Le développement touristique en milieu rural? Si on en parlait aux principaux intéressés…
Plusieurs études soulignent l’importance de susciter l’adhésion de la population pour ériger les bases d’un développement touristique en harmonie avec le milieu rural. En effet, le tourisme en région est fortement teinté par la «couleur» de la communauté locale, ses habitants faisant partie intégrante de l’expérience touristique. Certains facteurs permettent d’établir un pont avec la communauté, et la viabilité d’un projet repose autant sur sa contribution économique que sociale.
Tout n’est pas «touristique»
Secteurs manufacturiers en difficulté, foresterie en déclin, agriculture en déroute, ressources naturelles épuisées, plusieurs régions se tournent vers le tourisme pour se sortir du marasme économique ou diversifier leurs activités.
Il existe un marché croissant pour les différents produits touristiques en milieu rural: aventure, nature, sport, agrotourisme, ressourcement dans un milieu naturel, rythme au ralenti, contact avec la population, authenticité, gîte chez l’habitant, produits du terroir, patrimoine, apprentissage, artisanat, etc.
Même si le milieu rural a beaucoup à offrir, le tourisme n’est pas une panacée aux difficultés économiques. De plus, ce ne sont pas toutes les régions qui possèdent le potentiel nécessaire pour développer une industrie touristique florissante. Trop souvent, le manque de compréhension de cette industrie permet de croire qu’elle transformera la région en eldorado et fait miroiter des retombées économiques substantielles.
Pour ceux qui se lancent dans cette aventure
Il importe de développer des liens harmonieux avec la population, car elle possède un certain poids décisionnel quant à la viabilité d’un projet et à la qualité de la prestation. En effet, la population locale est beaucoup plus qu’une communauté hôte ou un bassin de main-d’œuvre: elle fait partie de l’expérience touristique et elle peut contribuer à enrichir l’offre. Pourvu qu’elle ait une bonne compréhension des enjeux, qu’elle participe aux processus de planification et de décision, qu’elle ait un certain droit de regard sur le produit. Fédérer la communauté autour d’un projet, c’est lui permettre de devenir acteur plutôt qu’observateur ou dénonciateur.
Louis Jolin, professeur titulaire au Département d’études urbaines et touristiques à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, soulignait lors du Symposium sur le développement durable en mars 2009 que l’adhésion du milieu d’accueil repose sur trois éléments importants:
- le respect de la communauté, de son identité, de son authenticité;
- les bénéfices tant économiques que sociaux;
- la participation du milieu aux décisions.
Pour que la population approuve un projet, il faut aller au-delà des processus d’information et de consultation. Les promoteurs doivent s’ouvrir à une gestion participative avec la communauté et collaborer avec elle à l’organisation de l’activité touristique.
L’acceptabilité sociale découle des principes suivants:
- le sens de l’éthique (avantages pour toutes les parties concernées);
- la transparence;
- une bonne communication (compréhension du projet);
- la clarté (ne pas susciter des attentes irréalistes);
- une compatibilité avec l’environnement et les besoins de la population;
- une viabilité appuyée par une vision à long terme.
Comment y parvient-on?
- En écoutant la population: elle présente une communauté hétérogène aux intérêts divergents.
- En comprenant ses valeurs et en les respectant.
- En préservant les ressources naturelles.
- En expliquant le tourisme, en expliquant le projet.
- En établissant une proximité avec le milieu et un lien de confiance.
- En mettant à contribution les citoyens au début de la démarche de planification.
- En créant une relation de partenariat.
- En réduisant les tensions, en amenant les différents partis à travailler ensemble.
- En utilisant un langage positif.
C’est aussi respecter le principe démocratique, prévenir les conflits, s’assurer de la disponibilité des ressources – car un manque de ressources complique parfois la viabilité d’un projet–, profiter d’une expertise locale pour enrichir l’offre et l’expérience touristique.
Pour que chacun y trouve son compte…
Dans le discours, on met généralement l’accent sur l’apport économique du tourisme et les bénéfices directs générés tels que la création d’emplois et les retombées financières. Or, les facteurs sociaux, trop souvent éludés, ne peuvent être ignorés, car ils représentent des arguments de poids dans les échanges avec la communauté. En effet, tous ne bénéficient pas des retombées directes du tourisme et une attitude positive de la part des exclus résulte des bénéfices sociaux qu’ils peuvent en retirer. En voici des exemples:
- l’accessibilité aux infrastructures et aux ressources touristiques (transport, loisirs, restauration, etc.);
- la revitalisation d’un milieu;
- la mise en valeur des patrimoines culturel et naturel;
- les services supplémentaires à la communauté;
- l’amélioration de la qualité de vie et l’épanouissement;
- le renforcement de l’identité collective, du sentiment de fierté et de la cohésion sociale;
- la notoriété de la région;
- la distribution équitable des bénéfices;
- la maîtrise des répercussions négatives;
- le frein à l’exil des jeunes et la croissance démographique;
- les événements et les activités.
Un tourisme responsable
Comme le souligne la définition du tourisme durable dans la Politique touristique du Québec: «Le tourisme durable est un tourisme qui exploite de façon optimum les ressources de l’environnement; respecte l’authenticité socioculturelle des communautés; offre à toutes les parties prenantes les avantages socioéconomiques.»
Sources:
– Briedenhann, Jenny. «Socio-cultural criteria for the evaluation of rural tourism projects – a Delphi consultation», Current Issues in Tourism, vol. 12, no 4, juillet 2009, p. 379-396.
– Hashimotoa, Atsuko et David J. Telfera. «Developing sustainable partnerships in rural tourism: the case of Oita, Japan», Journal of Policy Research in Tourism, Leisure and Events, vol. 2, no 2, juillet 2010, p. 165-183.
– Jolin, Louis. «L’importance de l’adhésion du milieu local et communautaire au produit touristique de la destination», Atelier: communautés, Symposium international sur le développement durable du tourisme, Québec, 17 au 19 mars 2009.
– Koster, Rhonda L. P. et Raynald H. Lemelin. «Appreciative Inquiry and Rural Tourism: A Case Study from Canada», Tourism Geographies, vol. 11, no 2, mai 2009, p. 256-269.
– Tourisme Québec. «Vers un tourisme durable – Politique touristique du Québec», Tourisme.gouv.qc.ca, 2005.
– Tuulentie, Seija. «Tourism Development, Sustainability And Local Communities: Case studies from Finnish Lapland», Atelier: communautés, Symposium international sur le développement durable du tourisme, Québec, 17 au 19 mars 2009.
– Wang, Yasong (Alex) et Robert E. Pfister. «Residents’ Attitudes Toward Tourism and Perceived Personal Benefits in a Rural Community», Journal of Travel Research, vol. 47, no 1, août 2008, p. 84-93.
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Excellent constat de ce que représente une approche au tourisme culturel en milieu rural. Depuis les 5 dernières années à titre de directeur général de l’Association des plus beaux villages du Québec, il m’a été possible de constater l’impact socio-économique du tourisme lorsqu’il représente la volonté commune de la communauté. Le succès de l’APBVQ repose justement sur l’implication des administrations municipales à générer chez leurs citoyens une fierté d’appartenance à un réseau comme le nôtre qui encourage un tourisme qui s’inscrit dans un processus de partage d’une culture et d’un environnement unique tout en respectant la fibre même du patrimoine vivant dont le tourisme est l’objet.
Quoique notre Association représente d’abord et avant tout un label de qualité apposé sur 35 villages du Québec à cause de l’état de conservation de leur patrimoine bâti et de la préservation du paysage qui l’entoure, les retombées économiques sont appréciées de tous les citoyens parce que nous nous efforçons de promouvoir chez les touristes visiteurs, une approche respectueuse de l’art de vivre que l’on retrouve chez nos villages membres.
Nous n’avons jamais encouragé la prolifération des voyages de groupe ni promis de mannes touristiques fabuleuses aux villages membres. Il nous semble plus adéquat de promouvoir un tourisme individuel, issu du SLOW TRAVEL américain où on encourage les gens à visiter à pied le village tout en laissant l’auto au stationnement, à converser avec les commerçants et villageois, a s’imprégner de la couleur locale.
Oui, le tourisme peut se développer en milieu rural s’il implique et respecte la culture et les traditions qui lui sont propres.
C’est ce que l’APBVQ et ses 35 villages membres s’acharne à prouver depuis 1998 avec un succès incontestable.
Jules Savoie, directeur général,
Association des plus beaux villages du Québec.
Analyse très intéressante, notamment parce que l’on présente le projet touristique comme un élément qui s’insère dans un système pour lequel la population constitue l’un des éléments les plus sensibles. Cela me rappelle mon premier mandat professionnel, en 1997. Je devais produire un plan de développement touristique pour l’Isle-aux-Grues et j’ai débuté ce mandat en parcourant l’île à pied en janvier pour mener des entrevues auprès des insulaires afin de bien comprendre les enjeux d’un tel projet et cerner le potentiel touristique dans le respect du cadre de vie et de l’environnement.
Très intéressant commentaire de Monsieur Savoie. J’abonde dans le même sens quant au slow travel et j’ajouterais que votre organisation permet également une appropriation du patrimoine par les citoyens les encourageant à protéger et mettre en valeur le cadre bâti et les paysages.
Un très bon exemple de tourisme durable en Europe est le Tyrol di Sud, une merveilleuse région de vacances Italie à la frontière autrichienne, où vous pourrez réserver des vacances à la ferme inoubliables!
Faites un tour sur le site: http://www.tyrol-italie.fr!
Très bel article. Il est la réponse à un projet que nous mettons en place: une association pour le tourisme rural au Cameroun. Merci.