Quand les réceptifs tirent leur épingle du jeu
À l’heure de la désintermédiation et de la croissance des ventes de voyages en ligne, les agences réceptives doivent prouver plus que jamais leur importance au sein du réseau de distribution.
Remise en question, changement et adaptation sont des mécanismes nécessaires à tous les secteurs de l’industrie touristique. Le réseau de distribution, qui est touché par l’évolution du comportement des voyageurs et par l’arrivée de nouveaux intermédiaires, n’échappe pas à la règle. Parmi ses acteurs se trouvent les agences réceptives, qui font face à des menaces, mais aussi à de nombreuses opportunités. Comment peuvent-elles réagir et se démarquer?
Qu’est-ce qui définit une agence de voyages réceptive?
Sommairement, un réceptif est une agence de voyages qui conçoit des forfaits touristiques sur le territoire où elle est basée pour les vendre aux voyagistes. Elle accueille ensuite et prend en charge les touristes tout au long de leur séjour. Voici sa place dans la chaîne de distribution:
Selon une étude de Horwath HTL et d’Interface Tourism France, cette agence apporte sa valeur ajoutée par:
- sa connaissance du territoire touristique et de l’offre des prestataires;
- sa maîtrise ou du moins son accès privilégié au stock de prestations, notamment hôtelières, au meilleur prix;
- sa connaissance de la demande finale et sa capacité à y répondre;
- son aptitude à résoudre les problèmes qui peuvent se poser dans l’organisation d’un voyage ou d’un séjour.
Afin qu’elles puissent conserver leurs atouts, de nombreuses possibilités s’offrent aux agences réceptives, qui doivent cependant être prêtes à modifier leurs manières de travailler.
Désintermédiation et forfaits vendus en ligne
En raison du phénomène de désintermédiation, la clientèle individuelle réserve de plus en plus l’essentiel de ses composantes de voyage sur les sites des agences de voyages en ligne (OTA). Selon les prévisions 2014 de PhoCusWright, aux États-Unis, les forfaits en ligne seront majoritairement vendus par les OTA (86% de part de marché, comparativement à 14% pour les voyagistes). Néanmoins, l’ensemble des ventes de forfaits (en ligne et hors ligne) sera généré à 68% par les voyagistes, loin devant les OTA (32%).
De plus, depuis 2011, les forfaits vendus en ligne par les voyagistes augmentent entre 2 et 4% chaque année, alors que ceux vendus par les OTA ont baissé de 1 et 2% en 2011 et 2012, et ont stagné en 2014. Une autre note positive pour le réseau de distribution traditionnel est l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché de la distribution en ligne, tels que Evaneos et Doyourtravel (rachetés par le GDS Amadeus). Ces derniers présentent des occasions d’affaires pour les réceptifs, qui gagnent ainsi en visibilité.
Représentant à la fois une menace et une opportunité, la désintermédiation concerne davantage la clientèle individuelle que celle de groupe, en raison de la nature plus complexe des demandes de cette dernière.
Produits de niche et forfaits à la carte
l’agence réceptive est spécialisée dans les destinations et peut donc proposer des produits personnalisés et de niche
Le voyagiste, qui vend de nombreuses destinations, est un généraliste qui propose le plus souvent des offres classiques. De son côté, l’agence réceptive est spécialisée dans les destinations et peut donc proposer des produits personnalisés et de niche. C’est justement ce que recherche le voyageur: un forfait sur mesure ou à la carte. Toutefois, le travail de conception nécessite davantage de temps, et l’atteinte de la rentabilité est un défi permanent.
En réponse à cet enjeu, l’agence québécoise Globe-Trotter Tours Canada a développé un nouvel outil en ligne de forfaitisation dynamique. Le voyagiste partenaire peut concevoir un programme à la carte en choisissant une à une les prestations (hébergements, activités, transports). L’ensemble est ensuite validé par l’agence qui, libérée d’une partie de son travail, est plus disponible et réactive. Les initiatives de ce genre sont rares, d’autant plus que peu d’agences réceptives sont présentes en ligne.
Collaboration marketing
Les agences réceptives collaborent très peu avec les organismes de promotion touristique présents sur leur territoire pour faire connaître la destination à l’étranger
Les agences réceptives collaborent très peu avec les organismes de promotion touristique présents sur leur territoire pour faire connaître la destination à l’étranger. Cela peut s’expliquer par le fait qu’elles accueillent la clientèle démarchée par les voyagistes. Pourtant, de tels partenariats leur permettraient de se démarquer de leurs concurrents. Voici quelques initiatives françaises:
- Le réceptif Miki Travel à Paris, dont la clientèle est asiatique, coopère avec l’Office de tourisme et des congrès de Paris pour faire la promotion de la ville au Japon.
- Les Autocars N&M, qui vendent des autotours dans la région Rhône-Alpes, organise conjointement avec Rhône-Alpes tourisme des formations destinées aux agents de voyages de différents marchés étrangers.
- Le réceptif Sud France crée des produits (prestations sans hébergement) préalablement établis par l’Office de tourisme de Carcassonne. Celui-ci assure ensuite la promotion et se rend dans les marchés émetteurs. Ce partenariat est inhabituel, puisque le réceptif agit en tant que sous-traitant, mais cela s’avère particulièrement adapté aux petites agences locales, qui n’ont pas d’autres moyens d’assurer leur promotion à l’étranger.
Réflexions des réceptifs québécois
L’ARF-Québec regroupe les agences de voyages réceptives et les forfaitistes spécialisés sur le Québec ainsi que leurs partenaires d’affaires. Leurs relations avec les prestataires et les associations touristiques régionales et sectorielles sont au cœur de leurs préoccupations. Un de leurs défis est de mieux se faire connaître auprès des prestataires québécois. En effet, certains ne savent pas comment travailler avec le réseau de distribution et ne respectent donc pas la règle tacite qui consiste à commercialiser leurs produits par l’agence réceptive et non par le voyagiste. Or comme l’expliquait l’Association lors de son colloque en juin dernier, la force d’une destination consiste à travailler en synergie avec son réseau de distribution.
Image à la une: © istockphoto
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Source(s)
– Colloque de l’ARF-Québec. «Travailler en synergie avec le réseau de distribution – La force d’une destination», 16 et 17 juin 2014.
– Horwath HTL et Interface Tourism France. «L’offre réceptive, un levier de dynamisation de l’offre touristique française sur les marchés étrangers», dgcis.gouv.fr, mars 2013.
– PhoCusWright. «2012 US Online travel overview - twelfth edition», novembre 2012.
– Thouverez, Rémi Bain. «L’avenir de l’intermédiation passe par le sur mesure», tourmag.com, 19 juin 2014.
Bonjour Aude et merci pour cet article fort intéressant.
J’ai moi-même fondé le réceptif Authentik Canada en 2002 (www.AuthentikCanada.com).
Nous avons toujours ciblé le voyageur directement via Internet. Ce modèle d’affaire de BtoC est plutôt rare pour un réceptif. Nous avons d’ailleurs cherché des comparables à Authentik sur le web, dans d’autres pays, et nous avons du mal à retrouver notre concept ailleurs.
Nous arrivons pourtant très bien à « tirer notre épingle du jeux ».
Je serais curieux de savoir si vos recherches vous ont menées à analyser d’autres réceptifs ayant le même modèle d’affaires que nous ?
Bonjour Simon,
Je suis en train de travailler sur la création d’une agence réceptive en France qui ressemblerait beaucoup à Authentik. J’aimerai bien m’entretenir avec vous sur le fonctionnement de votre business model et de sa rentabilité.
Pouvons nous échanger à ce sujet ?
Merci beaucoup