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Analyses - 6 avril 2006

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avril 2006

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Les voyagistes en direct, le mouvement s’accélère

Cela fait déjà un bon moment que l’on anticipe une réelle incursion sur le Web des géants du tourisme, notamment TUI et Thomas Cook. Se relevant d’années difficiles, les grands voyagistes européens ont trouvé le moyen de donner la riposte aux transporteurs à rabais et aux agences en ligne qui, progressivement, parvenaient à leur soutirer des parts de marché en raison des percées du commerce en ligne. Grâce à leur nouveau portail de réservations, à leurs campagnes télé et à leur centre d’appels, les voyagistes rejoignent désormais directement et de manière efficace les consommateurs.

Pour maintenir les acquis

Jusqu’à récemment, les grands tour-opérateurs spécialisés dans la vente de forfaits de vacances demeuraient à l’écart de la distribution en ligne, s’appuyant essentiellement sur leur réseau d’agences de voyages traditionnelles. Selon les derniers estimés, les ventes directes des tour-opérateurs européens ne dépassaient guère les 8%, alors que l’on demeurait également soucieux de ne pas pénaliser le réseau des agences, tributaire d’une part majeure de leur chiffre d’affaires. Si l’on regarde spécifiquement les ventes en ligne de forfaits de vacances, selon PhoCusWright, seulement 9% ont été enregistrées par les voyagistes en 2005, la grande majorité étant attribuable aux agences en ligne.

Le vent semble néanmoins tourner en faveur des tour-opérateurs d’envergure tels que TUI et Thomas Cook qui ont amorcé la transition vers le commerce en ligne (voir image). Les investissements massifs consentis récemment au développement d’une plateforme de commerce électronique par les voyagistes majeurs commencent à porter leurs fruits et une nouvelle dynamique s’installe.

Une telle stratégie devenait nécessaire afin de conserver les acquis en termes de parts de marché, les voyageurs étant de plus en plus nombreux à vouloir acheter en ligne. Au Royaume-Uni par exemple, on s’attend à ce que la forfaitisation dynamique (qui permet au consommateur de concevoir lui-même son forfait sur Internet) représente plus de 34% du chiffre d’affaires des tour-opérateurs britanniques en 2007 – elle comptait pour seulement 3,8% jusqu’à récemment.

De plus, le marché des vacances court-courrier est devenu ultra compétitif en Europe depuis l’arrivée des transporteurs à rabais. La présence sur le Web des tarifs de tous les segments aériens, y compris ceux des transporteurs réguliers et nolisés, permet aux internautes de comparer aisément l’offre disponible et d’effectuer une chasse aux aubaines. Les forfaits de vacances traditionnels se voient donc menacés, les consommateurs étant maintenant en mesure de déterminer le prix de chacune des composantes et de créer leurs propres forfaits personnalisés. C’est cette réelle possibilité de perdre le voyageur aux mains des agences en ligne ou d’autres fournisseurs offrant les mêmes possibilités de forfaitisation dynamique qui a forcé les tour-opérateurs à réagir.

Les tour-opérateurs ciblent directement les consommateurs

En 2005, TUI a enregistré des ventes record grâce principalement aux transactions sur Internet qui ont atteint 1,8 milliard d’euros, soit une augmentation annuelle de 44%. Sur les marchés allemand et britannique, l’entreprise domine avec des parts de marché respectives de 18% et de 13%. Et ce n’est que le début, puisque le lancement officiel du portail global de TUI avec toutes ses fonctionnalités ne s’est fait qu’en décembre dernier. Pourtant reconnu pour ses forfaits de vacances, le voyagiste enregistre aussi des hausses significatives de réservations en ligne d’autres produits, notamment des vols et de l’hébergement.

Si l’on inclut les réservations effectuées par l’entremise des centres d’appels et les ventes découlant des publicités télévisées, les ventes directes aux consommateurs comptent désormais pour 25% du chiffre d’affaires de la division tourisme de TUI qui totalise environ 14 milliards d’euros.

Le voyagiste Thomson, filiale de TUI, offre plusieurs nouveautés qui visent à séduire directement le consommateur. L’entreprise compte par exemple transmettre à ses clients les dernières offres par le biais de liens RSS acheminés sur leur téléphone cellulaire. Autre innovation, depuis février dernier les clients peuvent visualiser en trois dimensions le site de vacances convoité, grâce à la technologie de Google Earth. En plus des nombreuses images, le site s’appuie également sur une banque de quelque 1700 vidéos pour faciliter le processus d’achat des produits variés offerts aux internautes.

Marketing fonceur chez Thomas Cook

Du côté de Thomas Cook, l’autre géant du tourisme, les ventes en ligne sur le marché britannique représentent désormais plus de 20% du chiffre d’affaires. En février 2006, le conglomérat britannique a aussi opté pour une importante offensive publicitaire afin d’influencer la perception des consommateurs quant à la nature même de l’entreprise. La stratégie était de positionner Thomas Cook comme le plus important leader en termes d’offres sur Internet. Le message adopté visait directement ses deux principaux rivaux, soit Expedia et Lastminute, avec l’objectif de démontrer que le site s’inscrit comme un point de vente unique où l’on retrouve, en plus des forfaits de vacances habituels, tous les vols réguliers, les vols nolisés ainsi que l’option de la forfaitisation dynamique.

En plus de parrainer des soirées cinéma et certains programmes de télévision où il offre la possibilité de gagner un voyage, Thomas Cook promeut particulièrement sa marque Neckermann dans la presse télé. Le groupe a même créé pour l’occasion un personnage, Supernecky (voir image), qui symbolise «les valeurs de proximité et d’accessibilité» du tour-opérateur. Il servira d’outil de communication, tant à l’endroit du grand public qu’auprès du réseau de distribution.

Baisse des commissions

Une autre étape charnière de la stratégie globale des voyagistes consiste à réviser le modèle d’affaires des compensations offertes au réseau de distribution. Certains voyagistes ont réduit à 7% le taux de commission consenti aux agences de voyages depuis janvier 2006. Cette décision initiée par Thomson fut très mal accueillie de la part des agences détaillantes qui craignaient que les voyagistes n’accélèrent leur stratégie d’affaires relative aux ventes directes auprès des voyageurs. Les analystes s’attendent à ce que les sommes épargnées soient réinvesties dans le marketing direct.  

En guise de contestation, plusieurs agences de voyages ont cessé de vendre les produits de Thomson, mais, paradoxalement, le site Internet de ce dernier est désormais l’un des plus fréquentés. Le pari semble en voie de rapporter gros à Thomson et d’autres tour-opérateurs pourraient s’en inspirer. Une deuxième baisse des commissions, cette fois à 5%, sera vraisemblablement bientôt annoncée.

Plus près de nous, le groupe Transat domine la scène canadienne sur le marché des voyages de vacances. Le voyagiste québécois mise encore beaucoup sur son réseau d’agences détaillantes pour vendre ses produits, mais une partie de plus en plus importante de son chiffre d’affaires provient maintenant des ventes en ligne réalisées directement auprès des consommateurs, grâce à son site Exit.ca. 

Par ailleurs, l’arrivée en force sur la scène québécoise du grossiste Go Travel Direct a suscité tout un impact et a forcé les joueurs en place à réviser leurs méthodes de distribution. Rappelons que Go Travel Direct opère selon une stratégie de bas prix, court-circuitant le réseau des agences. La riposte de Transat est venue du côté de sa bannière Nolitours qui propose des produits semblables, grâce à des commissions réduites et à des réservations directes en ligne. Une évidence demeure: la course aux aubaines conditionne de plus en plus les relations d’affaires entre les consommateurs et le réseau de distribution. La désintermédiation poursuit son chemin.

Sources:
– Carroll, William J. et Peter O’Connor. «European Hotels: Managing Hospitality Distribution», PhoCusWright, septembre 2005.
– Filliâtre, Pascale et Stéphane Jaladis. «Les TO passent à la télé», L’Écho touristique, no 2754, 3 février 2006.
– Fox, Linda. «Thomson Trials Phone Technology», Travelmole, 23 mars 2006.
– L’Écho touristique. «Thomas Cook préfère la télé», 16 janvier 2006.
– Sileo, Lorraine. «PhoCusWright Assesses its 2005 Predictions, Makes New Ones for ’06» PhoCusWright, 31 janvier 2006.
– Skidmore, Jeremy. «First Choice Set To Follow Thomson with 7% Commission», ABTA Convention Special Report, 25 novembre 2006.
– Skidmore, Jeremy. «Operator Accused of « Hypocrisy » over Commission Cut», ABTA Convention Special Report, 25 novembre 2006.
– Thomas Cook. «New Thomas Cook Advertising Challenges Online Travel Perceptions», Press Releases, 30 janvier 2006.
– Thomas Cook. «Thomascook.hit!», Press Releases, 2 novembre 2005.
– Travelmole. «Thomson Holidays Gives Customers Google Earth», 2 février 2006.
– TUI. «TUI Starts the 2005/2006 Travel Wear with Increased Bookings Turnover Growth in Key Source Markets / Online Turnover Up by 44 Per Cent», Press Releases, 8 mars 2006.

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