Entrevue avec Danielle Beaulieu, propriétaire, Hôtel Mortagne, par Kim Cadieux
Nous poursuivons notre série de portraits d’hôteliers en vous présentant une des rares femmes propriétaires dans le milieu hôtelier. Généreuse et authentique, elle nous a tout naturellement partager son parcours, ses projets, ses réalisations et sa vision.
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Parlez-nous de votre parcours. Vous avez commencé à travailler très jeune en hôtellerie pour finalement acquérir votre propre établissement. Était-ce un rêve de toujours de devenir entrepreneure?
J’ai carrément grandi dans l’hôtellerie. À l’époque, mon père détenait un hôtel à Kamouraska et ma première chambre fut la chambre no 23 : ça dit tout! Petite, je déambulais dans les corridors et le lobby… et à peine quelques années plus tard, je m’appropriais le bar! L’hôtellerie a donc toujours fait partie de mon quotidien. Ma famille a ensuite déménagé à Québec, afin d’accompagner mon père vers de nouvelles occasions d’affaires.
J’ai ainsi fait mes classes en occupant, dès un très jeune âge, à peu près tous les postes des hôtels et restaurants détenus par mon père. Il avait le don de me placer dans des situations où je devais faire preuve d’une extrême débrouillardise. Je me rappelle cette journée où, à l’âge de 16 ans, j’ai assuré seule la cuisine et le service d’un de ses restaurants, du matin au soir, avec un appareil défectueux; une expérience qui forme la jeunesse!
Rapidement, j’ai gravi les échelons de sorte que j’ai été nommée directrice générale du Beaulieu, un hôtel sur la rue Saint-Jean (devenu ensuite Le Classique et maintenant un édifice à logement), à l’âge de 20 ans seulement. Se sont ensuite enchaînés différents postes au sein des divers établissements détenus par mon père à l’époque. Ces années se sont avérées extrêmement formatrices; j’étais très impliquée et j’adorais ça!
J’ai ensuite interrompu mon parcours professionnel pour débuter des études à Montréal, d’abord au Collège Lasalle et ensuite en administration à l’UQAM. Mon père, dont les activités avaient pris de l’expansion dans l’intervalle, attendait impatiemment mon retour à Québec pour me proposer de nouveaux défis. Je me suis vite remise à l’ouvrage et concrétisai, avec passion et rigueur, ses projets d’expansion.
Soudainement, mon père décida de vendre ses établissements. La surprise passée, j’ai choisi de revenir à Montréal pour travailler comme directrice générale à l’hôtel du XXIe siècle (maintenant LHotel Montréal), sur la rue Saint-Jacques dans le Vieux-Montréal. Cela a été une expérience formidable pour moi et cette époque a été très riche en rencontres.
Environ an plus tard, au début de 2002, mon père, qui construisait l’Hôtel Mortagne, m’a appelée en renfort pour l’aider dans l’ouverture de ce nouvel établissement. Le projet d’origine visait la construction d’un hôtel de 130 chambres avec plusieurs salles de réunion. Avec la demande grandissante pour les réunions d’affaires, mariages et banquets, je lui ai suggéré d’ajouter un centre des congrès. À peine quelques minutes ont suffi pour le convaincre!
Quelques années plus tard, au moment où mon père s’apprêtait à vendre, j’ai été une des acquéreuses. C’était pour moi une évidence que j’allais devenir un jour entrepreneure. C’est en 2004, que ce rêve s’est réalisé.
Y a-t-il des défis liés à être une femme propriétaire dans le milieu hôtelier? Quelles leçons avez-vous apprises?
Sérieusement, non! De la façon dont j’ai été élevée, on ne faisait pas de différence entre les genres. Comme je suis de nature assez affirmative et fonceuse, je n’ai pas eu trop de mal à faire ma place. Qui plus est, être une femme n’a jamais été un obstacle.
Vous venez de réaliser d’importants travaux à l’hôtel. On s’imagine que vos projets ne s’arrêteront pas là…. Pourriez-vous nous partager la vision que vous avez pour votre entreprise?
Il y a quelques années, je voulais agrandir l’hôtel de sorte que nous puissions accueillir des congrès plus importants. Il y a deux ans, ce souhait a pris forme de sorte que 60 chambres et quelques salles de petite à moyenne capacité ont été ajoutées. J’en ai profité pour refaire le lobby, le rez-de-chaussée, le restaurant et la terrasse pour être davantage de classe mondiale.
De plus, nous en sommes à mettre la touche finale à un tout nouveau bar à gin : le Arthur! Il s’agit d’un bar au style britannique qui fait la promotion des gins québécois. De plus, un deuxième restaurant sera éventuellement ajouté avec une énorme terrasse adjacente. Dans ce cas, il s’agit d’un concept aux allures européennes, même parisiennes.
Vos passions pour le voyage et la découverte des cultures et des tendances semblent prendre une place importante dans votre vie. Comment ces intérêts se transposent dans votre univers professionnel?
J’ai toujours aimé voyager, mais au cours des sept ou huit dernières années, cette passion s’est intensifiée. J’ai eu la chance d’explorer surtout l’Europe, mais aussi le Japon et l’Australie. Mes expériences de voyage me servent pour inspirer mes concepts de restauration; évidemment pour le design, mais beaucoup aussi pour le service!
Les nouvelles chambres ont d’ailleurs été inspirées d’un concept vu à Londres où le comptoir et l’évier de la salle de bain, un peu à la façon d’un îlot de cuisine, sont au cœur de la pièce. La douche, quant à elle, est toute vitrée permettant d’avoir une vue sur l’extérieur. Ce concept assez singulier a été très bien reçu par la clientèle.
Vous avez la réputation d’être très près de votre personnel et votre taux de roulement est, semble-t-il, assez bas. Quelle relation entretenez-vous avec vos employés?
Plusieurs employés sont là depuis le tout début (16 ans!). Et on s’assure d’ailleurs de souligner ces anniversaires de loyauté. J’ai comme philosophie d’accorder de l’importance à chacun des métiers de l’hôtellerie; c’est vraiment grâce à un travail d’équipe que le client peut bénéficier d’une expérience optimale. Ma force comme leader réside surtout dans le fait que j’ai occupé tous les postes au cours de ma carrière. Je suis donc à même d’apprécier la valeur de tous les métiers de l’hôtellerie et d’en faire la promotion. C’est un métier exigeant qu’il faut faire avec passion!
Nous vivons actuellement une crise sans précédent. Comment voyez-vous l’avenir et qu’aurez-vous appris?
Dans les premiers jours de la crise, malgré le fait que l’hôtel soit resté ouvert, j’ai dû mettre à pied 95 % de mon personnel; une situation que je ne pensais jamais vivre! Avec la reprise graduelle des activités, j’ai l’impression d’avoir à tout recommencer, comme par exemple lors de l’ouverture d’un nouvel hôtel. Et maintenant, le plus difficile est de ne pas pouvoir procéder à la réembauche de tous nos employés et d’être dans une situation où il faut faire des choix.
Plus positivement, on s’est rapproché de nos employés et de nos clients. On prend le temps de leur parler, de créer des liens profonds et de développer un rapport de proximité. Aussi, l’importance accordée à chacun des clients prend tout son sens, car ils font individuellement toute la différence.
Quant à ma vision d’avenir, nous n’avons d’autre choix que de souhaiter que les Québécois soient attirés, d’ici la fin de l’année, vers des destinations plus urbaines.
Si j’avais une leçon à retenir, ce serait de ne jamais rien prendre pour acquis. Même si c’était déjà une valeur présente chez moi, le choc n’a pas pour autant été moins grand. Comme société, nous n’avons pas su anticiper cette crise ni son ampleur. Et nous ne sommes malheureusement pas protégés contre d’autres secousses du genre dans l’avenir.
Et si on terminait sur une note plus positive, j’aimerais vous demander quel serait votre souhait?
Mon souhait est de revoir mes clients et d’avoir la chance de reprendre mes employés le plus rapidement possible. On s’ennuie vraiment de notre monde!
Kim Cadieux
Directrice des communications
Cet article a été fourni par TourismExpress.
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