévue pour le mois suivant. Les œuvres ont cependant été figées numériquement sur le site Web de la manifestation artistique.
Source: Rue89
Pour apprécier pleinement une réalisation d’art urbain, il faut comprendre la démarche des artistes. Un partenariat entre les intervenants touristiques et le milieu favorise l’immersion du touriste et répond à l’enjeu de la propriété intellectuelle. Les guides de Street Art London Tours sont issus de la culture urbaine; les revenus tirés sont réinvestis dans de nouveaux projets artistiques et aident au référencement ainsi qu’à la conservation numérique des œuvres londoniennes.
Source: Street Art London Tours
L’utilisation des nouvelles technologies permet de valoriser et de conserver les traces d’une démarche qui se veut éphémère. À New York, la Free Art Society ajoute des codes QR à ses réalisations pour créer une chasse au trésor, chaque œuvre menant à la suivante.
Source: PSFK
Lors de l’événement Art Basel à Miami, la réalité augmentée donnait vie aux fresques, en créant une œuvre dans une œuvre.
Source: Vimeo
Les applications mobiles aussi se laissent séduire par l’art de la rue. Urbacolors permet à l’utilisateur de repérer les œuvres situées à proximité, de les photographier et de les partager avec ses amis sur les réseaux sociaux. Des points sont accumulés quand une photo est partagée ou lorsqu’un membre de la communauté l’ajoute à sa collection personnelle. Dans la même veine, la Ville de Paris a lancé l’application My Paris Street Art, qui localise les productions d’art urbain, fournit des explications et permet à celui qui la consulte de participer à l’enrichissement de la base de données existante.
Source: Urbacolors
La mise en tourisme de l’art de la rue doit rester une démarche sincère, proche du milieu et conserver la saveur marginale typique de la culture urbaine. Les artistes de la rue proposent une expérience artistique unique qu’il serait dommage de transformer en produit touristique de masse.
Image à la une: Nuxuno Xän
Analyse rédigée dans le cadre d’un partenariat avec Tourisme Montréal sur le tourisme culturel
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Source(s)
- Atahias, Jérôme. «Du Street Art en réalité augmentée», shakerdepixels.com, 18 avril 2013.
- Cabrera, Elodie. «Street art: la Tour Paris 13 vous offre un tour du monde», rue89.com, 25 septembre 2013.
- Club-innovation-culture.fr. «Le street art parisien sous toutes ses coutures numériques!», 21 octobre 2013.
- Courrierinternational.com. «Banksy est-il le bienvenu à New York?», 25 octobre 2013.
- Desjardins, François. «Graffiteurs contre nettoyeurs», ledevoir.com, 29 août 2013.
- «Fabry, Philippe, [Entrevue]», chargé de mission e-tourisme à Atout France, 13 novembre 2013.
- «Fumex, Adrien, [Entrevue]», gérant de la galerie Fresh Paint!, 14 novembre 2013.
- Lawrence, Gary. «Philadelphie, ville de fresques», lactualite.com, 16 octobre 2013.
- Lexpress.fr. «Vitry, capitale du street art», 6 août 2013.
- Piras, Lara. «QR code murals turn the East Village into a giant scavenger hunt», psfk.com, 7 août 2013.
- Tardy, Pierre. «Le street art est-il (mal)aimé?», UrbaNews.fr, 21 octobre 2013.
Sites Web:
Cet été il y a eu le festival Mural à Montréal http://muralfestival.com/. Vraiment intéressant en termes de visibilité, puisque depuis, la Main est remplie de murales grâces à des façades prêtées à des artistes.
Tout à fait d’accord avec Andréanne ; il existe de beaux modèles au Québec. Merci je retiens le tuyau pour votre festival.
Moi, mon coup de coeur va à l’installation de photographies dans le paysage québécois comme à Montréal (Marché Atwater), Kamousaka, St-Jean-sur-Richelieu et celui de ma région ; Les Rencontres internationales de la photographie en Gaspésie : http://www.photogaspesie.ca.
Les Rencontres c’est une exposition extérieure de 900 photos réparties dans 25 sites et attraits (13 municipalités-hôtes).
Notification importante : la main était déjà remplis de Murales, ça fait depuis les années 1990 que le mouvement graff et street art se sont emparé de cette rue. Cops Crew / Stare / Labrona, Arpi / Under Pressure /A’shop /Scan était déjà tous là depuis longtemps.
Au final très peu de nouveau murs ont été débloqué.
Article intéressant et pertinent ! Avec les oeuvres exceptionnelles qui pullulent sur les murs de la métropole, le développement d’un outil (géolocalisation, infos) comme celui de la ville de Lille serait opportun pour Montréal.
Excellent texte! Que d’exemples inspirants!
Cet article est très inspirant. L’art mural s’ancre dans une culture, un environnement, un espace-temps. Il transforme notre point de vue, notre expérience de cet espace-temps. Les regards changent, eux aussi. L’expérience évolue. L’expérience – qui appartient à toutes et à tous – porte à la fois une culture en mouvement et le changement de notre regard sur cette culture.
Merci pour ces commentaires!