Protection des paysages québécois… Urgence!
Pour de nombreux visiteurs, la beauté des paysages fait partie des éléments les plus recherchés lors d’un voyage au Québec. Malgré ce constat, peu de mesures sont déployées pour protéger les paysages québécois qui sont pourtant menacés par l’affichage et l’implantation d’infrastructures telles que les fils électriques, les éoliennes ou simplement des résidences.
Le fléau de l’affichage commercial
Dans le cadre des Journées annuelles de l’accueil touristique (25-27 octobre 2006), M. Pascal Lacasse du ministère des Transport du Québec a abordé la préoccupante question de l’affichage commercial le long des routes ou des entrées de villes du Québec, rappelant que l’affichage commercial est abondant, diversifié, bien souvent déstructuré et quelquefois carrément inutile (photos).
Alors que l’affichage devrait contribuer à l’image de l’agglomération, dans certains cas il crée plutôt une confusion visuelle, perturbe l’image du lieu ou de la destination et compromet son attractivité touristique en laissant supposer que l’offre locale se limite à celle décrite par l’affichage et ce, sans compter la surenchère présente à certaines intersections qui finit par nuire aux visiteurs qui ne s’y retrouvent plus (photo).
Les actions néfastes pour les paysages qui ont été évoquées lors de la conférence sont variées:
- Utilisation du visuel de signalisation à des fins d’affichage commercial (photo).
- Enseignes commerciales géantes et animations indésirables.
- Enseignes lumineuses et surenchère de néons.
- Présignalisation abusive (parfois plus de 100 km avant l’activité).
- Utilisation de supports inadéquats (remorques, structures abandonnées) (photo).
- Émergence de publicités immobilières en milieu de villégiature.
- Etc.
L’aspect juridique et financier
En conclusion de sa présentation, M. Lacasse a souligné l’urgence de la situation et précisé que la problématique de l’affichage commercial au Québec nécessite une prise de conscience élargie, notamment de la part des municipalités, puisque les interventions du ministère des Transport sont limitées par les changements juridiques survenus au cours des dernières années.
En effet, de 1965 à 1998, une loi réglementait les panneaux, les réclames et les affiches et interdisait tout affichage à moins de 1000 pieds (305 mètres) des autoroutes. La nouvelle loi instaurée en 1998 a aboli ces interdictions d’affichage, sauf pour quelques tronçons de différents axes routiers. Malgré la protection accordée par décret à certains tronçons supplémentaires en 2000, la situation continue de se dégrader rapidement et les cas d’affichages illégaux se multiplient. Pourquoi? C’est simple: c’est payant! Et ce, autant pour les propriétaires de panneaux dont le chiffre d’affaires a connu une croissance annuelle de 15% au cours des dernières années que pour les municipalités et les propriétaires terriens qui accueillent les afficheurs. À titre d’exemple, un panneau publicitaire implanté près de l’autoroute 10 peut rapporter un revenu annuel de 25 000$ à la municipalité.
La situation chez nos voisins
L’approche très permissive du Québec contraste avec celle de nos voisins. En Ontario, la loi interdit l’affichage publicitaire à moins de 400 mètres des autoroutes, à moins de 46 mètres des autres routes et à moins de 186 mètres des intersections. De plus, l’affichage dans ces zones exige un permis spécial du ministère provincial et une distance séparatrice minimale est imposée pour éviter l’agglutination des affiches. Pour sa part, le Nouveau-Brunswick a adopté en 1997 une loi qui interdit l’installation de panneaux publicitaires à moins de 500 mètres des routes touristiques.
Au sud de la frontière, le Vermont, reconnu pour la qualité de ses paysages, a quant a lui opté pour une solution sans équivoque en interdisant tout affichage et ce, dès 1968. Une situation qui prévaut également dans trois autres États: le Maine, l’Alaska et Hawaii.
Des pistes d’action
En terminant sa conférence, M. Lacasse a présenté une série de pistes d’action envisageables afin de faire face au défi de la cohabitation des interventions humaines et des paysages:
- L’effort doit aller au-delà de l’affichage et considérer tous les éléments aux abords des routes.
- Trouver un équilibre entre la préservation des paysages et le besoin d’informer les usagers de la route.
- Identifier les «points de vue» et interdire l’affichage à ces endroits.
- Limiter le recours à l’affichage et supprimer l’ambiguïté entre information et publicité afin de partager équitablement l’espace d’affichage.
- Agrémenter la route (la distance entre deux attraits peut être parfois très longue) et transformer les routes touristiques en une expérience complète au lieu qu’elles soient seulement un itinéraire entre des attraits.
- Créer des entrées de villes significatives et des affiches tenant compte des caractéristiques des bâtiments, des rues, des places et des éléments paysagers.
Au-delà de l’affichage, les défis sont nombreux!
Le défi de la beauté de l’environnement offert aux visiteurs va au-delà de la situation de l’affichage commercial. Le Québec doit aussi relever le défi de la beauté du cadre bâti et de l’aménagement urbain.
La présentation de M. Lacasse soulevait déjà la problématique de l’affichage commercial en façade des commerces. Plusieurs villes et villages touristiques ont adopté des mesures afin d’améliorer la situation, mais beaucoup reste à faire. D’ailleurs, l’un des défis demeure la présence des lignes électriques et de transmission qui affecte le paysage municipal de nombreuses localités.
Le développement harmonieux représente également un enjeu pour plusieurs régions. En mars dernier, la une du quotidien Le Devoir faisait état d’une situation aux Îles-de-la-Madeleine où certains citoyens implantent leur résidence en dehors des noyaux villageois sans nécessairement réaliser que l’ajout de leur maison vient irrémédiablement altérer des points de vue extraordinaires.
Par ailleurs, la réflexion en cours du côté du développement éolien illustre également l’importance d’une prise de conscience de la valeur des paysages ainsi que la nécessité de mettre en place des mesures d’évaluation et de protection des paysages significatifs.
Protection des paysages vs tourisme durable
En 2005, l’industrie québécoise du tourisme s’est officiellement engagée à travailler à la mise en oeuvre des principes de développement durable. À cet égard, il est impératif pour l’industrie de réaliser que la protection des paysages fait partie de cet engagement.
Depuis l’instauration d’une charte des paysages en 2000 par le Conseil du paysage québécois, plusieurs régions du Québec ont amorcé des démarches afin que les paysages deviennent une préoccupation fondamentale lors de toute intervention sur le territoire, mais force est de constater qu’il reste beaucoup à faire!
Sources:
- Blanchette, Jean-Paul. «L’affichage au Québec et le patrimoine paysager: À quand un véritable débat?», Revue Formes, vol. 2, no 3, août 2006, p. 10-12.
- Deglise, Fabien. «Cri d’alarme des Madelinots», Le Devoir, vendredi 10 mars 2006, p. A1.
- Francoeur, Louis-Gilles. «Le Québec, royaume de l’affichage publicitaire sauvage». Le Devoir, vendredi 7 janvier 2005, p. B6.
- Haroun, Thierry. «Prix Gérard-Morisset – Voir le paysage – L’oeuvre de Paul-Louis Martin est placée sous le signe de l’engagement», Le Devoir, samedi 11 novembre 2006, p. G2.
- Lacasse, Pascal. «Affichage et paysages», conférence, Journées annuelles de l’accueil touristique, 27 octobre 2006.
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