Provenance géographique des Américains au Québec, selon leur mode de transport
Le resserrement des mesures de sécurité, la hausse du prix de l’essence, les nouvelles exigences de passeport, la fluctuation du taux de change et l’accès aérien sont tous des facteurs qui peuvent exercer une influence sur les habitudes de voyages des Américains. Ces derniers viennent de moins en moins au Québec, mais tous les marchés géographiques ne sont pas homogènes et il semble que le segment des voyageurs aériens ne s’en tire pas trop mal. Voici un topo statistique des voyageurs américains au Québec, selon leur mode de transport.
Mise en contexte
Le comportement de voyages des Américains a drastiquement changé au cours des dernières années. Même s’il a baissé considérablement, ce marché demeure le principal foyer émetteur de touristes internationaux pour le Québec, comptant à lui seul pour plus de 67% des déplacements touristiques qui comportent au moins une nuitée dans cette province. (Lire aussi: Mieux comprendre le déclin du marché américain au Québec en 2005.)
Pourtant, les dernières années n’ont pas été faciles; en effet, même si les départs à l’étranger des Américains en 2005 sont en hausse de 10% par rapport à 1998, le taux de croissance à destination du Québec n’est que de 5% au cours de la même période. (Lire aussi: Une concurrence qui mine la performance du Québec et du Canada.)
Les changements des habitudes de voyages des Américains peuvent s’effectuer sur plusieurs plans, notamment celui du mode de transport utilisé. À la base, ce sont deux marchés relativement différents; on trouve, d’une part, les vacanciers des États limitrophes qui se déplacent au Québec principalement en voiture et, d’autre part, les voyageurs d’affaires et ceux des autres régions des États-Unis qui utilisent majoritairement l’avion. Voyons maintenant dans le détail comment se partagent ces deux segments de clientèle.
L’avion régresse moins que l’automobile
De toute la dernière décennie, l’année 2002 s’est révélée l’une des meilleures cuvées américaines pour le Québec. Si l’on analyse les données provenant des entrées aux frontières, on constate que cette bonne performance est due principalement aux visiteurs qui se déplacent en automobile (graphique 1). Depuis 2000, les statistiques à propos des autres modes de transport (dont 60% concernent l’avion) sont demeurées beaucoup plus stables: légère baisse de 4% en 2006 par rapport à 2000; du côté des touristes voyageant en automobile, on note un important déclin de 10% pour la même période.
En 2006, l’écart entre le nombre d’Américains qui viennent au Québec en automobile et ceux qui optent pour un autre moyen de déplacement est à son plus bas, à 197 000 touristes; en 2002, à son plus haut niveau, cet écart s’élevait à 504 000. Le portrait du tourisme de proximité, soit celui des excursionnistes, est encore plus sombre. (Lire aussi: Touristes américains: où sont-ils passés?)
Portrait par États d’origine
Les Américains qui voyagent en automobile en provenance des États du Massachusetts et de New York constituent les deux principaux marchés touristiques pour le Québec (graphique 2). Selon les données de Statistique Canada issues de l’Enquête sur les voyageurs internationaux, un total de près de 435 000 Américains sont des résidants de ces deux États. Le plus important contingent de voyageurs (423 000) est composé néanmoins des utilisateurs de l’avion en provenance des autres États éloignés, qui ne figurent pas parmi les principaux émetteurs de touristes.
Le graphique 2 nous apprend que:
- La quasi-totalité des touristes du Vermont utilisent la voiture pour venir au Québec.
- Près de la moitié des touristes américains (41%) qui visitent le Québec en autobus, soit 67 000 touristes, viennent du Maine.
- Le Massachusetts ne nous envoie que 15 000 passagers aériens (l’Ontario en reçoit 50 000 selon les statistiques tirées de la même enquête), comparativement à 43 000 pour la Pennsylvanie (Ontario: 50 000), 61 000 pour la Floride (Ontario: 131 000) et 104 000 pour l’État de New York (Ontario: 164 000).
Quand on décortique le segment «Autres», on constate que plusieurs États éloignés constituent d’intéressants marchés touristiques sans pour autant qu’ils soient la cible d’offensives marketing.
Les autres principaux marchés éloignés de voyageurs aériens au Québec sont:
- Californie: 88 000 (Ontario: 148 000)
- Texas: 45 000 (Ontario: 138 000)
- Illinois: 31 000 (Ontario: 120 000)
- Virginie: 23 000 (Ontario: 39 000)
- Wisconsin: 23 000 (Ontario: 59 000)
- Caroline du Nord: 21 000 (Ontario: 48 000)
Comme la ville de Toronto bénéficie d’une meilleure desserte aérienne, l’Ontario obtient de bien meilleures performances.
Évolution du marché d’agrément
Les deux prochains graphiques apportent des éléments de réponse quant à l’évolution du comportement de voyages des Américains qui font des séjours d’agrément au Québec. Dans le cas des touristes en automobile, on note des baisses significatives en 2005 par rapport à 2004 et ce, dans les quatre principaux États émetteurs, soit New York, Massachusetts, Vermont et New Hampshire. Seul le Maine affiche une légère augmentation en 2005.
Quant aux voyageurs aériens, toujours pour motif d’agrément, la situation est beaucoup moins négative. Pour certains États, les gains réalisés auprès des touristes qui ont pris l’avion compensent, en nombre, les pertes enregistrées sur le marché des voyageurs en automobile. Le Québec a en effet fait d’importants gains sur les marchés de New York, de Pennsylvanie et de Floride. On remarque toutefois une baisse de 39 000 passagers provenant des marchés éloignés (Autres).
Voyages d’affaires et visites de parents et amis aux antipodes
Les voyageurs d’affaires américains utilisent principalement l’avion pour leurs déplacements au Québec (graphique 5). New York constitue un marché important avec 43 000 touristes d’affaires, dont 34 000 par avion. Le part du lion de ce segment de clientèle provient toutefois des autres États, qui ont envoyé au Québec 213 000 voyageurs d’affaires presque tous par voie aérienne.
En terminant, les touristes en visite chez des parents et des amis viennent massivement en voiture, sauf les Floridiens, qui sont 25 000 (80%) à opter pour l’avion (graphique 6). Dans les cas spécifiques des États limitrophes du Maine, du New Hampshire, du Vermont et du Connecticut, le choix de l’automobile fait à peu près l’unanimité. Même du côté des États éloignés, ils sont majoritaires (49 000) à prendre les axes routiers.
L’importance des dessertes
Il est clair que l’accès aérien demeure un enjeu fondamental pour améliorer les performances touristiques d’une destination. Les données indiquent que, en dépit du peu de promotion effectuée pour plusieurs marchés éloignés importants comme le Texas, la Californie et la Floride, on obtient des résultats prometteurs en termes du nombre de passagers aériens américains. Précisons que, selon The Lifestyle Market Analyst 2005, le marché des Américains qui prennent régulièrement l’avion et qui voyagent à l’étranger est évalué à 10 millions de personnes.
On note toutefois que la performance de l’Ontario s’avère largement supérieure sur plusieurs marchés éloignés, en raison de meilleures dessertes aériennes. Cela nous conduit une fois de plus à une question aussi cruciale que complexe: peut-être est-il temps pour l’industrie touristique québécoise, particulièrement pour les destinations, de prendre davantage de risques et d’investir avec des transporteurs, à titre de partenaire, dans la création de nouvelles liaisons aériennes dans le but de développer de nouveaux marchés éloignés?
Sources:
– The Lifestyle Market Analyst, Lifestyle Profiles, 2005.
– Statistique Canada, Enquête sur les voyageurs internationaux, traitement spécial, 2005.
Vous désirez diffuser cet article ? Voir notre politique de diffusion ›
Merci pour cette analyse très pertinente.
Il est grand temps d’aller vers des analyses plus fines pour mieux comprendre ce qui se passe sur le marché américain. Votre article est porteur de réflexion pour nos stratégiques collectives.
Toutefois, on se devra d’aller un peu plus loin dans les solutions que le simple recours à de nouvelles déssertes aériennes. Bien-sûr, il est évident que plus on est accessible, plus on développe des conditions gagnantes pour attirer des touristes. Il s’agit d’une avenue à ne pas négliger en respectant les règles du jeu du monde aérien.
Toutefois, mon intuition est que le malaise sur le marché agrément américain envers le Canada (et le Québec) est beaucoup plus profond (et complexe) que cela. La « meilleure » performance pour les touristes « aérien » américain n’est elle pas le fait (en partie à tout le moins) que l’on y retrouve plus de touristes d’affaires en proportion que pour le marché « voitures »?
Merci encore et continuez de nous soumettre des analyses de qualité comme celle-ci.