Technologie et patrimoine : faire le pont entre hier et aujourd’hui
Les nouvelles technologies peuvent effectuer de petits miracles pour renouveler un contenu patrimonial, immerger le visiteur dans une autre époque et séduire des publics qui ne se sentent pas initialement interpellés par l’histoire qui est racontée.
La troisième édition du Forum sur le tourisme numérique, qui s’est tenue à Deauville en mars dernier, a regroupé un grand nombre de conférenciers et de participants et sensibilisé les acteurs de l’industrie à cette dimension. Entre autres sujets abordés, quelques intervenants ont parlé de l’utilisation du numérique pour valoriser les sites patrimoniaux. Voici un bref compte rendu des exemples présentés.
L’ensemble du site raconte l’histoire
L’Abbaye de Fontevraud, d’inspiration bénédictine, fut fondée en 1101 et est située dans la région des Pays de la Loire. Elle occupe un terrain de 13 hectares, et est ainsi l’une des plus grandes cités monastiques d’Europe. En plus de la visite de l’abbaye, le site comprend un hôtel haut de gamme, un restaurant gastronomique, un espace d’exposition d’art contemporain et propose une programmation culturelle. C’est donc un véritable complexe culturel, et ce concept rejoint l’idée du tout premier fondateur, qui était de créer une cité idéale.
Le directeur de l’établissement, David Martin, explique que le numérique occupe une place importante dans la façon de raconter l’histoire des lieux. On cherche à trouver un équilibre entre la demande pour des connaissances et la transmission d’un contenu plus sensible, lié à l’émotion ou au jeu. Entre autres, on trouve sur le site de l’abbaye :
- des tablettes tactiles discrètes, disposées tout le long de la visite pour expliquer les lieux;
- l’espace multitouch, un iPad géant qui pose cependant un défi lorsqu’il y a plusieurs utilisateurs en même temps, selon M. Martin;
- le Liberty guide, un audioguide repensé dont le contenu se déclenche selon ce qu’on regarde. L’ordre étant aléatoire, il fallait néanmoins organiser l’information de manière à raconter une histoire;
- une application qui invite les enfants à trouver un lieu ou un objet et à le prendre en photo pour déclencher un court jeu;
- des installations ou innovations technologiques dans les autres espaces du site. La visite de l’hôtel grâce à des drones en livre un aperçu. Notons plus spécifiquement les tables tactiles du restaurant-bar iBar qui fournissent des explications sur les lieux.
Source : Fontevraud
On cherche à trouver un équilibre entre la demande pour des connaissances et la transmission d’un contenu plus sensible, lié à l’émotion ou au jeu.
Forts de leurs expérimentations, les gestionnaires de l’abbaye ont créé un regroupement d’entreprises (de type cluster) autour du numérique culturel. Ils se positionnent ainsi comme leaders et enrichissent leurs connaissances par l’échange.
Voyage médiéval en réalité augmentée
Le Château Guillaume-le-Conquérant ou château de Falaise est situé en Basse-Normandie. La directrice, Charlotte Lapiche, explique la démarche suivie pour lui redonner ses couleurs médiévales. La technologie est utilisée principalement de deux façons.
- On met à la disposition du public des bornes stéréoscopiques : à travers ces jumelles, on redécouvre les espaces extérieurs comme ils devaient l’être à l’époque de Guillaume le Conquérant. Des animations en réalité augmentée ajoutent au réalisme. Un comité multidisciplinaire y a œuvré pour élaborer des hypothèses d’aménagements et d’animations les plus conformes possible.
- À l’intérieur, l’architecture est très épurée, mais les visiteurs utilisent une tablette tactile pour découvrir les pièces décorées dans le style de l’époque. Une importante recherche historique et archéologique a été réalisée pour s’approcher le plus possible de l’aménagement intérieur de l’an 980. Visionnez le reportage de Culturebox.
Source : CultureBox
La réalité augmentée est utilisée depuis plusieurs années à l’Abbaye de Cluny en Bourgogne. La première étape a été la réalisation d’une maquette 3D, conçue par des ingénieurs et historiens en tout respect de l’archéologie. Cela a permis la création de restitutions visuelles qui sont présentées à l’aide de bornes disséminées au fil du parcours. Ces grands écrans peuvent être manipulés à 180 degrés. Même la lumière du jour est prise en compte pour être reproduite dans l’image en réalité augmentée.
Source : On dit médiéval, pas moyenâgeux
Faire vivre une expérience personnalisée
Magali Mallet présente comment le Musée Airborne, consacré à la mémoire des parachutistes américains qui ont été largués lors du début du débarquement allié en Normandie en juin 1944, a renouvelé son offre à travers une approche numérique. Ce musée se trouve à Sainte-Mère-Église, en Basse-Normandie. Inaugurées en 1964, ses expositions n’étaient plus tout à fait au goût du jour. L’architecture particulière de l’endroit et des salles chargées (des avions sont exposés) contribuaient à la complexité du renouvellement. Il importait de revoir la présentation des collections qui rappelaient beaucoup de souvenirs à la clientèle qui avait vécu de plus près la Deuxième Guerre mondiale, mais qui étaient moins évocatrices pour les nouvelles générations de visiteurs.
Dans les avions, le musée présente aujourd’hui une vidéo scénarisée de deux minutes, en boucle, qui amène le visiteur très proche de l’expérience vécue par les parachutistes. De plus, une application pour tablette est en cours de développement. Elle permettra de personnaliser la visite selon les intérêts, le niveau de connaissance de ce pan de l’histoire et la langue. En fonction des critères choisis, un parcours sera proposé avec un temps de visite estimé. L’application inclura aussi un parcours pour les enfants.
Pour les lieux patrimoniaux, le contenu demeure le même – on ne change pas l’histoire –, mais les outils pour le présenter peuvent apporter un regard nouveau et plonger le visiteur dans un véritable voyage dans le temps.
Source de l’image à la une : Fontevraud
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Source(s)
Belin, Jacques, Charlotte Lapiche, Magali Mallet et David Martin. « Quand l’histoire tutoie les nouvelles technologies », Forum de Deauville – Tourisme numérique, 3e édition, 23 et 24 mars 2015.
Je trouve l’expérience de l’Abbaye Royale de Fontevraud remarquable sur bien des points:
– la rénovation et mise en valeur d’un lieu historique
– la creation d’offres touristiques traditionnelles comme un restaurant ou un bar, lieu d’événements tout en offrant une nouvelle dimension par le cadre, la décoration, le mobilier et les équipements, etc…
– l’introduction des supports numériques dans l’expérience proposé au visiteur ou client du site
– le développement des énergies alternatives sur le site
Je compte faire connaitre cette réalisation exemplaire dans mes interventions et lors de cours à l’université ou dans des écoles privées sur les bonnes pratiques de valorisation d’un patrimoine et son intérêt économique pour une région comme d’Anjou et le Saumurois.